J'étais encore un peu petit – vu que j'attendais dans les limbes de naître – quand le feuilleton Belphégor faisait fureur sur nos écrans noir et blanc (il parait même que le président Charles de Gaulle ne ratait pas un seul volet). Pourtant il est resté dans ma mémoire, à travers des scènes captées ici et là, comme quelque chose de légendaire. Je n'ai donc pas hésité quand j'ai appris la réédition du palpitant roman-feuilleton qui paraissait dans les feuilles du Petit Parisien en 1927.
Je m'attendais à quelque chose de mi-policier, mi-fantastique. J'en ai été pour mes frais de moitié. En effet, il n'y a rien dans ce roman qui ressorte du domaine du fantastique. L'aura de surnaturel qui entoure ce fantôme du Louvre voleur et assassin tient surtout au talent du malfaiteur et de son équipe. Les détectives, journalistes et policiers qui essaient de l'attraper ont dû oublier de lire La Reine Margot d'Alexandre Dumas, Quoi qu'il en soit ça fonctionne plutôt bien et, pourvu que l'on choisisse de se prendre au jeu, la petite sensation qui amène à envisager les esprits errants devant des faits inexplicables au premier abord est bien là.
Tout ne m'a pas convaincu. La galerie de portraits plutôt colorée qui s'agite dans ce roman est assez déséquilibrée. Les seuls qui tirent vraiment leurs billes sont le roi des détectives Chantecoq, la poétesse Simone Desroches – seul personnage féminin véritablement solide – et le bossu Lüchner. J'ai été déçu par le peu d'exploitation qu'Arthur Bernède fait du journaliste Jacques Bellegarde, qui pourtant démarre comme un reporter aussi doué que Tintin. de même Colette, la fille de Chantecoq, donne au début l'impression de devoir servir à autre chose que de potiche ; espoir vite déçu. Je ne parle même pas de l'inspecteur Ménardier, qui semble incapable du moindre raisonnement et suit aveuglément les billets anonymes qui le mènent par le bout du nez.
Mais ceux qui sont là pour jouer les seconds rôles assument à merveille : l'amoureux éconduit Maurice de Thouars, l'homme à la salopette, le gardien du Louvre Gautrais et sa cuisinière d'épouse Marie-Jeanne, et surtout les humoristiques baron et baronne Papillon. Ça surjoue souvent un peu comme au théâtre et ce n'est pas si désagréable.
L'auteur maintient parfaitement le rythme agrémenté de rebondissements, comme il se doit quand on publie dans un journal. Quelque soient les défauts de l'histoire, c'est prenant. Belphégor et sa clique d'un côté et Chantecoq de l'autre (ce dernier ressemble à un Arsène Lupin du côté de la loi) se renvoient la balle comme à Roland Garros (en étouffant au passage les autres personnages de premier plan, je l'ai déjà dit). L'ambiance début 20ème siècle, le mystère du Louvre, l'intervention d'un secret venu du fond du temps des guerres de religion, et le bas-les-masques final accrochent leur lecteur. Ce n'est pas une suite de péripéties mal cousues ensemble ; Bernède a dû penser les grands traits de son histoire dès le début.
Je n'ai plus qu'à retrouver sur la toile l'adaptation de 1965 (la plus récente ne m'intéresse pas), et probablement détruire au passage l'aura de légende qui survit en moi depuis mon enfance. Est-ce une bonne idée ? Je sais déjà qui est Belphégor.
Dans un lieu mythique, le Musée du Louvre, un fantôme apparaît sous les yeux d'un veilleur de nuit. Un fantôme ? Capable d'assommer un gardien ?
C'est tellement intrigant que l'inspecteur Ménardier chargé de l'enquête voit arriver deux concurrents : le célèbre détective privé Chantecoq et un jeune journaliste Jacques Bellegarde. Mystères et rebondissements sont les maîtres-mots.
C'est un livre délicieusement désuet et qui doit beaucoup de son charme au Musée du Louvre.
Voici un classique que je n'avais pas encore lu (merci les ebooks d'oeuvres tombées dans le domaine public) et c'est avec un plaisir certain que j'en termine la lecture. L'intrigue est bien menée, à la manière d'un Émile Gaboriau ou d'un Gaston Leroux avec Rouletabille. Il y a un peu trop de déguisement dans l'air toutefois, mais ce n'est pas grave, je me suis tout de même laissée emporter.
Je connaissais le feuilleton, souvenir de ma tendre jeunesse, mais j'ignorais totalement que c'était un roman et encore moins l'auteur, Arthur BERNEDE. Quant au détour des rayons de ma médiathèque je suis tombé dessus ( sans me faire de mal au cas où cela pourrait vous rassurer ) je l'ai emprunté sans m'interroger, nostalgie quand tu nous tiens.
Autant vous prévenir, je suis très subjectif quant à mon appréciation qui tient plus de l'affectif, mais quand même.
Alors Belphégor, beaucoup de lecteurs de ma génération et d'autres aussi se souviennent de cette série avec Juliette Gréco dans le rôle-titre, ce fantôme qui hante les galeries du Louvre, pourquoi? véritable fantôme ou personne déguisée?
J'ai adoré ce livre, je me suis attaché aux différents personnages. J'ai découvert la plume d'Arthur Bernède, auteur prolifique de tous genres, écrivain populiste à la lecture facile mais pas simpliste. Ce roman mi-fantastique, mi-policier est un roman populaire.
C'est une oeuvre à l'écriture de l'époque entre-deux guerres qui est détaillée presque à l'extrême dont on pourrait croire que cela nuit à la surprise, pas du tout. Il y a tant de personnages, on se pose des questions, on imagine tout et pourtant. Une seule question reste:
QUI EST BELPHEGOR?
Pour tous les lecteurs de ma génération ou celles d'avant et d'après, lisez ce livre ne serait-ce que par nostalgie ou passer un bon moment de lecture.
Il y a un fantôme au Louvre. Jacques Bellegarde, rédacteur réputé du Petit Parisien décide de mener l'enquête. Si le fantôme semble insaisissable, dans l'ombre, quelqu'un surveille les protagonistes.
Quand on parle de Belphégor, on pense surtout à l'adaptation télévisuelle des années 60. En fait, le roman d'Arthur Bernède est plus ancien. Publié en 1927, sous forme de feuilleton, puis de roman, il fut adapté cette même année par Henri Desfontaines.
Dans le style percutant, Belphégor est une lecture recommandable. de nombreux pièges attendant le lecteur pour qu'il ne se doute pas de l'identité du criminel. le style feuilletonesque fonctionne complètement avec ses chapitres courts, son suspens haletant. Mais, nous sommes en 1927 et les personnages sont un peu désuet. La vraie surprise, c'est l'identité du héros. Tout porte à croire que c'est Jacques Bellegarde, mais il est régulièrement sauvé par Chantecoq, « le roi des détectives ». Ce dernier, en héros cocardier, déjoue tous les tours de Belphégor. Que l'on parle de chimie, d'enquête, de lutte… Chantecoq aura le dernier mot. Il est suivi de sa fille unique, Colette, qui n'est pas du genre à se laisser faire. Quant à l'identité de Belphégor, c'est une véritable surprise. On ne s'attend pas au dénouement, même si quelques indices nous mettent sur la piste. Autour de ces héros, l'auteur dresse des portraits forts peu réjouissants. Une dame de compagnie aussi froide qu'un glacier, un bossu aussi machiavélique que travailleur, un soupirant qui n'en finit plus de soupirer et des antiquaires dépeints comme des sots. La description de ces derniers est à hurler de rire. Arthur Bernède avait une plume acérée et n'hésitait pas à s'en servir.
Si le personnage de Chantecoq ne fonctionne plus en 2015, l'écriture se révèle vite addictive. Les évènements s'enchaînent, le lecteur veut savoir ce qui se passe. Si l'ensemble se révèle être un roman policier, l'ambiance est fantastique : mystère, trésor, passage secret sont monnaie courante dans ce bijou d'écriture.
Adapté plusieurs fois, on en retiendra trois. Celle de la télévision est la plus connue. Claude Barma signe un scénario qui s'éloigne du roman policier pour plonger dans l'ésotérisme. Bellegarde (Yves Rénier) devient un jeune étudiant qui mène l'enquête en compagnie de la fille du commissaire. Quant à Juliette Gréco, je vous laisse deviner son rôle.
Les deux suivantes sont diffusées en avril 2001, à une semaine d'intervalle. La première est une série d'animation en 26 épisodes. Belphégor est un criminel poursuivi par Jacques Bellegarde et Sarah. Ils sont accompagnés du commissaire Ménardier. Les histoires sont originales. C'est l'auteur Frédéric Bézian (Docteur Radar, tueur de savant /Des Soldats d'honneur ) qui se chargera de la charte graphique.
La seconde est une adaptation cinématographique de Jean-Paul Salomé (Arsène Lupin/Je Fais le Mort). Malgré des effets spéciaux sympathiques, des acteurs connus (Sophie Marceau, Frédéric Diefenthal, Michel Serrault), l'ensemble ne prend pas. C' est surjoué, l'enquête part dans tous les sens, bref… A oublier.
Redécouvrir le roman original de Belphégor permet de renouer avec la source originelle. Haletant et désuet. Malgré ses défauts, il reste un nom près de 90 ans après : Belphégor Dommage quand on sait que son auteur, créateur de Judex, est presque oublié.
Jacques Bellegarde, le brillant rédacteur du Petit Parisien, que ses reportages en France et à l'étranger avaient rendu presque célèbre, appartenait, en effet, à cette race de journalistes qui parlent peu, agissent beaucoup et pensent davantage. Se méfiant de son imagination, qu'il avait très vive, procédant beaucoup plus par analyse que par synthèse, très prudent dans ses déductions, et conservant toujours, dans l'exercice de ses délicates fonctions, un parfait bon sens, en même temps qu'une entière maîtrise de lui-même, il avait pour principe de ne jamais s'emballer et d'étudier à fond tous ses sujets.
Quel est ce mystérieux et terrible assassin ?… Comment et dans quel dessein s’est-il introduit dans le musée ? Pourquoi s’est-il attaqué à la statue de ce brave Belphégor, qui, sans aucun doute, ne lui avait fait aucun mal ?… Pour l’emporter ?… Heu ! Cela me paraît à la fois bien difficile et fort peu vraisemblable… Alors ?…
Alors, allumons une cigarette.
La baronne Papillon se précipita dans le salon, clamant, avec des larmes dans la voix :
— Alors, notre chère Simone ne va pas... ?
Le baron Papillon s'approchait à son tour, et, avec le regard vide de ceux qui sont pleins d'eux-mêmes et le ton déclamatoire de ces gens superficiels qui s'efforcent de masquer leur insensibilité de profonds égoïstes, il demanda :
— Au moins, notre pauvre amie n'est pas en danger ?
Saisissant l'appareil téléphonique qui se trouvait à portée de main, Colette voulut le décrocher. Elle n'en eut pas le temps. L'homme à la salopette, tirant un revolver de sa poche, le braqua vers elle. Il lança d'une voix menaçante:
— Haut les mains ou je fais aboyer mon rigolo !
-Monsieur le conservateur, annonça-t-il, on vient de découvrir ici des traces suspectes.
Et il désigna le socle de la statue de Belphégor, dieu des Moabites, dont le masque grimaçant, déconcertant, énigmatique semblait contempler en ricanant les humains qui l'entouraient.
Roger-Jon Ellory : " **** le silence"