Citations sur Les gladiateurs (10)
Les Romains eux-mêmes, qui ne se posaient guère, voire pas du tout, de questions morales concernant ces spectacles, leur trouvaient une justification à leurs yeux satisfaisante : les combats de gladiateurs étaient une école de courage et de virilité, de dignité. Ils endurcissaient les spectateurs ; et Rome avait besoin d'hommes durs et braves. Les gladiateurs, esclaves, condamnés, déclassés, donnaient une leçon de vaillance aux citoyens.
La profession de gladiateur pourrait avoir comme devise : "Amuser, et bien mourir." Qu'il soit injuste de mourir afin d'amuser autrui, que cette pratique soit dégradante, quel combattant de l’amphithéâtre est capable de le comprendre ? Lequel ose se plaindre d'un sort qu'il a plus ou moins choisi, en tout cas accepté, auquel il s'est résigné, finissant par trouver quelques compensations immédiates et tangibles ? On a traité ces gens en sous-hommes, ils ont fini par le devenir. Ils jouissent de l'instant, sans penser, comme des bêtes. Ce n'est pas le "carpe diem" des épicuriens, mais une négation de la condition humaine. Pourquoi avoir pitié d'hommes qui valent moins que des chiens ?
Au lieu de condamner la gladiature, on frappera d'interdit le gladiateur. Bouc émissaire désigné, esclave, captif, homme acculé aux dernières extrémités et, à ce titre, indigne de la moindre compassion, on lui fera porter, à lui et à lui seul, l'infamie de la société qui l'a inventé, pour l'amusement de laquelle il combat et meurt. La gladiature sera bonne, justifiée, méritoire ; le gladiateur, lui, sera infâme et méprisable.
Précarité extrême, avenir inexistant ou presque, coudoiement constant de la mort, tel était le quotidien de ces hommes, qu'ils l'aient choisi de leur plein gré ou pas.
Il s'en arrangeaient, vivant au présent, jouissant des plaisirs immédiats, compensant par la recherche de la gloire, l'amour des femmes, l'adulation du public, l'argent et ses facilités l'absence de lendemains, la peur de la déchéance due à la blessure invalidante ou à la vieillesse.
Ces compensations existaient, et leur suffisaient.
Les Romains qui regardaient combattre les gladiateurs n'avaient pas plus mauvaise conscience que ne l'ont aujourd'hui les organisateurs de combats de coqs ou de pitbulls.
Première constatation : il n’existe pas de critique morale de la gladiature à Rome. Non que tous les Romains en soient des adeptes convaincus, mais parce que leur critique, lorsqu’ils s’avisent d’en émettre une, ne porte pas sur ce qui nous choque, à savoir le mépris de la vie humaine. Aux yeux d’un Romain, la vie n’est pas sacrée, et celle d’un barbare, d’un esclave, d’un captif, d’un citoyen déchu, moins encore que tout autre. La pitié, la compassion sont considérées comme des signes, non d’une belle âme, mais d’une âme faible qui ne sait pas assumer ses responsabilités. Un Romain est dur, sans pitié pour les autres ; mais il n’est pas plus indulgent envers lui-même. S’il s’émeut, toute son éducation l’aide à réprimer cette émotion indigne. S’émouvoir au spectacle du combat, du sang, des blessures, des souffrances et de la mort est encore moins envisageable. Ce serait la dénégation de tout le code moral que l’on a inculqué à ces hommes depuis leur enfance. S’endurcir, physiquement et moralement, est le maître mot de l’éducation virile à Rome.
"Donner des gladiateurs" est donc devenu l'objectif final d'une carrière publique.
Un course - il s'en donne en moyenne vingt par jour - met en ligne huit chars, quatre pour chacune des deux principales factions, les Bleus et les Verts.
Comme j'aimerais que le peuple n'ait qu'une tête ! Elle serait plus facile à trancher ! (Caligula)
Ils avaient compris qu'une plèbe repue et gavée de divertissements devient indifférente à tout ce qui n'est pas la plaisir de ses yeux et de son estomac.
Le confort apparue donc lorsque la liberté disparue. Cela se passait au temps de la dictature de Caius Julius Caesar.