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Critique de Arakasi


« Elle aime, elle aime le sang, la terre russe » déclamait la poète Anna Akhmatova. Une bien lugubre citation, mais tristement justifiée car, si une terre fut arrosée de sang jusqu'à la nausée, ce fut bien celle de la Russie lors du conflit de sinistre mémoire qui l'opposa à l'Allemagne nazie de 1941 à 1945.

Affrontements colossaux, exterminations de masse, pertes humaines et matérielles vertigineuses, marches forcées sur des milliers de kilomètres, gigantisme meurtrier des paysages, températures à faire regretter l'ère glaciaire, etc. Ce qui frappe d'entrée avec la guerre germano-soviétique, c'est sa démesure. Ici, foin de demi-mesures ou de modération ! Les hommes tombent comme des mouches, les chars sont fauchés par bataillons entiers, les villes rasées jusqu'aux fondations en l'espace de quelques semaines ! A la lecture de certains chiffres, on croirait presque rêver tant ceux-ci nous semblent sortis du cerveau sous-acide d'un comptable mégalomane. On ose à peine y croire et pourtant tout est vrai. Terribles temps, en vérité, où la vie humaine valait si peu de chose que l'on pouvait la sacrifier avec plus de désinvolture que l'on en mettrait à se gratter le nez...

La principale force de l'imposant ouvrage de Nicolas Bernard est d'avoir réussi à rendre compte de cette monstrueuse extravagance en cernant le conflit de la façon la plus complète possible (dans la mesure, bien entendu, où l'on peut conter cinq ans de guerre en « seulement » 600 pages et quelques). Si les manoeuvres militaires et le déroulement stratégique de la guerre ont la part belle, comme dans tous ouvrages de ce genre, l'auteur n'hésite pas à consacrer de larges tranches de son livre aux autres aspects du conflit : économique, diplomatique, social, politique, culturel, mémoriel et j'en passe – un tour d'horizon un peu épuisant et franchement déprimant par moment, mais très complet et d'une grande clarté. Personnellement, j'ai particulièrement apprécié les chapitres détaillant les causes de la guerre, puis ses multiples conséquences, ainsi que ceux consacrés à l'analyse comparée des deux systèmes totalitaires en présence.

C'est d'ailleurs dans cette analyse que réside, à mon sens, le deuxième gros point fort de « La guerre germano-soviétique ». Tout au long de son ouvrage, Nicolas Bernard s'est attaché à dresser deux portraits très bien ficelés de l'Allemagne nazie et de l'Union Soviétique. Sans nier les nombreux points communs et la barbarie des deux régimes, il a l'intelligence de mettre en avant leurs particularités respectives et évite ainsi de tomber dans le piège de l'équivalence qui reviendrait à les banaliser tous les deux. A l'issu de son ouvrage, on comprend fort bien le calcul de Churchill et Roosevelt, deux hommes à l'intelligence politique aigue, qui prirent la difficile décision de s'allier à « l'ogre rouge » contre l'horreur hitlérienne. Entre le loup qui se ronge les pattes et celui qui dévore ses voisins, il faut parfois choisir le moindre mal…

En conclusion, « La guerre germano-soviétique » s'avère une synthèse certes assez massive d'aspect, mais également exhaustive, nuancée et surtout tout à fait accessible pour les amateurs d'Histoire ne possédant qu'une connaissance modérée du sujet (des gens comme ma pomme, quoi). Quant aux 150 pages supplémentaires de notes et de bibliographie qui concluent l'ouvrage, les courageux pourront s'y atteler, mais je doute que quiconque vous tienne rigueur si vous décidez sagement de les esquiver – il sera toujours temps d'y revenir plus tard !
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