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Gilberte Lambrichs (Traducteur)
EAN : 9782070406982
606 pages
Gallimard (22/01/1999)
4.15/5   120 notes
Résumé :
Huit jours après avoir assisté au mariage de sa sœur dans le château familial de Wolfsegg, en Autriche, Mureau, le narrateur, rentré à Rome doit repartir. Cette fois, pour participer aux funérailles de ses parents et de son frère, morts dans un accident de voiture.
Brebis galeuse d'une famille attachée à ses traditions, héritier d'un domaine dont il n'a que faire, Mureau retourne dans ce lieu grandiose, avec ses rites respectés et bafoués à la fois par son pè... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Le narrateur, Murau, vit à Rome depuis plusieurs années. Loin de son Autriche natale. Loin de sa famille et du château de Wolfsegg. Loin de son lourd passé. Lourd? Pis que ça : tous (pays, parenté et traditions confondus), il les trouve médiocres, il les hait. J'ai envie de dire qu'il irait vomir sur leurs tombes. Son père flirtant avec le national-socialisme, sa mère inculte, son frère borné, ses soeurs à l'esprit étroit… avec leur conservatisme arriéré. Après tout, le fascisme ne s'était pas développé dans le néant. Malheureusement pour lui, la mort de son frère et de ses parents l'oblige à rentrer chez à la maison et à affronter ses démons. C'est le point de départ d'Extinction.

Toute la première partie, c'est Murau qui réagit à la mauvaise nouvelle (je ne sais toujours pas ce qu'il trouve plus catastrophique : la mort de ses parents ou le fait que cela l'oblige à retourner là-bas!) et qui se remémore tout ce qu'il déteste à propos de sa famille, son enfance, ses débuts dans la vie adulte, son besoin de s'éloigner, etc. Tous ces souvenirs épars et dévastateurs, mélangeant le présent et le passé, dont la démarcation n'est pas toujours claire, il faut les surmonter avec lui. D'autant plus que ses mots sont durs et peuvent être ressentis comme une claque en pleine face. Il est clair que l'auteur Thomas Bernhard n'invente pas tout et que le fiel qui déborde de son roman, il en a ressenti une partie. Si pas à l'endroit de sa famille, de son pays du moins.

Cette première partie, en plus d'être une terrible critique, certains pourraient trouver un peu longue. Moi, je l'ai adorée. le narrateur déambule dans Rome avec son élève Gambetti, ils passent « par la Flaminia, la Piazza del Popolo et tout le long du Corso » (p. 11) et plusieurs autres endroits où je suis passé et dont j'ai aimé me rappeler. Aussi, ils parlent d'histoire, de philosophie et de plusieurs grands auteurs que j'aime bien, comme Sartre, Kafka, Musil et Broch. Petit fait cocasse, l'auteur se cite ici parmi ces grands écrivains, « Amras, de Thomas Bernhard » (p. 11). Bref, Murnau parle de tout ce qui l'a marqué dans sa vie de jeune adulte, quand « il se cherchait » avant de s'établir en Italie. Cette éducation européenne qu'il s'est appropriée, certains peuvent l'apprécier.

Dans la deuxième partie, où Murnau retourne à Wolffsegg, on rencontre réellement la famille, ce qu'il en reste. Dans la partie précédente, on ne les avait vu qu'à travers les souvenirs de Murnau et la littérature nous a appris à se montrer suspicieux des comptes-rendus des narrateurs à la première personne. Ses soeurs Caecilia et Amalia, son beau-frère fabricant de bouchons de bouteilles de vin, ils s'avèrent à la fois mieux et pires que ce à quoi on s'attendait. Je n'en dis pas plus, à vous de voir en lisant.

Les funérailles nous plongent dans le coeur de cette famille aux allures aussi sinistres que les personnages des films de Hammer. Toutefois, ces individus peuvent représenter davantage des archétypes. J'écrivais plus haut que le fascisme ne s'est pas développé dans le néant, que certaines valeurs ou traditions encore vivaces, même après la guerre, ont continué à teinter (pourrir?) la vie dans les pays germaniques. Et c'est ce genre de valeurs que Bernhard souhaitait voir la disparition. L'extinction. Après tout, la mort de ses parents et celle de son frère (qui devait les perpétuer) marque la fin d'une époque qu'il espère révolue. Et ces valeurs sont nombreuses. L'une d'entre elle est la religion, qui abrutissait les masses. le personnage du cardinal, même s'il est magnifié à l'excès, représente lui aussi une espèce en voie de disparition. Pas étonnant que, lors des funérailles, Murnau préfère parler avec les petites gens, les jardiniers, les employés.

Cette intrigue que j'ai tenté de résumer, elle est profonde et lourde, tout comme le style de Thomas Bernhard. Pendant ma lecture, je sentais des relents de Marcel Proust. le roman est constitué de longues phrases, de longs paragraphes…. En fait, il y a très peu de paragraphes, pas beaucoup plus de chapitres. Seulement deux parties. C'était un flot continu de critiques, un déversement presque ininterrompu de frustrations. Je ne savais jamais où m'arrêter. En temps normal, j'aime bien faire des petites pauses entre les chapitres (lesquels permettent souvent de former un ensemble cohérent, une idée centrale pour mieux se faire une tête et envisager la suite). Là, j'étais sans souffle.

Bref, si j'ai apprécié Extinction pour plusieurs raisons (critique acerbe mais réaliste de la société, brin de culture, fines descriptions psychologiques de personnages), le style fait en sorte qu'il puisse sembler rébarbatif à un grand nombre de lecteurs. Il peut constituer un mur infranchissable. À ne pas placer entre les mains de n'importe qui.
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L'auteur qui vit à Rome reçoit un télégramme de ses deux soeurs l'informant du décès dans un accident de voiture, de leurs parents et frère. Murau quitte la capitale italienne et rentre en Autriche dans le domaine familiale de Wolfsegg afin d'assister à l'enterrement et prendre possession de cette vaste propriété qui désormais lui revient.
Ces quelques jours vont être le prétexte pour Murau à se livrer à une critique incendiaire de tout et tout le monde. Critique de sa famille, son père national-socialiste, sa mère bête, inculte, cupide et trompant son père sans amour pour ses enfants, son frère falot, ses soeurs qui n'ont jamais vécu car restées sous la coupe de leurs parents même si l'une Caecilia a épousé un crétin de fabricant de bouchons de bouteilles de vin. Critique de son pays l'Autriche, trop attachée au national-socialisme et au catholicisme.
Un roman terrible où les critiques succèdent aux critiques, d'autant plus dures qu'elles sont dirigées contre sa propre famille et son pays. Cinq cents pages sans paragraphes ni saut de lignes, des phrases mises bout à bout constituent ce bouquin découpé en deux chapitres, le télégramme qui se déroule en Italie et le testament en Autriche, à Wolfsegg. J'avoue que les premières pages furent éprouvantes, cette diarrhée de propos acerbes contre les siens m'a semblé insupportable puis au fil de ma persévérance j'ai accepté le parti pris de Thomas Bernhard et je l'ai suivi jusqu'au bout, car derrière la forme du propos s'est dégagé un style puissant. Un épouvantable grand livre.
Thomas Bernhard écrivain autrichien (1931-1989) a livré en 1986 avec Extinction son tout dernier livre, apogée de son style fait de phrases longues et répétitives, comme pour marteler son propos et nous le faire entrer dans le crâne de gré ou de force. Toute sa vie l'écrivain fera scandale dans son pays par ses textes diffamatoires ou attaquant l'Etat, néanmoins il est reconnu comme un grand écrivain par la critique et reçoit de nombreux prix.
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L'élégante et harmonieuse Piazza Minerva que surplombe l'appartement du narrateur, offre un contraste saisissant avec le bouleversement de sa vie annoncé par le télégramme que ce dernier tient à la main. Ses parents et son frère aîné se sont tués dans un accident de voiture. Bien plus que le décès de ces personnes qui ne lui sont de rien depuis longtemps, n'ayant eu de cesse de lui faire cher payer sa singularité, son impardonnable incapacité à suivre le sillon tracé par ses aïeux, ce sont les implications inévitables et les conséquences fâcheuses de cet événement qui le tourmentent au delà de toutes expressions. La perspective de prendre possession et de disposer du domaine familial honni où il s'était juré de ne pas retourner de sitôt, de retrouver les deux nullités qui lui tiennent lieux de soeurs, et d'être l'objet de tous les regards dans ces funérailles qui ne sauraient manquer de faire ressurgir les démons d'un passé rance, n'est rien moins que réjouissante. Cette inévitable réunion malencontreuse de prélats de l'église catholique, d'anciens dignitaires nazis, dans un cadre synonyme de traumas infantiles fait remonter, tels des poussées d'urticaires, chez cet amoureux de Rome, professeur de littérature allemande pourtant, de singulières poussées de germanophobies.

Par le biais de la logorrhée d'un narrateur grandiloquent, adepte de l'hyperbole et dont le discours prend une forme furieusement itérative, comme pour mieux enfoncer les clous du cercueil d'un peuple moribond, Extinction, un écoulement, dresse à travers l'histoire d'une famille autrichienne de propriétaires terriens, le portrait grinçant et sans appel d'une société autrichienne qui n'en a pas fini avec les démons du passé, s'enlisant dans la plus affligeante des médiocrités. Amateurs de manteau Loden, de culotte de peau et de dirndl et autres accoutrements tyroliens passez votre chemin, lecteurs friands d'humour caustique vous êtes arrivés à destination.
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Famille je te hais, Église je te hais, pays et médiocrité je vous hais, je vous honnis, je vous vomis.

Quel écrivain s'est-il jamais permis des propos de vilipender des personnalités présentes pendant une remise de prix?

Satire féroce, "Extinction"est férocement drôle (je pense entre autres aux pullovers tricotés par les deux soeurs, qu'on ne sait par quel bout enfiler).

Je mets ici un extrait de Heldenplatz, pièce écrite et jouée en 1988 , malgré une censure qui fit tout pour essayer de l'en empêcher.

https://www.arte.tv/fr/videos/079739-003-A/les-grands-discours-thomas-bernhard/

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J'ai abandonné après 130 pages. Non que l'écriture ne soit belle, encore que le style répétitif ait quelque aspect désarçonnant, mais la vision pessimiste à l'extrême de T. Bernhard, de ses parents, de ses frères et soeurs mais aussi de l'Autriche ou de l'Allemagne, ne correspondait sans doute pas à mon état d'esprit.

Evidemment que l'attachement viscéral du narrateur à l'Italie, au Sud en général et à Rome en particulier, avait de quoi me séduire mais 130 pages plus tard nous tournions en rond… toujours…

Nonobstant quelques belles analyses sur l'art photographique comme abject car figurant sur pellicule des mensonges, ou l'abrutissement par la religion des masses mais aussi des prétendues élites… il m'a manqué la force de poursuivre.

Une autre fois ?
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
..parce qu'ils doivent utiliser leur abonnement, ils vont au théâtre à Linz et vont voir une comédie exécrable et n'ont pas honte, et vont à ces concerts ridicules au Brucknerhaus comme on l'appelle, où règnent les fausses notes poussées à la puissance maximum. Ces gens, je veux dire tes parents, a-t-il dit, n'ont pas seulement pris un abonnement au théâtre et au concert, ils vivent leur vie par abonnement, ils assistent aussi chaque jour à leur vie comme ils vont au théâtre, à une comédie exécrable, et n'ont pas honte d'assister à leur vie comme à un concert détestable où seules dominent les fausses notes, et ils vivent parce que cela se fait, non pas parce qu'ils l'ont voulu, parce que c'est leur passion, leur vie, non : parce qu'ils y ont été abonnés par leurs parents. Et de même qu'au théâtre ils applaudissent à contretemps, ils applaudissent aussi dans leur vie à contretemps, et sans cesse ils manifestent bruyamment leur joie dans leur vie là où il n'y a aucune raison de manifester bruyamment sa joie, et leurs visages arrogants font les grimaces les plus repoussantes alors qu'ils devraient rire de bon coeur. Et de même que les oeuvres auxquelles ils assistent grâce à leur abonnement sont une catastrophe et du niveau le plus bas, leur vie aussi est une catastrophe et du niveau le plus bas.... 
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Comme quatre-vingt-dix pour cent du genre humain [mon frère] croyait lui aussi que le diplôme de fin d'études en bonne et due forme de la dernière école qu'il avait fréquentée était l'apogée de sa vie. C'est ce que croyaient la plupart des gens, il y a de quoi devenir fou. Ils sortent de l'école et restent bloqués et ne font plus aucun effort. Et s'effondrent, comme on peut bien le dire. [...] L'ensemble des gens ne se donnent du mal, dirait-on, qu'aussi longtemps qu'ils peuvent attendre des diplômes stupides avec lesquels ils peuvent se pavaner en public, lorsqu'ils ont en main un nombre suffisant de ces diplômes stupides, ils se laissent aller.
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"Nous vivons toujours dans l'erreur que, de même que nous avons évolué, peu importe dans quel sens, les autres évoluent aussi, mais c'est là une erreur, la plupart se sont arrêtés et n'ont absolument pas évolué, ni dans un sens ni dans l'autre, ils ne sont devenus ni meilleurs ni pires, ils sont seulement devenus vieux et, par là, inintéressants au plus haut point. Nous croyons que nous allons être surpris de l'évolution de quelqu'un que nous n'avons pas vu depuis longtemps, mais lorsque nous le revoyons, nous ne sommes tout de même surpris que de ce qu'il n'a absolument pas évolué, qu'il a seulement vingt ans de plus et qu'au lieu d'être bien bâti, il a à présent une grosse bedaine et de grosses bagues de mauvais goût à ses doigts boudinés qui jadis nous semblaient très beaux. Nous croyons que nous pourrons parler d'un tas de choses avec l'un ou l'autre et nous constatons qu'avec eux tous nous ne pouvons parler de rien du tout. Nous sommes là et nous nous demandons pourquoi, et nous ne trouvons rien à dire sinon qu'il fait un temps comme ci ou comme ça, que la crise politique est comme ci ou comme ça, que le socialisme montre à présent son vrai visage et ainsi de suite. Nous croyons que l'ami d'autrefois est aussi l'ami d'aujourd'hui, mais nous voyons aussitôt notre terrible erreur, très souvent carrément funeste. Avec cette femme-ci tu peux parler de peinture, avec celle-là de poésie, penses-tu, mais ensuite tu es obligé de reconnaître que tu t'es trompé, l'une n'en sait pas plus sur la peinture que l'autre sur la poésie, toutes deux n'ont en réserve que leur bavardage sur la cuisine, comment on fait la soupe de pommes de terre à Vienne et comment on la fait à Innsbruck et combien coûte une paire de chaussures à Merano et la même à Padoue. Tu pouvais si bien parler de mathématiques avec l'un, penses-tu, si bien d'architecture avec l'autre, mais tu constates que la mathématique de l'un, l'architectonique de l'autre se sont embourbées il y a vingt ans dans le marécage de l'adolescence. Tu ne trouves plus de repères, plus de points d'appui, et dès lors tu les choques sans qu'ils sachent pourquoi. Tout d'un coup tu n'es plus rien que celui qui choque, qui les choque continuellement."
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La photographie est en réalité l'art diabolique de notre temps, me suis-je dit, elle nous fait voir pendant des années et des dizaines d'années et la vie durant des visages moqueurs, alors que ces visages moqueurs n'ont existé qu'une seule fois, rien qu'un seul instant sur une photo que nous avons prise sans du tout réfléchir, cédant à une inspiration subite. Et cette inspiration subite a ensuite une influence pour toute la vie, déplorable, et même catastrophique.
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« Les Autrichiens n'ont pas le moindre goût, en tout cas ils n'en ont plus depuis longtemps, partout où l'on jette les yeux règne le pire mauvais goût. Et quel manque d'intérêt généralisé. Comme si l'unique centre était l'estomac, ai-je dit, et que la tête fût entièrement mise hors circuit. Un peuple si bête ai-je dit, et un pays si merveilleux dont, en revanche, la beauté est inégalable. Une nature à nulle autre pareille et des gens qui se désintéressent à tel point de cette nature. Une si haute culture, si ancienne, ai-je dit, et une si barbare absence de culture aujourd'hui, une inculture catastrophique. Ne parlons même pas de la situation politique déprimante. Quelles abominables créatures détiennent aujourd'hui le pouvoir en Autriche ! »
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Videos de Thomas Bernhard (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Thomas Bernhard
Le 17 mars 2021 a disparu le comédien Jacques Frantz.
Sa voix de basse, puissante, vibrante et expressive, était particulièrement appréciée dans l'art du doublage. C'est tout naturellement que, en 2007, il a rejoint les grandes voix de « La Bibliothèque des voix » pour immortaliser dans un livre audio l'ancien acteur shakespearien désabusé dans la pièce de Thomas Bernhard « Simplement compliqué ».
Nous partageons cet extrait pour lui rendre un dernier hommage et adressons nos pensées émues à sa famille.
- - - Le texte imprimé de « Simplement compliqué » de Thomas Bernhard a paru chez L'Arche Éditeur, en 1988. Direction artistique : Michelle Muller.
+ Lire la suite
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Romans, contes, nouvelles (879)
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