AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Pierre Gille (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070405084
470 pages
Gallimard (16/06/1998)
4.06/5   8 notes
Résumé :
Les gouvernements prétendent convaincre les peuples qu'ils sont ingouvernables et, pour les rendre gouvernables, ils ne songent qu'à renforcer la puissance, déjà énorme, de l’État.

Mais ce n'est pas l’État qu'ils renforcent, c'est l'administration, qui deviendra bientôt cette équipe de techniciens tout-puissants, incontrôlables, irresponsables, instruments nécessaires de la prochaine, de la très prochaine dictature universelle. Il n'est d’État que dan... >Voir plus
Que lire après Français, si vous saviez...Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
On tire toujours profit à revisiter les grands écrivains, surtout lorsqu'ils sont aussi de grandes consciences. C'est le cas de Georges Bernanos, qui se voyait comme "un démolisseur d'impostures" dans l'ouvrage paru en 1961 sous le titre "Français, si vous saviez..." qui regroupe les articles qu'il a publiés entre juillet 1945 et juin 1948 durant les trois dernières années de son existence dans Combat, Le Figaro, Témoignage chrétien ou L'Intransigeant. Bernanos était de retour de son exil au Brésil à la demande du général De Gaulle ("Votre place est parmi nous").

Ce livre analyse avec une lucidité totale la situation d'une France sortie exsangue d'un conflit qui l'a meurtrie dans son corps et tout autant dans son âme. Les remarques de Bernanos trouvent un étrange écho dans notre époque. Ainsi lorsqu'il écrit : "Il ne s'agit pas de gouverner la France, tout le monde voit qu'elle est ingouvernable, qu'on ne la gouverne plus qu'en apparence, qu'elle ne répond plus à la barre quelque soit la main qui la tienne." (janvier 1946, au moment où le général De Gaulle quitte le pouvoir, dégoûté par les partis). Emmanuel Macron évoquant la difficulté de réformer le pays est sur la même ligne. Sera-t-il contraint d'imiter De Gaulle version 1946 ? Ou s'est-il propulsé dans le sillage du Président de 1958 venu en sauveur pour écarter la chienlit des partis sclérosés.
Il n'est pas inutile de révéler en le complétant ce que cache le titre de ce recueil d'articles. Français si vous saviez... ce que le monde attend de vous ! Sommes-nous en mesure aujourd'hui de répondre à cette attente ?

Le recueil de Georges Bernanos a été réédité en poche en janvier 2017
Lien : https://lacitedulivreechange..
Commenter  J’apprécie          50

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La machine pense contre l’homme parce qu’elle pense à sa place, elle le dépossède non pas seulement de sa propre opinion, mais de la faculté d’en avoir une. Il ne pourra jamais dire ce qu’il pense, pour la raison qu’il ne saura plus ce qu’il pense. La Machinerie le saura pour lui. Le jour n’est pas loin, en effet, où tous les moyens de diffusion des idées se trouveront réunis en quelque organisation monstrueuse, qui d’ailleurs en viendra vite à substituer aux idées, d’un emploi difficile et parfois dangereux, des images simples et violentes, comparables à celles qu’utilise avec une maîtrise grandissante la publicité américaine. Non, ce jour n’est pas loin ! Les imbéciles peuvent encore se faire illusion, car la Machinerie à penser compte encore — pour combien de temps ? — deux centrales colossales, l’une à New York, l’autre à Moscou. Les slogans paraissent différents ou même contradictoires, mais qu’importe ! Le slogan des slogans, le super-slogan reste le même pour les deux. Il s’agit toujours de convaincre l’humanité, au nom du Progrès fatal et indéfini, de monter sur le billard pour se faire ouvrir le ventre par la Technique, en vue de l’expérience décisive, manquée jadis au paradis terrestre, qui fera de l’homme un dieu.

Que ceux de mes lecteurs tentés de blâmer en moi quelque dureté de langage veuillent bien comprendre que le temps nous est mesuré.

La machine pense contre l’homme 17 avril 1948
Commenter  J’apprécie          441
Chacun de mes livres est une trappe où je suis tombé et d'où je ne suis même pas sûr d'être remonté, car je ne me suis jamais tout à fait délivré d'un livre, ou aucun de mes livres ne m'a jamais délivré, les deux termes sont équivalents. Le souvenir de ce que j'ai souffert reste en moi si douloureux que je n'ose pas les relire et d'ailleurs le plus souvent -- c'est le cas encore aujourd'hui -- je n'ai pas d'exemplaire chez moi. Je ne les relis pas, il m'arrive seulement de les entrouvrir, je n'y entre que de biais, j'y avance pas à pas, avec prudence, hanté par la pensée d'entendre le déclic fatal, de me voir de nouveau enfermé là-dedans, d'y retrouver les images dessinées jadis par moi sur le mur et l'odeur de mes insomnies.

Un désespoir inflexible qui n'est peut-être que l'inflexible refus de désespérer.

Je viens d'écrire ce mot de désespoir par défi. Je sais parfaitement qu'il ne signifie plus rien pour moi. Autre chose est souffrir l'agonie du désespoir, autre chose le désespoir lui-même. C'est là une vérité que je dois à certains garçons peu réfléchis disposés à se tromper non moins grossièrement sur l'espérance que sur l'amour. Je voudrais les mettre en garde contre les charlatans dont le faux espoir n'est qu'un lâche prétexte à ne pas courir le risque de la véritable espérance. Car l'espérance est une victoire, et il n'y a pas de victoire sans risque. Celui qui espère réellement, qui se repose dans l'espérance, est un homme revenu de loin, de très loin, revenu sain et sauf d'une grande aventure spirituelle, où il aurait dû mille fois périr.
J'ai toujours mieux aimé courir la chance affreuse -- et je crois pour moi mortelle -- de ne plus aimer mon pays que de ne pas le voir tel qu'il est, de m'attendrir sur une fausse image faite pour moi, faite par moi, de tromper mon pays avec moi-même, comme Onan trompait son épouse. Un certain amour de la France a toujours été sous le signe d'Onan.

Celui qui, un soir de désastre, piétiné par les lâches, désespérant de tout, brûle sa dernière cartouche en pleurant de rage, celui-là meurt, sans le savoir, en pleine effusion de l'espérance. L'espérance c'est de faire face.

Que m'importe de savoir si j'ai ou non l'espérance ? Il me suffit d'en avoir les œuvres. Si j'ai les œuvres de l'espérance, l'avenir le dira. L'avenir dira si chacun de mes livres n'est pas un désespoir surmonté. Le vieil homme ne résistera pas toujours; le vieux bâtiment ne tiendra pas toujours la mer; il suffit bien qu'il puisse se maintenir jusqu'à la fin debout à la lame, et que celle qui le coulera soit aussi celle qui l'aura levé le plus haut.

On me demande souvent : "Où avez-vous pris ce personnage ? Comment cette idée vous est-elle venue ?" Je n'ai jamais pris de personnage, c'est le personnage qui m'a pris. Aucune idée n'est jamais venue à moi, j'ai toujours été à elle, et le plus souvent comme à une ennemie, les dents serrées, avec plus de résolution peut-être que de véritable courage. Lorsque je regarde mes pauvres brouillons couverts de ratures et de surcharges, zébrés de traits rageurs pareils aux marques laissées par la cravache ou les ongles sur un visage haï, coupés de blancs qui ont l'air de demander grâce, qui révèlent l'endroit où j'ai rompu, et même rompu en désordre, je pense à un terrain piétiné par une rixe, quand le cadavre vient d'être enlevé par la police ... Je sais bien qu'une pareille confidence ne me fera pas beaucoup d'honneur auprès des petits agrégés débrouillards qui sous un nom ou sous un autre confectionnent chaque matin pour la presse un éditorial unique et interchangeable, dans le meilleur style noble des canulars d'école. Mais ce n'est pas à eux que je pense. Je pense à ces lettres que je reçois chaque jour, aussi différentes entre elles qu'un regard d'un autre regard. Quoi qu'il arrive, devant tous ces regards, je ne baisserai jamais le mien, je soutiendrai ces regards, jusqu'au bout, je ne les trahirai pas.
Commenter  J’apprécie          70
Les saints et les héros sont des hommes qui ne sont pas sortis de l'enfance, mais qui l'ont peu à peu comme agrandie à la mesure de leur destin.
Commenter  J’apprécie          50
La machine pense contre l’homme parce qu’elle pense à sa place, elle le dépossède non pas seulement de sa propre opinion, mais de la faculté d’en avoir une. Il ne pourra jamais dire ce qu’il pense, pour la raison qu’il ne saura plus ce qu’il pense. La Machinerie le saura pour lui. Le jour n’est pas loin, en effet, où tous les moyens de diffusion des idées se trouveront réunis en quelque organisation monstrueuse, qui d’ailleurs en viendra vite à substituer aux idées, d’un emploi difficile et parfois dangereux, des images simples et violentes, comparables à celles qu’utilise avec une maîtrise grandissante la publicité américaine. Non, ce jour n’est pas loin ! Les imbéciles peuvent encore se faire illusion, car la Machinerie à penser compte encore — pour combien de temps ?
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Georges Bernanos (43) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Georges Bernanos
« Rien ne me réconcilie, je suis vivant dans votre nuit abominable, je lève mes mains dans le désespoir, je lève les mains dans la transe et le transport de l'espérance sauvage et sourde ! » (Paul Claudel, Cinq Grandes Odes)
« Singulière figure que celle de Georges Bernanos (1888-1948) […]. Sorte de Protée des haines et de l'amour, il semble ne jamais offrir deux fois le même visage. Il y aurait plusieurs Bernanos : un Bernanos de droite, à cause des Camelots du Roi, un Bernanos de gauche à cause des Grands Cimetières sous la lune ; un Bernanos romancier des abîmes de la condition humaine, ou un Bernanos pamphlétaire névropathe ; un Bernanos anticlérical, un Bernanos pieux catholique ; un Bernanos antisémite, un Bernanos réactionnaire, un Bernanos prophète, un Bernanos énergumène, un Bernanos enthousiaste... L'inventaire est sans fin […]. Romancier, essayiste, journaliste, Bernanos est l'homme d'une oeuvre vaste mais unifiée, tout entière contenue dans cette tâche qu'il découvrit être la sienne : rendre témoignage à la vérité, en manifestant de toutes les manières possibles ce qui est pour lui la finalité de toute condition humaine. […] Bernanos ne se faisait aucune illusion quant à l'efficace immédiate de ses écrits sur la marche du monde. C'est, toujours et seulement, de la révolte de l'esprit, la seule qui vaille, qu'il est question chez lui. […] » (Romain Debluë)
« […] C'est sans doute ma vocation d'écrire, ce n'est ni mon goût ni mon plaisir, je ne puis m'empêcher d'en courir le risque, voilà tout. Et ce risque me paraît chaque fois plus grand, parce que l'expérience de la vie nous décourage de plaire, et qu'il est moins facile encore de convaincre. J'ai commencé d'écrire trop tard, beaucoup trop tard, à un âge où on ne peut plus être fier des quelques vérités qu'on possède, parce qu'on ne s'imagine plus les avoir conquises, on sait parfaitement qu'elles sont venues à vous, au moment favorable, alors que nous ne les attendions pas, que parfois même nous leur tournions le dos. Comment espérer imposer aux autres ce qui vous a été donné par hasard, ou par grâce ? […] Il faut vraiment n'avoir pas dépassé la quarantaine, pour croire que dix pages, cent pages, mille pages d'affirmations massives sont capables de forcer une conscience : c'est vouloir ouvrir la délicate serrure d'un coffre-fort avec une clef de porte cochère. L'âge aidant, il me paraît maintenant presque aussi ridicule et aussi vain de dire au public : « Crois-moi ! » qu'à une femme : « Aime-moi ! » et le résultat est le même, soit qu'on ordonne ou qu'on supplie. Rien n'est plus facile que de prêcher la vérité. le miracle, c'est de la faire aimer. […] » (Georges Bernanos, Comprendre, c'est aimer, paru dans La Prensa, à Buenos Aires, le 19 janvier 1941.)
0:04 - Réponse à une enquête 11:30 - Générique
Référence bibliographique : Georges Bernanos, Scandale de la vérité, essais, pamphlets, articles et témoignages, Éditions Robert Laffont, 2019
Image d'illustration : https://www.france-libre.net/bernanos-appel/
Bande sonore originale : Carlos Viola - The Four Witnesses (Piano Version)
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/the-four-witnesses
#GeorgesBernanos #scandaledelavérité #LittératureFrançaise
+ Lire la suite
autres livres classés : oppressionVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (44) Voir plus



Quiz Voir plus

Le journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos

En quelle année ce roman a-t-il été publié ?

1930
1933
1934
1936

12 questions
17 lecteurs ont répondu
Thème : Georges BernanosCréer un quiz sur ce livre

{* *}