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EAN : 9782253162872
128 pages
Le Livre de Poche (11/01/2012)
3.8/5   113 notes
Résumé :
Si on se bornait à résumer cette brève histoire, elle ne pourrait apparaître que comme l'évocation d'un univers bouché, d'où on ne peut s'évader que par le suicide. Comme tant d'enfants du monde bernanosien, Mouchette se jette sans prudence dans le risque.

On ne nous dit pas ce qui la pousse au départ, si elle fuit l'école si étrangère, la maison étouffante, ou si elle obéit à une vague attente, une inconsciente quête du Paradis. Elle s'en va, tout s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Mouchette. Si jeune et si fragile. Pourtant si dure face à son destin.
Mouchette a quatorze ans. Sa vie n'est que misère. Des parents alcooliques, sans tendresse. Des coups qu'elle prend, sans gémir. Des insultes qu'elle reçoit, sans broncher. Même à l'école, où pourtant elle aimerait avoir sa place, elle aimerait un peu de repos mais Madame la rudoie, lui insuffle la honte devant ses camarades. Des camarades, d'ailleurs elle n'en a pas. Qu'aurait-elle à partager ? du silence. Des mots coincés au fond de son coeur qu'elle ne sait exprimer. Pourtant, elle en rêve des beaux mots. Elle en rêve de l'amour, sentiment qu'elle ne sait nommer mais qu'elle ressent dans son corps, dans son âme. Oui, elle l'offrirait cet amour. Oui, elle donnerait son corps à cet autre qui viendrait un jour. Elle n'a que ça à offrir, Mouchette. Elle. Et sa virginité.
Mais un destin inéluctable semble régner...

« Tout ce grand espoir qu'elle a eu, si grand qu'il n'était sans doute pas à la mesure de son coeur, qu'elle n'en a tiré aucune vraie joie, qu'elle ne garde que le souvenir d'une attente merveilleuse, à la limite de l'angoisse, tout ce grand espoir n'était donc que le pressentiment d'une humiliation pire que les autres, bien que de la même espèce. Elle est allée seulement plus profond, si profond que la chair elle-même y répond par une souffrance inconnue, qui rayonne du centre de la vie dans le pauvre petit corps douloureux. »

Que d'âpreté dans cette histoire. Quelle tragédie !
Dès les premiers mots, Bernanos nous impose sa Mouchette. On entre immédiatement en empathie avec son personnage. L'image du destin de Fantine de Victor Hugo s'est aussitôt collée à ma rétine et je savais que Mouchette n'échapperait pas à son triste sort.
Tout conduit cet être solitaire vers son noir destin. La compassion n'existe pas ou peu chez ses semblables. L'abus de pouvoir, d'autorité semble au contraire bien répandu. Et face à la honte, à la solitude, au mépris, Mouchette ne trouvera qu'une échappatoire possible pour contrer sa souffrance, son mensonge. Même la nature enveloppe Mouchette de misère : le froid, la pluie, la boue sont omniprésents.

Un roman très marquant et très marqué sur le déterminisme social.
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A l'issue de cette troisième rencontre avec Bernanos, je commence à désespérer de trouver chez cet auteur un soupçon de lumière ou d'espérance...
Si je n'ai pas vraiment saisi le lien que Bernanos établit en préface entre cette Mouchette et celle de Sous le soleil de Satan, je retrouve dans cette Nouvelle histoire de Mouchette cette sensation de lecture éprouvante, lourde, ces personnages écrasés au sol par une force maléfique, avec en plus ici une noirceur sans nom enfermant cette gamine abandonnée des dieux dans une nuit éternelle.
Mouchette est une Cosette à qui aucun Jean Valjean ne tendra jamais la main, affrontant en animal sauvage un environnement dans lequel tout lui est hostile : crevant de misère, son ivrogne de père et sa mère malade n'ont pas d'amour à lui donner, son institutrice lui exprime avec violence le dégoût qu'elle lui inspire, la nature même, froide et hostile, ne lui offre pas de refuge. Rien d'étonnant alors que l'outrage d'une rencontre avec un braconnier ivre ne la conduise au drame libérateur.
Difficile pour moi de discerner si l'intention de l'auteur, seul à chérir tendrement son personnage, est d'ordre social ou spirituel; je penche, vu l'homme, pour le second, et le tragique de sa vision du monde n'en est que plus désespérant.
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Avec cette "Nouvelle histoire de Mouchette", Bernanos m'a d'abord surprise, par une fluidité de l'écriture à laquelle de précédentes lectures (se limitant, pour être honnête, à celle de "Monsieur Ouine", et à une tentative avortée concernant "Le journal d'un curé de campagne") ne m'avait pas préparée... Il m'a ensuite à la fois atterrée et conquise, le sordide et douloureux destin de Mouchette suscitant autant de tristesse que la compassion et la justesse avec lesquelles Georges Bernanos le dépeint provoquent l'admiration.

Au cours de la vingtaine d'heures pendant lesquelles nous accompagnons Mouchette, quatorze ans, c'est tout un univers que nous pénétrons, et toute la désespérance de cette âme torturée par son incompréhension face à la violence du monde. Entre un père ivrogne et une mère gravement malade, au sein d'une fratrie dont le dernier membre, victime de l'alcoolisme parental, est né débile, l'adolescente a grandi dans un milieu où la misère prend trop de place pour autoriser un geste d'affection ou une quelconque marque d'attention envers des enfants essentiellement considérés comme des bouches à nourrir.
Négligée par ses parents, exclue par les autres enfants, méprisée par la maîtresse d'école, Mouchette est une fille sauvage et rebelle, à la manière d'un animal qui, poussé par son instinct, se lance dans une fuite éperdue pour échapper au carcan d'un environnement qui la condamne à la médiocrité.

Les premières pages la trouve en train d'épier ses camarades à la sortie de l'école, spectatrice d'une insouciance et d'une complicité enfantine qu'elle ne connaîtra jamais. Sur la route du retour, empruntant des chemins de traverse, surprise par la pluie et le vent, perdant, dans le noir, ses repères, elle s'égare dans les bois, laisse une de ses chaussures miteuses dans un trou de boue où elle est tombée... puis rencontre M. Arsène, qui l'emmène à l'abri dans le secret de sa hutte de braconnier...

Georges Bernanos nous emmène en compagnie de Mouchette dans un univers grisâtre, boueux. La fillette, malgré son désir à peine conscient de révolte contre le déterminisme social qui la relègue au rang des indésirables, est, par son manque d'expériences relationnelles et l'autonomie avec laquelle elle a du faire l'apprentissage du monde, dépourvue des armes propres à se prémunir des dangers liés à la concupiscence et la duplicité de certains adultes. C'est ce qui fera d'elle une victime passive de son malheur. Imprégnée de l'intensité de ses émotions et de ses peurs, elle expérimente avec détresse la solitude dans laquelle l'incompréhension des autres plonge les êtres différents.

L'auteur adopte une posture d'interprète : il est celui qui décrypte, pour les retranscrire au lecteur, les mécanismes qui président aux pensées et aux sentiments de son héroïne, qui déterminent ses actes, elle-même ne disposant pas de suffisamment de recul ou de maturité pour les analyser. Mouchette ressent, Bernanos décrit et analyse. Mais il le fait en démontrant une telle tendresse, une telle amertume face au gâchis que constitue la violation de son innocence, qu'il crée la possibilité d'une proximité avec sa petite Mouchette, que le lecteur n'oubliera pas de sitôt...
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« Ô maudite enfance qui ne veut pas mourir ! ». C'est le livre d'une malédiction vécue par Mouchette, mais aussi par M. Arsène, épileptique et saoul, qui l'abrite et lui parle avant de la violer, par sa mère, « La mourante tient le goulot serré entre ses lèvres et elle aspire bruyamment, maladroitement. le liquide coule d'abord de chaque côté de sa bouche, puis il inonde le cou, la chemise », par son père, « défiguré par l'enflure lorsqu'il souffre de ses terribles rages de dents », et encore son petit frère, « paquet de chiffons fumant d'urine et de lait aigre ».

Malédiction ou plutôt déréliction, misère extrême, car il n'est jamais question ici de religion — ni dieu ni diable —, témoignage d'une ultime misère matérielle et morale que Bernanos installe puissamment dans le récit d'une seule nuit. On y parle, mais il n'y a pas de dialogue, et le monologue intérieur est aussi nu qu'expressif. le seul personnage loquace et bienveillant est la vieille sacristine, familière de la fin de vie. Quelques expressions doloristes agacent le lecteur contemporain comme « l'inavouable douceur », « le pauvre petit corps douloureux », « sa pauvre âme harassée », mais ce livre hautement tragique est une révélation sur le plan social et mental.
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J'ai découvert "Nouvelle histoire de Mouchette" par le cinéma, avec l'adaptation magistrale de Robert Bresson. Il y a d'ailleurs un passage du livre qui a peut-être influencé le travail du cinéaste, celui de la référence au langage des mains, bien plus franc et sincère que celui des yeux selon Bernanos, un langage si bien mis en valeur dans les films de Bresson (je pense notamment à des passages de "L'argent").
Ce récit est une peinture de la misère, celle d'une jeune fille de quatorze ans, Mouchette, qui en est comme l'incarnation. Bernanos arrive à transcrire la résignation et la soumission de cette pauvre adolescente confrontée aux brimades de l'institutrice, aux médisances des gens du village et aux regards malveillants des hommes. Comme si le tableau n'était pas assez sombre, elle doit subir les absences et les injustices d'un père alcoolique.
Mais contrairement à sa mère qui accepte, comme de nombreuses femmes, ce statut de bête de somme, Mouchette est une révoltée. Elle n'hésite pas à tenir tête, car quelque chose en elle le lui commande.
Ce récit pourrait être une sorte de réquisitoire contre le sort réservé aux femmes. Peut-être Bernanos aura-t-il contribué, en son temps, à éveiller les consciences devant cette intolérable injustice avec cette poignante histoire, mais il est toujours salutaire de le lire aujourd'hui, il reste encore tant de Mouchette dans ce monde de brutes.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Et aujourd'hui voilà qu'elle songeait à sa propre mort, le coeur non serré par l'angoisse, mais par l'émoi d'une découverte prodigieuse, l'imminente révélation d'un secret, ce même secret que lui avait refusé l'amour. Et, certes, l'idée qu'elle se faisait de cet évênement mystérieux restait puérile, mais l'image qui la laissait la veille insensible, l'enivrait maintenant d'une tendresse poignante. Ainsi un visage familier nous apparaît dans la lumière du désir, et nous savons tout à coup que depuis longtemps il nous était plus cher que la vie.
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Le geste du suicide n’épouvante réellement que ceux qui ne sont point tentés de l’accomplir, ne le seront sans doute jamais, car le noir abîme n’accueille que les prédestinés. Celui qui déjà dispose de la volonté meurtrière l’ignore encore, ne s’en avisera qu’au dernier moment. La dernière lueur de conscience du suicidé, s’il n’est pas un dément, doit être celle de la stupeur, d’un étonnement désespéré. A l’exception des fous justiciables d’une autre loi plus obscure, personne ne tente deux fois de se tuer.
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La réflexion lui est si peu familière qu’elle n’a aucune conscience de l’effort qu’elle fait pour comprendre. S’il lui arrive de s’échapper souvent d’elle-même, grâce au rêve, elle a perdu depuis longtemps le secret de ces routes mystérieuses dans lesquelles on rentre en soi .
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Mouchette se laissa glisser sur la côte jusqu'à ce qu'elle sentît le long de sa jambe et jusqu'à son flanc la douce morsure de l'eau froide. Le silence qui s'était fait soudain en elle était immense. Cétait celui de la foule qui retient son haleine lorsque léquilibriste atteint le dernier barreau de léchelle vertigineuse. La volonté défaillante de Mouchette acheva de s'y perdre. Pour obéir, elle avança un peu plus, en rampant, une de ses mains posée contre la rive. La simple pression de sa paume sutisait a maintenir son corps à la sur- face de l'eau, pourtant peu protonde. Un moment, par une sorte de jeu sinistre, elle renversa la tête en arriere, fixant le point le plus haut du ciel. L'eau insi- dieuse glissa le long de sa nuque, remplit ses oreilles d'un joyeux murmure de fête. Et, pivotant doucement sur les reins, elle crut sentir la vie se dérober sous elle tandis que montait à ses narines l'odeur même de la tombe.
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Le seul véritable repos qu’ait jamais connu, parmi des êtres qu’il déteste ou qu’il méprise, son cœur sauvage, c’est le dégoût.
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Videos de Georges Bernanos (43) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Georges Bernanos
« Rien ne me réconcilie, je suis vivant dans votre nuit abominable, je lève mes mains dans le désespoir, je lève les mains dans la transe et le transport de l'espérance sauvage et sourde ! » (Paul Claudel, Cinq Grandes Odes)
« Singulière figure que celle de Georges Bernanos (1888-1948) […]. Sorte de Protée des haines et de l'amour, il semble ne jamais offrir deux fois le même visage. Il y aurait plusieurs Bernanos : un Bernanos de droite, à cause des Camelots du Roi, un Bernanos de gauche à cause des Grands Cimetières sous la lune ; un Bernanos romancier des abîmes de la condition humaine, ou un Bernanos pamphlétaire névropathe ; un Bernanos anticlérical, un Bernanos pieux catholique ; un Bernanos antisémite, un Bernanos réactionnaire, un Bernanos prophète, un Bernanos énergumène, un Bernanos enthousiaste... L'inventaire est sans fin […]. Romancier, essayiste, journaliste, Bernanos est l'homme d'une oeuvre vaste mais unifiée, tout entière contenue dans cette tâche qu'il découvrit être la sienne : rendre témoignage à la vérité, en manifestant de toutes les manières possibles ce qui est pour lui la finalité de toute condition humaine. […] Bernanos ne se faisait aucune illusion quant à l'efficace immédiate de ses écrits sur la marche du monde. C'est, toujours et seulement, de la révolte de l'esprit, la seule qui vaille, qu'il est question chez lui. […] » (Romain Debluë)
« […] C'est sans doute ma vocation d'écrire, ce n'est ni mon goût ni mon plaisir, je ne puis m'empêcher d'en courir le risque, voilà tout. Et ce risque me paraît chaque fois plus grand, parce que l'expérience de la vie nous décourage de plaire, et qu'il est moins facile encore de convaincre. J'ai commencé d'écrire trop tard, beaucoup trop tard, à un âge où on ne peut plus être fier des quelques vérités qu'on possède, parce qu'on ne s'imagine plus les avoir conquises, on sait parfaitement qu'elles sont venues à vous, au moment favorable, alors que nous ne les attendions pas, que parfois même nous leur tournions le dos. Comment espérer imposer aux autres ce qui vous a été donné par hasard, ou par grâce ? […] Il faut vraiment n'avoir pas dépassé la quarantaine, pour croire que dix pages, cent pages, mille pages d'affirmations massives sont capables de forcer une conscience : c'est vouloir ouvrir la délicate serrure d'un coffre-fort avec une clef de porte cochère. L'âge aidant, il me paraît maintenant presque aussi ridicule et aussi vain de dire au public : « Crois-moi ! » qu'à une femme : « Aime-moi ! » et le résultat est le même, soit qu'on ordonne ou qu'on supplie. Rien n'est plus facile que de prêcher la vérité. le miracle, c'est de la faire aimer. […] » (Georges Bernanos, Comprendre, c'est aimer, paru dans La Prensa, à Buenos Aires, le 19 janvier 1941.)
0:04 - Réponse à une enquête 11:30 - Générique
Référence bibliographique : Georges Bernanos, Scandale de la vérité, essais, pamphlets, articles et témoignages, Éditions Robert Laffont, 2019
Image d'illustration : https://www.france-libre.net/bernanos-appel/
Bande sonore originale : Carlos Viola - The Four Witnesses (Piano Version)
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/the-four-witnesses
#GeorgesBernanos #scandaledelavérité #LittératureFrançaise
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