Déjeuner chez Wittgenstein

Un repas fraternel, chez Thomas Bernhard, ça ne se déroule évidemment pas dans une atmosphère franchement tendre et réconfortante
C'est comme dans un caveau ici
nous sommes déjà enterrés
un caveau exquis
où l'on sert des profiteroles
Plutôt l'occasion donc de répliques vachardes, d'un flamboiement d'énergie destructrice et d'intense amertume. A ses actrices de soeurs, Ludwig/Voss déclare:
Faire du théâtre
c'est quand même un art abject
jouer d'un instrument c'est tout autre chose
dès qu'un acteur parle
j'ai constamment le sentiment
que le monde est vulgaire
Mais c'est beau, ça fait du bien cette projection de vitriol, cette façon d'aller profond dans le dégoût, l'intransigeance, le rejet du mou, du conformisme, du médiocre, ça produit quelque chose de paradoxalement bienfaisant, de libérateur. Thomas Bernhard excelle à exprimer notre part de noire lumière. Et son écriture est extraordinairement forte, d'une beauté rageuse et décapante.

Pièce de théâtre mettant en scène deux soeurs et un frère...
Dene prépare le déjeuner tandis que Ritter lit le journal... Elles se disputent sur l'opportunité d'avoir sorti leur frère de Steinhof, l'hôpital psychiatrique proche... Ils se retrouvent aujourd'hui pour déjeuner... Ludwig est assez dérangé mentalement si bien que la plupart des sujets de conversation tournent à l'affrontement, qu'il s'agisse des profiteroles au dessert, des caleçons en coton, des tableaux de la salle à manger, ou du théâtre...Le philosophe illuminé, malade, ne s'en prend pas qu'à son médecin ; il s'en prend à l'art contemporain d'autant plus violemment que les Wittgenstein ont été des mécènes...
Le dialogue consiste en de très courtes phrases qui semblent ne pas avoir de suite... par cette écriture "psychotique" on suit les pensées des personnages bon gré malgré...
C'est une comédie grinçante non dénuée de sens à la fois acerbe et tendre... A mettre en scène !

Pièce enragée, brutale Pourquoi tant de haine? Plaidoyer contre les apparences, l'hypocrisie, le mécénat, l'art moderne, la mode, les héritages. Nous sommes chez les 3 frère et soeurs Worringer. L'ainée Dene est au service des deux autres, docile, servile, aimante. La cadette Ritter observe et déteste sa soeur. le puiné Voss est philosophe enragé et martyrise ses soeurs,. A priori l'enfance choyée a été rejetée et a perverti cet être abject qui refuse toute attention délicate à son égard, toute marque d'amour. Je suis en fin de lecture fascinée mais à la fois troublée et perplexe. Aucun bonheur aucun plaisir.