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Une réussite !
Oui vraiment, ce roman biographique est superbe à plus d'un titre.
Non, il n'est pas une nième bio quelconque de Claude Monet.

Les choix biographiques tout d'abord, articulés en trois parties portant les prénoms de Frédéric Bazille, Camille Doncieux et Claude Monet, respectivement l'ami soutien des débuts, la première épouse adorée et l'artiste lui-même, symboles d'amitié, d'amour et de passion de peindre - ils sont des marqueurs forts de la vie de Claude Monet. Ayant achevé ma lecture il y a quelques temps déjà, ils restent toujours présents à mon esprit, témoins d'un souvenir de lecture agréable, persistant et bien sûr d'une vie hors du commun.

Le style de Michel Bernard ensuite est incontestablement le plus de cet ouvrage. À la fois poétique et très précis, c'est une belle découverte pour moi qui apprécie tant la poésie. L'auteur ne se perd jamais en digressions inutiles, effets poétiques superflus ; le ton est clair et juste, le propos instructif et captivant.
On sent l'admiration de l'écrivain pour le peintre et c'est un réel plaisir de partager sa perception de l'édification de la personnalité du chef de file des impressionnistes grâce à sa propre sensibilité poétique. Et que dire de l'analyse fine et sensible de quelques oeuvres : un mélange de palettes picturales et littéraires !

Enfin, l'objet livre pour finir. Pour une fois, les principaux tableaux évoqués dans le roman, au nombre de quatre, sont reproduits en couleurs. Certes, il ne s'agit pas de reproductions dignes d'un livre d'art, mais j'ai tellement apprécié l'illustration immédiate et parlante des propos de l'auteur. C'est suffisamment rare pour être salué. Ces tableaux habitent le livre tout comme ils jalonnent la vie et l'évolution de l'artiste.

Une belle surprise de la rentrée littéraire sous le signe de l'amitié, l'amour, la passion de peindre et la nature omniprésente.

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Une grande émotion pleine d'admiration à la lecture de ce livre que je trouve proche de la perfection quant au style, à l'équilibre dans sa composition et à la beauté qu'il fait naître à chaque page.
Trois parties, trois prénoms : Frédéric, Camille, Claude. La plus développée, centrale, est celle consacrée à Camille, à la vie de Monet auprès d'elle, entourée de Frédéric l'ami mort lors de la guerre de 1870 et de Claude, Claude Monet qui survit à Camille et va offrir les nymphéas à la France après la guerre de 14-18 à une condition, que l'état accepte d'acquérir "Femmes au jardin" tableau que Frédéric Bazille avait acquis pour que Monet ne meurt pas de faim, que Manet aura en sa possession, revenu ensuite à Monet. ; tableau qui fait le lien entre tous ces amis, tableau où figure Bazille, Camille-Gabrielle modèle qu'aimait Frédéric...

Michel Bernard nous fait épouser la vie de Monet à travers ses tableaux rayonnant d'une joie lumineuse. Monet jouit de la vie, de la fugacité de la lumière qui nimbe des instants précieux vite disparus qu'il parvient à fixer sans les figer. Sa vie et ses tableaux ne font q'un. Avec délicatesse l'auteur sait traduire la plénitude dont Camille entoure Monet qui lui permet de donner tout à la création.
De Camille émane une douceur sereine qui permet à Monet de créer dans une atmosphère de quiétude aimante. "Camille était son talisman" p 118
"Renoir disait de son ami que "Monet ne peignait que ce qu'il aimait, qu'il aimait profondément, qu'il n'avait rien appris dans l'atelier du père Gleyre, rien appris nulle part. Son seul maître, c'était l'amour, l'amour de ce qu'il avait sous les yeux et qui était beau. "Et comme il a beaucoup d'amour, il est un grand peintre, un très grand peintre." p 104
En quelques coups de brosse, Renoir saisissait le rosissement de Camille. C'était vrai qu'elle avait quelque chose de spécial. de l'âme de cette femme était passée dans la peinture de Claude Monet, son mari."
Dans sa vieillesse Claude Monet se souvient que "Autrefois, à part Renoir, Sisley, Bazille et Manet, ses camarades de jeunesse, Camille avait été l'unique présence supportable au moment où il peignait. Sans le lui dire, au contraire, il aimait et désirait que Camille se tienne près de lui. Il travaillait plus sereinement. Elle absorbait son angoisse, le rassurait. Il sentait le silence de sa femme éponger l'inquiétude de son âme. Il n'avait jamais su le lui dire autrement que dans la violence de l'amour."

Michel Bernard en saisissant la vie de Monet comme un tout, sa passion pour la peinture se confondant avec son amour pour Camille et pour le monde qui l'entoure, nous fait entrer dans cet univers lumineux pour en partager la beauté mais aussi la souffrance car l'artiste est en guerre, en guerre avec lui-même pour créer, pour extraire la beauté de la confusion. Il a l'intuition de ce qu'il souhaite mais le chemin à suivre pour y parvenir se fait à tâtons en détruisant et recommençant, à part lors de quelques moments de grâce comme la pie, la robe verte, Camille derrière la vitre en hiver qui sont nés dans une fulgurance.

"Il habitait ses tableaux et connaissait par coeur le corps de son modèle. La femme élégante qui les traversait, dont l'ombrelle prenait autant de blanc qu'un nuage, était la sienne, l'enfant nageant dans les herbes était le sien. Il respirait l'air qu'il peignait et s'y représentait lui-même et l'intérieur de lui-même, son rêve et la beauté des choses." p 96

Si la lutte pour la création est invisible aux regards extérieurs, elle n'en est pas moins violente, elle consume celui qui la mène. La guerre elle-aussi détruit mais sans offrir au monde la moindre beauté. Semeuse de mort comme la maladie.
C'est la mort des êtres chers qui fait naître le remords, le remords de n'avoir pu les sauver.

"Les deux remords de Claude Monet" se clôt sur l'amitié qui lia Clémenceau et Monet :
"Un jour de décembre 1914, un peu avant le premier Noël dans les tranchées, Clémenceau, en route vers sa résidence de Bernouville, en Normandie, avait fait halte à Giverny."
Monet à table avait parlé (à son vieil ami Clémenceau) de son projet, affermi pendant l'automne : reprendre le chemin de l'étang, poursuivre ses travaux sur les nymphéas, mais à grande échelle" et " Clémenceau songea au général qu'il avait vu la veille, lors d'une réunion de la commission de la guerre, désigner sur une cartes les objectifs des prochaines attaques françaises, tirer des lignes et frapper du bout des doigts les crêtes tenues par les Allemands. Monet, qui allait se battre avec l'inconnu, était plus convaincant" p 191
Clémenceau va soutenir et aider Monet car "Il comprit ce jour-là, avant le peintre lui-même, le projet grandi dans sa rumination et sa volonté..."

Et voilà de quoi abolir tous remords, cet extrait d'une lettre de Clémenceau à son vieil ami :
"Jusqu'à la dernière minute de votre vie, vous tenterez, et vous achèverez ainsi le plus beau cycle de labeur. Je vous aime parce que vous êtes vous et que vous m'avez appris à comprendre la lumière. Vous m'avez ainsi augmenté. Tout mon regret est de ne pouvoir vous le rendre. Peignez, peignez toujours jusqu'à ce que la toile en crève. Mes yeux ont besoin de votre couleur et mon coeur est heureux."
(cité par Alexandre Duval-Stalla dans "Claude Monet - Georges Clémenceau, Une histoire, deux caractères)

Moi-aussi je ressors de cette lecture avec les yeux pleins de couleurs et le coeur heureux et j'en remercie Babelio et les éditions de la Table Ronde qui me l'ont offerte.
b
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« La plaine bleuie éclairait le ciel, cuivrait le ventre des nuages. Il n'entendait que ses pas dans la neige, le crissement de la glace écrasée par se souliers, un chien qui aboyait, une galopade d'écoliers en sabots, la buée de leurs souffles et, coulée entre les rideaux, répandue sur les jardinets étouffés, la lumière venue des fenêtres des villas. Il restait un moment devant la sienne à regarder l'intérieur des pièces dans lesquelles, il allait rejoindre les silhouettes familières qui glissaient d'une pièce à l'autre. Il restait là, voyageur au seuil de sa maison, et goûtait dans le froid et l'obscurité, la certitude de la petite main de son fils et du baiser de sa femme. »

Je referme ce livre particulièrement émue. J'y ai retrouvé la beauté de l'écriture de Michel Bernard, cette facilité avec laquelle les termes choisis, écrits, sont des passeurs d'émotion. Ses mots sont chargés de poésie mais aussi de sentiments, d'histoire, ils suscitent en nous des sensations, des réminiscences, des images. L'auteur réalise un travail d'orfèvre d'autant plus si l'on est sensible à la beauté. C'est aussi un ouvrage d'un grand amoureux des arts, fin connaisseur qui est habité par son sujet. Il parvient à nous faire comprendre que l'obsession de Monet, c'était le côté éphémère des êtres et des choses, des couleurs. Il transcendait son inquiétude par son amour passionné de la nature qui elle, se renouvelle.

A la lecture de cette autobiographie, magnifiquement romancée, on comprend mieux cette obsession du périssable et pour cause. Derrière le Maître incontesté de la peinture impressionniste, derrière la reconnaissance du Monde entier, que de douleurs, que de souffrances cette notoriété masque. Ce grand bourru, ce taiseux, que d'épreuves aura-t-il eu à traverser. La vie ne l'aura pas ménagé.

Je reconnais avoir une grande tendresse pour les impressionnistes. A la lecture de ce livre, je me suis rendue compte que je connaissais bien les oeuvres de Monet mais aussi à quel point je ne m'étais intéressée qu'au superficiel, sans prendre véritablement conscience, qu'une toile correspond toujours à une période de la vie de l'artiste, à son histoire, à l'impact ce celle-ci au moment de sa création. C'est ainsi que j'ai pu faire le lien entre l'oeuvre et la biographie de l'artiste. Les toiles ont défilé devant mes yeux mais replacées dans un contexte précis, source d'inspiration. Ma grande joie fut de retrouver Frédéric Bazille, croisé quelque fois. Pauvre Frédéric, mort à Beaune-la-Rolande, au moment de la guerre de 1870 dans des conditions effroyables, mort jeune, trop jeune. Tout commence par la jeunesse de Monet entouré de ses amis, Bazille, Renoir, Courbet, Manet, Sisley. Mais c'est l'apparition de Camille Doncieux qui bouleverse la vie de bohême du futur Maître. Elle sera le modèle avant de devenir le grand amour de Monet et son épouse. Nous avons toutes et tous admiré Camille. Elle est la belle silhouette en robe blanche que l'on peut admirer sur les toiles de Monet, elle est aussi Camille, devenue « la femme à la robe verte ». « de l'âme de cette femme était passée dans la peinture de Claude Monet, son mari ». Camille qui savait si bien l'apaiser en posant une main pleine de tendresse sur le front de son artiste de mari, prêt à gâcher une toile, mécontent de son ouvrage.

L'auteur chemine en compagnie de Monet et nous les accompagnons d'Argenteuil à Londres, de Londres au Pays Bas, des Pays Bas de retour en France pour se terminer à Giverny. de la reconnaissance à la misère puis de la misère à la reconnaissance et enfin à la notoriété. Deux guerres auront traversées la vie du Maître, 1870 et 1914/1918, et les deuils seront au rendez-vous marquant ainsi à jamais l'oeuvre de Monet.

Michel Bernard relate avec beaucoup d'émotion, le crépuscule de la vie de Monet. Atteint de cataracte, sa peinture s'en ressent et c'est sous la pression de Clémenceau, qu'il accepte l'opération. L'intervention ayant réussie, il pourra ainsi reprendre le pinceau et terminer les Nymphéas.

Au cours de la rétrospective au Grand Palais de 2010, j'ai pu voir les quelques tableaux qu'il a peint alors qu'il n'y voyait plus grand-chose, ce fut assez rude.

Monet veut offrir deux grands panneaux des Nymphéas à l'Etat. Ils seront dédiés en hommage « au million et demi de jeunes hommes qui n'étaient pas revenus des tranchées, pour ceux qui étaient morts à sa place en 1870 et tous ceux-là, les millions d'hommes et de femmes qui avaient aimé, souffert, travaillé et rêvé sur ce morceau de terre, dans cette partie du monde, pour en faire sous le ciel changeant, une des plus belles oeuvres humaines, le plus beau des jardins ».

Clemenceau lui a fait la promesse qu'une salle serait construite et aménagée afin de présenter son oeuvre au public : « Les grandes décorations » devenue « Les Nymphéas. En 1926, l'Etat avait rempli ses obligations. L'Orangerie était prête à recevoir les Nymphéas, une cinquantaine de panneaux furent donnés par le peintre à l'Etat. Monet avait ajouté une condition au contrat : « A condition que lui soit achetée une toile de sa collection personnelle, « Femmes au jardin » et qu'elle soit exposée au Louvre, au coeur de Paris, parmi les chefs-d'oeuvre du monde. Cette toile avait une histoire, un symbole cher au coeur de Monet.

J'aime me rendre au musée Marmottan-Monet lorsqu'il n'y a pas grand monde et m'asseoir au milieu de la salle réservée aux oeuvres de Monet. Je me pose et j'admire les nymphéas, je médite dans le silence. Aujourd'hui, cette étendue d'eau foncée me rappellera qu'elle porte au plus profond d'elle-même, dans son intimité, une vie faite d'amour, de bonheurs, de tourments et de chagrins.

Ce sont des livres tels que celui-ci qui permettent, au commun des mortels, non seulement de savourer un style d'écriture mais aussi de pénétrer l'intimité d'une icône sans difficulté et avec la certitude que l'auteur a tenté d'être au plus proche de la vérité. Un grand merci à Annette et Alain qui ont eu la gentillesse de me conseiller cette lecture.

NB : Vous m'excuserez pour la longueur de mon commentaire.
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Où il s'avère que je suis opportuniste.
Interpellée par quelques commentaires babeliens fort inspirants (merci Piatka entre autres) j'avais offert ce livre à Nathalie (une de mes copines-voisines-lectrices préférées mais tout le monde s'en fout) dans l'espoir
1/ qu'il lui plaise
2/ qu'elle me le prête
(oui ho ça va hein, que celui qui n'a jamais spéculé de la sorte me jette le premier dictionnaire)
Bilan :
1/ elle a beaucoup aimé
2/ elle me l'a prêté
3/ j'ai adoré.

Bon, et alors « Les deux remords… » ça dit quoi ?
En réalité ces remords sont des morts (voilà j'ai plombé la soirée) : Frédéric Bazille, talentueux artiste et fidèle compagnon de jeunesse, Camille Doncieux, la muse essentielle, l'épouse aimante et adorée. Deux intimes du peintre, trop tôt disparus.

Frédéric et Camille, d'heureux morts dont l'affection anime encore les jours de Claude. Trois personnages dévolus aux trois parties de ce lumineux récit. Une structure narrative précise et néanmoins singulière, où la concision du haut fonctionnaire recèle une bouleversante élégance de poète. Ici je dois avouer, un peu confuse, que je n'aurais pourtant pas misé sur les potentielles fulgurances émotionnelles d'un écrivain tout droit sorti de l'ENA. Honte sur moi et mes aprioris moisis, car outre son merveilleux pouvoir d'évocation, la tendre et délicate écriture de Michel Bernard révèle à l'évidence une pure sensibilité.

Par cette subtile et instructive immersion dans l'existence romancée de Monet – peu importent certains petits arrangements avec la réalité – voilà une autre manière encore de découvrir l'immense artiste, d'éclairer son oeuvre prolixe et sa peinture si inventive, bien au-delà du cliché impressionniste habituellement développé.

Et donc, j'ai adoré.
(quand c'est aussi bon, il m'arrive de radoter)


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Ce roman biographique de Michel Bernard n'a pas pour vocation de retracer toute la vie de Claude Monet. Avec délicatesse et dans une douce atmosphère feutrée chargée de nostalgie, Deux remords de Claude Monet retrace quelques pans de la vie du célèbre peintre impressionniste en mettant l'accent sur ce qu'il y avait de plus cher aux yeux du peintre : l'amitié, l'amour et bien sûr les jardins.
Si, en quittant Giverny, il nous reste de Monet une image de patriarche un peu bourru entouré d'une famille nombreuse, ce roman recadre un peu les choses. Il nous permet de comprendre avant tout à quel point l'amitié était importante pour Claude Monet. Lié d'une amitié sincère et profonde avec Bazille, Renoir, Clémenceau, et bien d'autres, Claude Monet aimera inviter ses amis chez lui et faire vivre sa peinture à travers leur regard. La guerre, cette tragédienne hors-pair, lui ravira bien trop souvent ses amis et il en gardera un souvenir amer.
C'est aussi un roman d'amour. L'amour qu'il porte à Camille, sa première épouse, sa muse, son souffle de vie...Âme discrète des tableaux peints à Paris, sur les plages normandes, à Argenteuil, Camille, à sa mort laissera un immense vide dans le coeur de Monet.

A travers cette biographie, Michel Bernard s'immisce avec tendresse et admiration dans l'intimité du peintre, dans ce qu'il a de plus cher. Mais, c'est aussi l'histoire d'un tableau qu'il veut nous narrer, celle de Femmes au jardin et par ce biais, mettre à jour la raison pour laquelle Claude Monet, soixante après l'avoir peint, a tenu absolument à ce que l'état lui rachète pour qu'il soit exposé au Louvre parmi les chefs-d'oeuvre du monde entier.


La lecture de cette brillante biographie en pointillés ne m'a pas vraiment laissé sur ma faim tant elle est admirable. Pour autant, en bonne gourmande, je n'en ai pas fini avec Claude Monet et compte bien me régaler d' une autre biographie dans les jours qui viennent.
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Deux remords de Claude Monet, c'est comme un cadeau.
Au premier abord, c'est le genre de livre que je n'ai aucune chance de croiser. Les biographies, romancées ou pas, ne sont pas ma tasse de thé. Ajoutez à cela une certaine indifférence ou plutôt une méconnaissance de la peinture et vous vous demanderez comment ce bouquin s'est retrouvé entre mes mains. Ca fait partie de la « magie » de Babelio. Un billet de Piatka, un autre de Lolokili qui ajoute à ma curiosité, d'autres billets appréciés, quelques échanges plus loin et me voilà convaincu d'accepter la très sympathique offre de prêt de Piatka (Merci vous :-) ).

Deux remords et trois chapitres plus loin, je tourne la dernière page en ayant l'impression que je viens de perdre un ami (oui il meurt à la fin, ce sont des choses qui arrivent parait-il) alors qu'il y a encore trois jours je ne connaissais de lui à peine deux ou trois tableaux et… et rien d'autre.
Ce n'est pas que j'en connaisse beaucoup plus aujourd'hui mais l'écriture de Michel Bernard m'a plongé dans le cercle des intimes du peintre au point de me le rendre presque familier. Une écriture toute en couleurs, toute en nuances. Chaque page a sa lumière, chaque page apprivoise ses ombres. Michel Bernard pose ses mots en touches subtiles.
J'ai entendu se déposer délicatement les flocons de neige les uns après les autres sur le sol gelé d'un hiver à Argenteuil et entendu crisser le pas de Monet sur ce tapi immaculé. J'ai voyagé avec lui par tous les temps pour parcourir les saisons du plaisir, chevalet sur le dos, et témoigner de l'instant. Figer pour l'éternité l'éphémère dissipé par la seconde qui suit, par toutes celles qui suivent et qui font la vie.
J'ai partagé un déjeuner sur l'herbe qui respirait l'amour et l'amitié. Je me suis perdu dans le drapé d'une robe verte. J'ai poursuivi Camille au jardin, je l'ai espérée avec sa capeline rouge et l'ai veillé sur son lit de mort.
J'ai été ému par les dégradés de gris des jours de pluie du peintre, émerveillé par les couleurs chaudes de ses amitiés, charmé par les variations de lumière donnant aux couleurs primaires de son existence une déclinaison de teintes infinie.

Pourquoi deux remords et pas trois?
L'amitié et l'amour, semblent indissociables pour Claude Monet.
Amitié pour Frédéric Bazille en premier lieu. Peintre mort pour la France, comme on dit, en 1870.
Amour pour Camille, première femme du peintre, partie trop jeune et seule femme qu'il ait réellement aimée d'après ce que j'ai cru comprendre.
Deux êtres disparus qui resteront liés et poursuivront Monet jusqu'à la fin de ses jours.
En effet Monet fera don à l'état des Nymphéas à condition que celui-ci achète « Femmes au jardin », représentant Camille, et qu'il soit exposé au Louvre. Son ami Clémenceau acceptera avec joie.
Si ce tableau est si important pour Monet c'est qu'il a appartenu à la famille Bazille et que c'est sous cette toile que Frédéric Bazille a été veillé les derniers jours avant son enterrement.
Camille, Frédéric, deux regrets parce que partis trop tôt. Deux remords parce qu'incapable de dissuader l'un de partir à la guerre, et culpabilisant peut être de n'avoir pas été assez présent quand le crabe a commencé à ronger la femme de sa vie. Deux remords peut être aussi pour jouer avec les maux, comme si à chaque souvenir qui s'estompait, Camille et Frédéric étaient « re morts ».

Dès l'apparition de Clémenceau dans la dernière partie du livre, je n'ai pas pu m'empêcher d'être en même temps un peu dans « le camp des autres » de Thomas Vinau. de me dire que pendant ce temps là où malgré des années difficiles, la vie était belle pour Monet, Gaspard rejoignait un camp des autres où tout était… différent…

Oui, « Deux remords de Claude Monet » a été un cadeau pour moi. le genre de cadeau qui « enrichi », qui ouvre vers un univers inconnu et passionnant. L'écriture de Michel Bernard est tout simplement…
Pour faire court, c'est l'écriture qui me touche, qui me parle. Remplie de poésie sans excès et sans figures de style. Une écriture qui m'a, l'espace d'une lecture, mis dans le tableau.

Biographie (romancée), peinture, énarque, c'était pas gagné au départ. Par contre à l'arrivée c'est jeu set match et dix de der Michel Bernard.
Vous aviez raison les filles, merci à vous pis à m'sieur Bernard aussi quand même.

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Comment ne pas être sensible au charme de cet ouvrage? une Biographie romancée sous forme de triptyque .
Comment ne pas ressentir une émotion intime à l'évocation tout en finesse : précise , élégante, poétique de la vie d'un de nos plus célèbres peintres C.Monet ?
Une reconstitution en triangle conte sans grandes envolées, avec une douceur subtile, une discrétion raffinée, une patience mesurée dans les mots : L'Amitié, à travers la vie de son ami Frédéric Bazille, mort sur le champ de bataille en 1870, : L'Amour à travers l'évocation de son épouse au visage lumineux , Camille Dancieux, qui partagea les années de misère comme celles de gloire.
Elle fera preuve d'un amour sans faille et d'une abnégation sans pareille.....
En troisième partie: les dernières années de la vie du peintre.
C.Monet, devenu vieux à Giverny fait don de ses "Nymphéas" à l'état, et souhaite que son tableau : "Femmes au jardin" soit exposé car c'est un lien fort entre les deux disparus tant aimés....

Le portrait de C.Monet reste assez doux, bienveillant et tendre.
Nous partageons sa passion de peindre, la nature omniprésente, l'amour des jardins , des compositions et agencements floraux, son intimité avec Renoir, Manet, Clémenceau, Sisley, Durand- Ruel .....
La reconstitution est mesurée, vivante, agréable, le style reposant, les exigences artistiques rythmées par la plume légère de l'auteur épousent à merveille l'impressionnisme....
Cette sensibilité artistique donne aux scènes de la vie quotidienne, aux décors et aux personnages une grande puissance évocatrice !
Une mélodie surannée mais vivante et bien charpentée, tragique et belle !! Un éclairage subtil nous guidant pas à pas dans l'intimité du peintre...donne à ce roman en forme d'hommage simple toute sa beauté!
Enfin, l'analyse fine de quelques oeuvres ajoute une originalité et une dimension supplémentaires.
Une belle surprise suite à la lecture des" Forêts de Ravel "lu en mai 2016 !
J'ai rencontré l'auteur au " Livre sur la Place " en septembre l'an dernier. J'ai assisté à deux de ses conférences à propos de M. Genevoix et de la Grande Guerre....
Bravo l'artiste !
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Michel Bernard se centre sur quelques tableaux de Monet, comme « le Déjeuner sur l'herbe, » peint en réponse au Déjeuner de Manet, peint trois ans avant, ou sa « Femme en vert. » Monet vient de rencontrer Camille, ils sont amoureux, et la figure de trois quarts, nous tournant presque le dos, présente tous les signes, dit l'auteur, d'une nuit d'amour agitée, et tous les ingrédients d'une grande peinture, qui plait immédiatement au public, alors que son déjeuner sur l'herbe ne plait pas tellement.
Dans les « Femmes au jardin » Monet, fou d'amour, peint Camille trois fois, seule la fiancée de Frédéric Bazille est peinte debout derrière à gauche.
Avec les reproductions de ces quelques tableaux, peignant Camille, le livre revient sur l'amitié qui lie le peintre à Renoir, à Fréderic Bazille, qui lui achètera « les Femmes au jardin, » cédé par la suite à Manet, et à beaucoup de peintres impressionnistes.
Bazille meurt très jeune à Verdun, il laisse un sentiment d'abandon à Monet, puisque ce dernier lui confirmait qu'il était un grand peintre. « Il devait beaucoup à l'admiration de Bazille ».
Car Monet ne sait faire que peindre, sans que ce besoin le comble ni jamais le satisfasse. Il recommence, il détruit, écoeuré par ce qui ne lui plait pas (Camille, comme Clémenceau, sauveront quelques tableaux de l'autodafé) pire encore, lorsqu'il pense avoir atteint une adéquation entre sa vision et ses couches de couleurs, il change. Il cherche, en génial peintre qu'il est, avec angoisse, inquiétude et colère, l'impossible traduction d'une insatisfaisante manière de voir la lumière, les ors des robes des femmes, leur blanc qui se juxtapose au blanc du sable.
Comme la nature change, que les couleurs de la mer et du ciel ne sont jamais pareilles, Monet change et méprise le fait d'avoir fini. Il recommence, après les longues séries des meules de foin et des cathédrales de Rouen, encore et encore, en une longue recherche jamais terminée. Ces séries sont intéressantes non pas par la répétition, au contraire, par la mise en évidence que rien n'est immuable.
Et il passe à autre chose.
Fixer l'impermanence, et ne jamais s'en satisfaire.
Avant les Nymphéas, lors de la mort prématurée de Camille, il la peindra, blanche sous un voile blanc, « pour montrer à la face du monde, une dernière fois, le visage » de la femme aimée. Sur la signature, en haut du t, il dessine un petit coeur.
Seul le tableau « la femme en vert » est exposé à Brème, les trois autres dont parle Michel Bernard peuvent être vus au Musée d'Orsay.
Avec poésie, avec tendresse, l'auteur tisse autour de ces toiles tout un pan de l'histoire du peintre. Depuis le manque d'argent de Monet, de l'aide qu'il recevra de Bazille, de l'aide qu'il recevra de Camille qui le calme doucement, de l'aide qu'il apportera aux démunis quand il sera reconnu le grand peintre qu'il est, de la souscription pour aider la veuve de Manet, de son opération de la cataracte ( un peintre aveugle, cela ne s'est jamais vu) de l'amitié avec Clémenceau, voilà une vie dévoilée.
Pourquoi Deux remords ? Deux morts, celle de Bazille, celle de Camille (rien n'est dit sur la mort de Jean son fils,), ce serait donc plutôt deux chagrins de Claude Monet.
En tous cas, excellent livre pour les amoureux de la poésie.
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Il y deux sortes de biographies d'artistes. La première, érudite, exhaustive, qui s'adresse aux aficionados, aux curieux, à ceux qui sortent d'un musée des questions plein la tête.

Et puis il y a la seconde. Partielle, partiale, affective, sensible qui part d'un coup de coeur et n'écoute que lui. Qui regarde le peintre en ami, le modèle en amant, le tableau en poète. Et qui met sa plume au diapason du pinceau qu'il vénère .

Deux remords de Claude Monet fait partie de ces biographies là. Je ne vais pas redire ce que tant d'autres ont déjà dit, bien mieux que moi.

J'ai adoré le lire, jamais il ne m'a fait regarder la peinture de Monet avec des yeux plus attentifs, plus sensibles.

J'ai toujours aimé le tableau de Camille au jardin. Je sais maintenant pourquoi il me touche.

La capeline rouge de Camille dans le jardin plein de neige m'émeut comme de voir un coeur fragile battre sous la glace. Petite silhouette tendre, obstinément présente et pourtant menacée, on la sent qui frissonne déjà, petit chaperon rouge que le loup va manger trop tôt.

Le livre superbe de Michel Bernard m'a fait reprendre mes pinceaux, inactifs depuis trop longtemps.

Allez savoir pourquoi, je laisse sur mes toiles une tache écarlate.

Comme un p'tit coquelicot, mon âme, un tout p'tit coquelicot...


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Un roman solidement documenté, mêlant avec bonheur littérature
et Art... Ce que j'affectionne tout particulièrement !

Dans cet élan, j'avais acquis cet ouvrage en juillet 2017, à Mémoire7,
à Clamart !


Je prends enfin ce "pauvre délaissé" appartenant à ma "colossale" PAL...Texte qui, comme le titre nous l'annonce, se concentre sur le peintre , Claude Monet...avec deux de ses "remords" (je reviendrai sur ce terme, avec lequel je ne suis pas entièrement en accord...) : Frédéric Bazille, son meilleur ami, fauché prématurément par la guerre ... et Camille, sa "muse"...et sa première épouse, elle aussi, décédée trop jeune , emportée
par la maladie.!!

Le récit débute par la vie trop brève du peintre, mécène et meilleur
ami de Monet, Frédéric Bazille. Ce dernier, en dépit des exhortations de
son entourage amical et familial, s'engage dans les "zouaves" et sera
tué au combat , à vingt-neuf ans!

Cette première partie est poignante, tragique...on accompagne le père de Frédéric B. qui cherche désespérément son fils; il va le retrouver
mort, le ramènera avec moult difficultés dans leur terre languedocienne
pour l'inhumer !

Un artiste mort dans la fleur de l'âge, peintre si prometteur [Peintre
pour lequel je conserve un intérêt particulier; plusieurs tableaux me
sont plus sensibles comme "La Robe rose" , 1864, "La jeune femme
noire aux pivoines" (1870); la "Petite italienne chanteuse des rues",
La diseuse de bonne aventure" (1869) ]
Il fut aussi le meilleur ami de Monet qu'il admirait sans réserve...
il fut son mécène, lui acheta des tableaux et le soutint financièrement....
Un jeune homme talentueux et brillant, fauché à 29 ans... par la guerre...


Le deuxième texte concerne Camille, la première femme de Monet, son inspiratrice, et son modèle préféré... Un amour entier, absolu, malheureusement brisé par la maladie et la mort prématurée de
Camille !

"Remords"... J'aurai plutôt dit " Regrets, ou Chagrins " ...de Monet à l'encontre de la perte brutale de son meilleur ami, puis de son épouse adorée, deux êtres essentiels à sa vie et à son parcours d'artiste...

La troisième partie est centrée sur Monet; l'auteur explique avec finesse
les passions du peintre: sa peinture, en premier chef...et puis son amour des jardins, du Beau dans la nature, de la botanique, des fleurs !

Autre source d'inspiration... qui reste si vivante avec ce domaine de Giverny qu'il a créé avec fougue et ténacité...

"La passion jardinière de Monet amusait aussi ses amis. Ils n'avaient pas pensé que l'expression "travailler le paysage", familière aux artistes depuis que la peinture s'enseignait et se vendait, pouvait être prise à la lettre." (p. 108)

Heureuse de reprendre connaissance avec l'ensemble de la genèse
de son oeuvre gigantesque des "Nymphéas"...sur plus de trente
ans, son histoire, le leg de Monet à la France...pour honorer à sa manière tous les vaillants soldats fauchés par la guerre...; heureuse aussi de retrouver les rapports amicaux très forts entre le Tigre [Clémenceau ] et Claude Monet [ me rappellant que leur Correspondance...m'attend depuis un long temps, dans ma PAL ...!!]

"Au jardin, comme devant la toile à peindre, il perdait la sensation de l'écoulement du temps et la notion de la durée. le service de la vie végétale, la sélection et l'entretien de ses infinies propositions, et la jouissance de son regard sur le résultat de son travail, ou de ce qu'il
en imaginait, l'absorbaient tout entier. En sculptant dans le paysage sous ses fenêtres, il lui semblait prendre une part minuscule, mais la sienne, à la splendeur du monde. "

Lecture palpitante, très vivante, dévorée en 24 h...Le style est aussi coloré,
lumineux, contrasté que les oeuvres de "son héros", Claude Monet...
sans négliger l'intensité des émotions qui se dégage de ce roman...
induisant , juste après sa lecture, des élans et envies spontanés d'aller flâner, savourer les tableaux fleuris, vivants du paradis de Giverny... de re-admirer les oeuvres de son jeune ami, Frédéric Bazille...

Une lecture, je le pressens, qui restera durablement dans mes gros coups de coeur !!


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Voir liens : http://www.impressionniste.net/bazille.htm

https://www.telerama.fr/sortir/bazille-peintre-visionnaire-parti-trop-tot-pour-etre-impressionniste,150391.php


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