Ecartée, remplacée, je n'en sais rien. Je ne me sous-estime pas. J'ai des qualités. J'ai vraiment envie de bien faire, j'ai de l'imagination, je suis travailleuse et organisée, mais j'ai seize ans, je ne connais rien à la vie, comment Est-ce que je peux leur apporter de l'aide ?
- J'étais venue ici pour passer des vacances avec ma fille et ses amis, poursuivit Victoire sans perdre son calme. À cause de vous [Edward], j"ai dû renoncer aux visites que nous avions prévu aujourd'hui. Bref, j'ai fait le deuil de mon projet. Nous faisons tous les jours des choix, donc tous les jours des deuils. Ça vous paraît anodin?
[...]
- Qu'en est-il du renoncement à notre jeunesse? La beauté s'en va, la force aussi, et la mémoire, et l'agilité, qu'elle soit physique ou intellectuelle. Bien plus douloureux, non?
[...]
- Pourtant, continua Victoire, nous devons tous accepter ce deuil de ce que nous avons été.
Il faut renoncer. Il faut accepter la perte irréversible, la souffrance qui va avec. [...] On doit faire le deuil de ce qu'on aime vraiment et je dirais que le problème du deuil est intimement lié à celui de l'amour, à notre manière d'aimer ce et ceux que l'on aime. Si on aime quelqu'un en ayant toujours une peur incontrôlée de sa mort, ou en n'imaginant pas qu'il mourra, ou en refusant de s'y préparer ou même d'y croire, comme si cette personne était indestructible et immuable, ou indispensable, on aura probablement les pires difficultés à accepter la séparation et faire le travail de deuil.
Ce n'était pas exactement rassurant, mais Harald n'était pas exactement une peluche, et c'était tout le réconfort qu'il lui apporterait.
Tout ce que tu crois connaître de la vie et la mort est faux. Nous n'avons pas tous la chance de trouver une paix immédiate après notre décès. Les fantômes existent. Les vampires et les loups-garous sont un fonds de commerce hollywoodien, les anges une vaste supercherie, et les sorcières et les fées, comme on le sait des contes pour enfants. Mais les fantômes existent. Partout, tous les jours, tout le temps, tu marches au milieu des morts. ça te va, comme vision de l'existence ?
Vivre à Jersey, telle était la question centrale. Vivre là où elle était censée passer le reste de son existence. Elle sentit un mélange d'affolement et d'excitation. C'était trop tôt, elle avait tant de choses à faire et à voir, et elle s'aperçut qu'elle avait toujours pensé qu'elle ferait ses études avant de revenir ici définitivement.