Citations sur Sous le soleil de Satan (147)
“Pour beaucoup de niais vaniteux que la vie déçoit, la famille reste une institution nécessaire, puisqu'elle met à leur disposition, et comme à portée de la main, un petit nombre d'êtres faibles, que le plus lâche peut effrayer. Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d’autrui.”
Pourquoi pas ? Dans la confession, l'expérience du péché est-elle jamais complète ? N'y a-t-il pas, dans la honte et dans l'aveu, même incomplet, déloyal, une sensation âpre et forte qui ressemble au remords, un remède un peu rude et singulier à l'affadissement du vice ? Et d'ailleurs les maniaques de la libre pensée sont bien sots de dédaigner à l'église une méthode de psychothérapie qu'ils jugent excellente et nouvelle chez un neurologiste de renom. Ce professeur, dans sa clinique, fait-il autre chose qu'un simple prêtre au confessionnal: provoquer, déclencher la confidence pour suggestionner ensuite, à loisir, un malade apaisé, détendu ? Combien de choses pourrissent dans le cœur, dont le seul effort délivre !
Chacun de nous — ah! puissiez-vous retenir ces paroles d'un vieil ami ! — est tour à tour, de quelque manière, un criminel ou un saint, tantôt porté vers le bien, non par une judicieuse approximation de ses avantages, mais clairement et singulièrement par un élan de tout l'être, une effusion d'amour qui fait de la souffrance et du renoncement l'objet même du désir, tantôt tourmenté du goût mystérieux de l'avilissement, de la délectation au goût de cendre, le vertige de l'animalité, son incompréhensible nostalgie. Hé ! Qu'importe l'expérience accumulée depuis des siècles, de la vie morale. Qu'importe l'exemple de tant de misérables pécheurs, et de leur détresse! Oui, mon enfant, souvenez-vous. Le mal, comme le bien, est aimé pour lui-même, et servi.
Pour beaucoup de niais vaniteux que la vie déçoit, la famille reste une institution nécessaire, puisqu'elle met à leur disposition, et comme à portée de la main, un petit nombre d'êtres faibles que le plus lâche peut effrayer. Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui.
J'ai connu trop d'âmes, Sabiroux, j'ai trop entendu la parole humaine, quand elle ne sert plus à déguiser la honte, mais à l'exprimer; prise à sa source, pompée comme le sang d'une blessure. Moi aussi, j'ai cru pouvoir lutter, sinon vaincre. Au début de notre vie sacerdotale nous nous faisons du pécheur une idée si singulière, si généreuse. Révolte, blasphème, sacrilège, cela a sa grandeur sauvage, c'est une bête qu'on va dompter... Dompter le pécheur! ô la ridicule pensée! Dompter la faiblesse et la lâcheté mêmes ! Qui ne se lasserait de soulever une masse inerte ? Tous les mêmes! Dans l'effusion de l'aveu, dans l'élargissement du pardon, menteurs encore et toujours !
Pour beaucoup de niais vaniteux que la vie déçoit, la famille reste une institution nécessaire, puisqu'elle met à leur disposition, et comme à portée de la main, un petit nombre d'êtres faibles, que le plus lâche peut effrayer.
Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui.
Il voyait. Il voyait de ses yeux de chair ce qui reste caché au plus pénétrant […] : une conscience humaine. Certes, notre propre nature nous est, partiellement, donnée ; nous nous connaissons sans doute un peu plus clairement qu’autrui, mais chacun doit descendre en soi-même et à mesure qu’il descend les ténèbres s’épaississent jusqu’au tuf obscur, au moi profond, où s’agitent les ombres des ancêtres, où mugit l’instinct, ainsi qu’une eau sous la terre. Et voilà… et voilà que ce misérable prêtre se trouvait soudain transporté au plus intime d’un autre être, sans doute à ce point même où porte le regard du juge. […]
Cette âme tout à coup découverte l’emplissait de respect et d’amour. C’était une âme simple et sans histoire, attentive, quotidienne, occupée de pauvres soucis. Mais une humilité souveraine, ainsi qu’une lumière céleste, le baignait de son reflet.
Il était de ces bonnes gens qui savent porter la haine, mais que la haine ne porte pas.
J’estime […] que l’obscurité rapproche les gens. C’est une bonne chose, une très bonne chose. Quand il n’y voit goutte, le plus malin n’est pas fier. Une supposition que vous m’ayez rencontré en plein midi : vous passiez sans seulement tourner la tête…
Veux-tu que je te dise ? Je vous baise tous, veillants ou endormis, morts ou vivants. Voilà la vérité. Mes délices sont d’être avec vous, petits hommes-dieux, singulières, singulières, si singulières créatures ! A parler franc, je vous quitte peu. Vous me portez dans votre chair obscure, moi dont la lumière fut l’essence –dans le triple recès de vos tripes –moi, Lucifer…