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Bernard Kreiss (Traducteur)
EAN : 9782070403950
232 pages
Gallimard (06/01/1998)
4.24/5   88 notes
Résumé :
Eloge de la fuite et mélancolie des retours, hypocrite comédie des retrouvailles, horreur de soi-même et des autres auxquels on risque tant de ressembler, honte et malaise devant un passé révolu qui n'en finit pas de se survivre dans une hideuse décrépitude, humour sanglant du moraliste - et haine, haine implacable de tous les médiocres accommodements auxquels on ne peut s'empêcher parfois de prendre part : il y a de tout cela dans Des arbres à abattre, méditation c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
J'avais l'intention de faire une critique de ce livre singulier, dans le style annonce immobilière. du factuel, à l'os. Car une partie non négligeable du roman, n'est qu'une lente rumination, une variation sur le même thème.

Des arbres a abattre. Pendant longtemps j'ai cherché le pourquoi de ce titre (il m'aurait suffit de relire la quatrième de couverture, imbécile!), mais à la fin un des personnages a cette exclamation jaculatoire " forêt, forêt de haute futaie, des arbres à abattre". Sinon je l'aurai interprété comme une façon allusive de désigner ce texte comme un jeu de massacre que l'on rencontre dans les fêtes foraines. le fauteuil à oreilles aurait été un titre idéal étant donné que l'occurrence "fauteuil à oreilles" apparaît tant de fois que j'ai arrêter de compter passé quarante.

L'auteur narrateur a assisté à l'enterrement d'une âme d'artiste qui s'est pendue. Encore sous le choc, plutôt consciemment qu'inconsciemment, il déambule dans le Graben, l'axe principal et piéton de la ville de Vienne - ville qu'il honnit, comme certains écrivains autrichiens, allez savoir pourquoi, pour l'avoir visité çà ne m'a pas semblé pire que Raqqa. Se promener au Graben c'est la meilleur façon de rencontrer des gens de connaissance, donc sa promenade n'a rien d'innocent. Il tombe justement sur un couple de bourgeois , les Auersberger, qu'il a arrêté de fréquenter depuis vingt ans, qu'il méprise, et qui l'invitent à leur sempiternel"diner artistique" qui l'insupporte, donné en l'honneur "du comédien le plus considérable et le plus grand de tous les comédiens vivants" qui se produit au Burgtheater, institution culturelle qu'il vomit. Rien ne trouve grâce aux yeux du narrateur. Et donc ... il accepte. Il accompagne au domicile ses hôtes situé dans la Gentzgrasse, rue qui est antipathique au narrateur. La soirée a des prétentions culturelles, y sont invités des gens qui en sont. le maître de maison serait le "Novalis des sons, le digne successeur de Webern". Il y a aussi Jeannie Billroth, une écrivaine bien médiocre, qui se réclame de Virginia Woolf, en ajoutant qu'elle est allée plus loin qu'elle. Assis dans un fauteuil à oreilles (çà vous ne risquez pas de l'oublier) dans l'antichambre, le narrateur observe à distance ces gens dans le salon qui attendent la venue de l'étoile du théâtre qui se fait bien attendre. Il médite, reconsidère, il pèse les raisons qui l'ont poussé à venir dans cette société qu'il vomit et dont l'aspiration à la haute culture est des plus pathétique. Il ressasse; vous en avez pour un bon tiers du volume voire plus : le fauteuil à oreilles, les Auersberger pitoyables, le Burgtheter puant, tout çà. Il se dit qu'il aurai mieux fait de rester en compagnie de Pascal, Gogol, Dostoïevski, Tchekhov. Arrive enfin l'acteur, tout ce petit monde rejoint la table du dîner, se met en train et se révélé - si ce n'est sous son meilleur jour, égal à lui même. L'entreprise de démolition mentale du narrateur se poursuit, c'est féroce, mais au moins il a quitté le fauteuil à oreilles. Les gens éméchés, un seul a le courage de dire son fait à qui de droit et ce n'est certainement pas le narrateur. On est amené à se dire que finalement l'être le plus hypocrite, le plus abject, le plus lâche, celui qui éveille le plus notre antipathie, c'est le narrateur lui même, et ce dernier quelque part le reconnait. Avoir la faiblesse d'accepter une invitation, la compagnie de gens qui nous insupportent pour se sentir moins seul après un enterrement! La soirée engagée, ces gens se révélant aussi atroces qu'on était en droit de s'attendre, pourquoi ne pas l'avoir quitté sur un coup d'éclat, à la hussarde, faisant craquer le parquet d'un pas lourd, dans un tintement de porcelaine et de verroterie, claquer la porte à en faire se décrocher un de ces tableaux affreux? le mieux aurait été de chercher des paroles de réconfort en Pascal, en Montaigne, retrouver le sourire en compagnie de Gogol, comprendre la complexité de l'homme par la grâce de Dostoievski? Bref, confinement ou pas, n'allez pas vous fourvoyer en mauvaise compagnie, il n'y a de meilleure compagnie qu'un bon livre, et si tout le monde vous agace, lisez-en trois.
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Une lecture singulière... ce livre ne connaît aucun paragraphe, aucun chapitre..., comme une longue ligne...
Il s'agit d'une mise en scène (mais ce n'est pas écrit comme une pièce de théâtre).
Un homme (sans doute l'auteur mais peut être pas, peut être l'un de nous), a accepté une invitation à un dîner, pour se retrouver dans une société qu'il excècre.
La première partie du livre (la plus importante) est consacrée aux ruminations de l'auteur (ou du héros), coincé dans un "fauteuil à oreilles", qui devient un personnage.
La deuxième partie est le dîner proprement dit.
Pour aimer ce livre, il faut le voir comme une véritable mise en scène et une mise en langage. Tout est théâtral. dramatisé à souhait, exacerbé, vociféré, joué (surtout).
Dans son fauteuil à oreilles, cela est répété mais je m'en suis amusée, à guetter, à anticiper, la répétition de la formule, il observe les gens, les invités qui entrent peu à peu, sans le voir lui. Cette position, situation est géniale. Mais déjà féroce. Il est en retrait, caché, et alors on comprend d'emblée, que le "héros" est dedans et dehors. Position confortable puisqu'il ne veut pas vraiment aller à ce dîner, mais si intenable puisqu'il y est à ce dîner. Et alors on aura compris que la clé du roman est l 'ambivalence, une ambivalence qui empêche de prendre des décisions tranchées, qui empêche de vivre, tout simplement car qui tue le choix, et la décision et qui encourage la soumission (je me remets à l'autre pour décider).
Thomas se livre à des portraits (de gens qui ont réellement existé et qu'il a réellement connus) d'une férocité, d'un cynisme, mais d'une drôlerie car si bien écrits. Il n'a aucun égard pour cette faune, qu'il côtoie mais qu'il déteste (encore l'ambivalence).
Nonobstant, le bonheur de lire Des arbres à abattre ne réside pas dans l'histoire. le bonheur de cette lecture, c'est l'écriture. Une écriture spiralaire, remarquable, riche et pleine d'humour sarcastique.
Ainsi Thomas B. met en répétition (en spirale) des expressions telles que "comme qui dirait" (c'est ma préférée), ou "comme on dit" ou "comme j'ai pensé"... je m'en suis amusée... je n'ai pas compté, je jouais, c'est quand qu'il va sortir cette formule,... oh ben ca fait une page que je n'ai pas lu une formule bernhardienne, un jeu, Thomas B. emmène le lecteur dans ses ruminations. Soit c'est agaçant, soit c'est jouissif.

Le titre du livre est "l'irritation", c'est tout à fait cela. Thomas, l'auteur, vous colle une grosse poignée de poil à gratter. Mais plus vous vous grattez, plus il faudra vous gratter. Alors, il faut jouer, et renvoyer à l'envoyeur.

Accepter et ne pas accepter, ce qui est toute la problématique de l'auteur et du livre. Pourquoi a-t-il accepté d'assister à ce dïner ? Comment aurait il pu refuser ?
C'est du théâtre (d'ailleurs, j'ai vu cela après avoir fini ma lecture, le livre a été adapté au théâtre, formidablement)
Une théatralisation, implacable, cynique, ironique, décapante, destructrice, d'un microcosme artistique.
A la fin de ma lecture et de cette chronique, j'ai découvert qu'à la parution du livre en Autriche, il y avait eu censure, car des personnages se reconnaissaient. Scandale !!! Mais le livre circulait déjà et la censure a été levée.


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Lors d'un “dîner artistique” donné par les époux Auersberger en l'honneur d'un vieux comédien du Burgtheater, le narrateur, assis dans un fauteuil à oreilles, observe l'intelligentsia viennoise, avec qui il avait rompu depuis presque trente ans. Comme la plupart d'entre eux, il a assisté le jour même aux obsèques de Joana, artiste en marge qui s'est suicidée, le dîner mondain ne s'annonçant alors comme rien d'autre qu'une sorte de requiem pour Joana. Alceste moderne, le narrateur, double à peine déguisé de l'auteur, ressasse son exaspération devant ce petit monde étouffant dont l'art semble la seule préoccupation, et rumine son besoin d'écrire enfin tout ce qui l'empêche de vivre.
Thomas Bernhard mène implacablement le procès des artistes et de leurs admirateurs. Un réquisitoire dont l'humour est désintégrateur car il règle des comptes avec un milieu qu'il a fréquenté jeune.
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Forêt, forêt de haute futaie, des arbres à abattre

Le suicide, la mort, l'envie de tuer, d'abattre, d'abattre la majesté, la grandiloquence, égorger sans aucune pitié la réputation, la bien-pensance, étriper les tantes culturelles et leur monopole sur l'art, briser les doigts de ces virtuoses avant que la partition ne commence, parce que l'art, parce que la musique, parce que la littérature de haute futaie ne peut souffrir les dilettantes, les pique-assiettes. L'importance de Glenn Gould, la majestuosité de Virginia Woolf et la splendeur des Pensées de Pascal, voilà tout ce qu'il faut pour sauver le peu qu'il reste, sauver l'humus qui fait nos vies, au-delà de la mort, sauver l'amitié et les oeuvres, sauver les oeuvres ou l'amitié, rien d'autre.

Forêt, forêt de haute futaie, des oeuvres à abattre
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Une étrange lecture que "Des arbres à abattre". On est dans les pensées, ruminations de l'auteur qui revient 30 ans après dans les lieux qu'il a fréquenté dans le passé et qu'il avait choisi d'oublier car il exècre.
Des phrases très longues où l'auteur se répète les mêmes thèmes plusieurs fois.
Pourquoi est il revenu ? Est ce le suicide de Joana qui l'a poussé à accepter cette invitation ?
Il ne supporte plus ce milieu "cultivé" de Vienne mais il fait partie de ce milieu et ne supporte pas son comportement, sa pusillanimité.
Malgré j'ai bien apprécié cette lecture décalée...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Ils le voyaient bien : je suis l’observateur, l’ignoble individu qui s’est confortablement installé dans le fauteuil à oreilles et s’adonne là, profitant de la pénombre de l’antichambre, à son jeu dégoûtant qui consiste plus ou moins à disséquer, comme on dit, les invités des Auersberger. Ils m’en avaient toujours voulu de les avoir toujours disséqués en toute occasion, effectivement sans le moindre scrupule, mais toujours avec une circonstance atténuante ; je me disséquais moi-même encore bien davantage, ne m’épargnais jamais, me désassemblais moi-même en toute occasion en tous mes éléments constitutifs, comme ils diraient, me dis-je dans le fauteuil à oreilles, avec le même sans-gêne, la même grossièreté, la même indélicatesse. Et après cela, ce qui restait de moi était encore bien moins de chose que ce qui restait d’eux, me dis-je.
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La plupart des gens ne nous intéressent pas vraiment, ai-je tout le temps pensé, presque tous ceux que nous rencontrons ne nous intéressent pas, ils n'ont rien d'autre à nous offrir que leur misère de masse, leur bêtise de masse, et ils nous ennuient pour cette raison et nous n`avons naturellement strictement rien à voir avec eux. Par la force des choses, ils nous sont apparus ineptes et sans intérêt, pensai-je, par milliers, par dizaines de milliers, par millions pour peu que nous remontions le
cours de l'histoire.

p. 172.
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Mais une telle pensée n'est pas prise au sérieux, pensé-je, bien que de telles pensées, qui ne sont pas et ne seront jamais prises au sérieux, soient des plus sérieuses, comme je le sais, et qu'il n'y ait même de véritablement sérieuses que de telles pensées qui ne sont pas prises au sérieux. Pour pouvoir survivre, il nous faut toujours penser sérieusement des pensées qui ne sont jamais prises au sérieux, pensé-je.
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Les époux Auersberger me haïssaient, ils avaient compris : invité dans la précipitation, j'étais le point noir de ce dîner, et ils appréhendaient seulement le grand moment : le comédien arrive, tout le monde est prié de passer à table et l'on sert le dîner. Ils le voyaient bien : je suis l'observateur, l'ignoble individu qui s'est confortablement installé dans le fauteuil à oreilles et s'adonne là, profitant de la pénombre de l'antichambre, à son jeu dégoûtant qui consiste plus ou moins à 'disséquer', comme on dit, les invités des Auersberger. Ils m'en avaient toujours voulu de les avoir toujours disséqués en toute occasion, effectivement sans le moindre scrupule, mais toujours avec une circonstance atténuante ; je me disséquais moi-même encore bien davantage, ne m'épargnais jamais, me désassemblais moi-même en toute occasion en tous mes 'éléments constitutifs', comme ils diraient, me dis-je dans le fauteuil à oreilles, avec le même sans-gêne, la même grossièreté, la même indélicatesse. Et après cela, ce qui restait de moi était encore bien moins de chose que ce qui restait d'eux, me dis-je.
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Mais que peuvent bien avoir à dire de jeunes écrivains qui croient tout savoir et sont en fait seulement capables de trouver tout ridicule, sans pouvoir dire pourquoi c'est ridicule. Cela, ils ne le comprendront que beaucoup plus tard, pensai-je ; d'abord ils trouvent tout ridicule sans savoir pourquoi, ce qui est leur cas, plus tard seulement ils sauront pourquoi, mais alors ils ne le diront plus, parce qu'ils n'auront plus alors aucune raison de le dire. Et c'est bien de ce rire tout à fait caractéristique, bête et creux et stupide, de la jeunesse des perverses et stupides et dangereuses années quatre-vingt, que je les ai tout deux entendus rire, pensai-je. Ils éclatent de rire et trouvent tout ridicule et n'ont même pas encore publié un seul livre, pensai-je, exactement comme toi il y a trente ans. Ils n'ont que leur rire, rien d'autre, et ce rire les satisfait. Ils n'ont que ce rire et toute la catastrophe de la vie encore devant eux, pensai-je. Ils n'ont que ce rire et pas la moindre raison de rire.
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Videos de Thomas Bernhard (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Thomas Bernhard
Le 17 mars 2021 a disparu le comédien Jacques Frantz.
Sa voix de basse, puissante, vibrante et expressive, était particulièrement appréciée dans l'art du doublage. C'est tout naturellement que, en 2007, il a rejoint les grandes voix de « La Bibliothèque des voix » pour immortaliser dans un livre audio l'ancien acteur shakespearien désabusé dans la pièce de Thomas Bernhard « Simplement compliqué ».
Nous partageons cet extrait pour lui rendre un dernier hommage et adressons nos pensées émues à sa famille.
- - - Le texte imprimé de « Simplement compliqué » de Thomas Bernhard a paru chez L'Arche Éditeur, en 1988. Direction artistique : Michelle Muller.
+ Lire la suite
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