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Albert Kohn (Traducteur)
EAN : 9782070783847
168 pages
Gallimard (07/06/2007)
4.11/5   92 notes
Résumé :
Salzbourg, c'est la beauté, l'art, la culture. C'est aussi une ville au climat pourri, peuplée de bourgeois bornés, mesquins, matérialistes, hypocrites, une ville haïe de l'auteur qui y est né, qui ne peut jamais y retourner sans se sentir de nouveau accablé par l'atmosphère qui s'en dégage, où tout être sensible se sent condamné à tous les abandons et parfois au suicide. C'est l'idée du suicide qui obsédait le collégien lorsque, dans le cagibi à chaussures de l'int... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« Je souligne que je ne veux rien avoir à faire avec l'état autrichien et je refuse (…) tout contact avec cet état autrichien, en ce qui concerne tant ma personne que mon travail, à tout jamais. »(Thomas Bernhard)

A l'approche de la cinquantaine, dans un contexte d'isolement, il rédigera cinq textes autobiographiques, "L'Origine", "La Cave", "Le Souffle", "Le Froid" et "Un enfant»,
Le premier : « L'origine »
On pourrait dire, biographie,
Mais plutôt « anti autobiographie » car il révèle moins sa vie que des pensées sur sa vie.
« Je ne décris pas mes actes mais mon être ».
L'enfer de l'internat national-socialiste et aussi du bombardement de Salzbourg en 1944, puis, après la guerre, du même établissement transformé en institution catholique.
Les bombardements à Salzbourg et les fréquents séjours dans les galeries de défense passive.
Dans cet univers, même ce qui devait sauver la vie donne la mort.
Répétition lancinante des mots suicide, survie : suicide comme seul moyen de survivre à l'asphyxie du national-socialisme.
« Intellectuellement coincés entre le catholicisme et le national-socialisme nous avons grandi et nous avons finalement été broyés entre Hitler et Jésus-Christ en tant que reproductions de leurs images, faites pour abêtir le peuple... le national-socialisme aussi bien que le catholicisme sont des maladies contagieuses, des maladies mentales et rien d'autre ».
Seul son grand-père a droit à son indulgence.
On pourrait dire, c'est un style :
Comme un long monologue véhément. Il ne cesse de ressasser ses exécrations jusqu'à les extraire de lui.
Thomas Bernhard opère comme une scie circulaire, creusant un unique sillon jusqu'à l'obsession, dans un crissement épouvantable.
Mais c'est plus :
C'est un moyen de survivre.
Il a été anéanti par Salzbourg, il deviendra son meurtrier dans l'écriture.
Cerné par la mort, il se met à écrire. « L'écriture devient sa vie ».

Pour ceux qui seraient lassés par ce qui peut paraître une logorrhée.
Lisez, écoutez sa poésie : « Sur la terre comme en enfer »

« Une écriture, non pour lire et non pour mourir
Une écriture par-dessus l'herbe et par-dessus les morts
Une écriture par-dessus moi et une écriture par-dessus toi
Une écriture de mon froid impénétrable… »
……………………………………
« ...Personne ne t'aime
et quand tu meurs
ils enfoncent ton mal du pays
et le rentrent dans la terre... »

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L'origine constitue le premier volet de l'oeuvre autobiographique de Thoams Bernhard. Une façon de planter le décor de ce qui constituera la matière de ses textes : comme si tout s'était formé dans cet internat, dans cette ville, auprès de ces gens, au contact de cette atmosphère pour laquelle Bernhard n'a pas de mots assez durs. de la fin de la guerre, sous les bombardements, Bernhard dit peu de choses. Son propos n'est pas de resituer un contexte qui expliquerait ce que sont les gens de Salzbourg. Il s'attache, par son procédé habituel de répétition, à circonscrire la nature profonde de Salzbourg. Terre propice au national-socialisme, aussitôt retombée dans l'idolâtrie catholique à peine la guerre finie. le symbole de cette ville, c'est son internat, qui d'internat national-socialiste devient établissement catholique : seul le directeur a changé, et sous le crucifix nouvellement accroché, la trace du portrait d'Hiltler est encore présente sur le mur. Certains passages du livre sont humainement violents. Comment il pratique le violon - son art de la répétition me fait penser aux variations musicales - pour convoquer ses envies de suicide et les apprivoiser. Les mots forment une longue plainte, sans concession, une longue plainte de l'Autriche désespérément perdue.
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Il s'agit de cinq écrits autobiographiques, des écrits courts, chacun faisant environ 100 pages. le premier, L'origine raconte les années d'internat de l'auteur, entre 1943 et 1946. D'abord soumis à l'idéologie nationale socialiste, sous la coupe d'un maître d'études sadique, il revient ensuite sous la tutelle catholique, avec le même genre de pratiques, et la même souffrance chez l'adolescent qui raconte ces années terribles.
Le deuxième récit La cave, narre la façon qu'a trouver le jeune homme d'échapper à cet enfer, en effectuant un apprentissage dans un magasin alimentaire dans un quartier misérable, travail pénible, fatiguant, mais paradoxalement c'est à cette période de son enfance et adolescence qu'il semble avoir été le plus heureux, ou le moins malheureux.
Mais cette époque s'achève par l'entrée dans la maladie, d'abord une grave pleurésie, suite au travail dans le froid et à un défaut de soin, puis contaminé il devient tuberculeux, placé dans une institution spécialisée, ce qu'il raconte dans le souffle et le froid. Soumis à des médecins incompétents et presque sadiques, il vit là des années terribles, entouré par la mort.
Dans Un enfant nous retournons dans la petite enfance, chronologiquement nous sommes avant que ne débute L'origine.

J'avais déjà lu deux livres de Thomas Bernhard et assisté à deux pièces de théâtre, je connaissais donc déjà son écriture, et un peu son univers. Mais ce cycle de cinq récits a été une véritable révélation. C'est très sombre, désespéré, noir, mais en même temps le grand talent, l'écriture incroyable, circulaire, en volutes, de l'auteur m'a fait passé de merveilleux moments, avec un plaisir infini. le plaisir d'être en contact avec une oeuvre essentielle, écrite tout simplement parce qu'elle ne pouvait pas ne pas l'être, chaque mot, chaque phrase procèdent d'une nécessité, coulent l'une de l'autre. de la véritable littérature écrite par un homme infiniment blessé, confronté à des expériences terribles qui les transmute en mots, qui en fait quelque chose de magnifique, et qui ne peut que toucher et faire réagir le lecteur. Sincère et construit, spontané et pensé, son art est vraiment singulier, difficile d'en trouver un équivalent.

Un très très grand moment de lecture.
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Thomas Bernhard raconte ses années d'internat à Salzbourg. Il décrit cette période de sa vie comme un véritable enfer et se juge persécuté par ses professeurs et ses camarades de lycée. Il y va d'une charge virulente envers les établissements scolaires et les institutions religieuses. Sa ville constitue pour lui un milieu de vie destructeur et il endure mille souffrances morales et physiques. Il est hanté par l'idée du suicide sans jamais passer à l'acte. Comme toujours, son grand-père constitue la seule référence acceptable et son admiration pour le vieil homme le sauve du désespoir et de la folie. Il raconte aussi les dégâts engendrés par les bombardements américains sur la ville et la terreur des habitants réfugiés dans les abris antiaériens souvent mortels en raison du manque d'air pur et de salubrité. L'adolescent se familiarise avec la mort et la souffrance des autres. Il décrit aussi les années d'après-guerre alors que la population meurt littéralement de faim dans les rues de la ville.

Un livre très dur écrit par un être aigri, habité d'une immense rancune envers ses géniteurs qui l'ont mis au monde dans cet enfer qu'est pour lui la communauté autrichienne et surtout salzbourgeoise.

Comme d'habitude, Thomas Bernhard écrit sans aucun paragraphe ni chapitre. C'est une longue plainte, un cri de souffrance qui révèle au lecteur l'âme d'un enfant sensible marqué par la bassesse humaine, la folie nationale-socialiste et la violence de la guerre.

Bon livre mais assez déprimant à la longue. J'étais un peu lassée de son apitoiement sur lui-même. Je poursuis la lecture de cet auteur cependant car je le trouve fascinant malgré tout.
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(...)
L'Origine est du pur Bernhard. Il y creuse en profondeur ses thèmes, à coup de phrases lancinantes, circulaires. Telle une toile d'araignée, ses mots s'enroulent dans les méandres du cerveau du lecteur pour y injecter une part du poison qui lui a été administré par ses objets de dégout. Et des objets de dégout il n'en manque pas. Bernhard s'en prend avec méthode et virulence à la ville de Salzbourg. Trop belle, et trop montagnarde, l'écrivain explique qu'elle est le ferment même du mal, et que d'une telle ville ne peut germer rien de bon. le sport comme opium du peuple, les gouvernements dont la survie passe par l'abrutissement des masses, les parents en goules destructeurs d'enfance, le nazisme et le catholicisme bien sûr, sont les sujets de prédilection de L'origine, et l'immense talent de Bernhard permet avec sa langue admirable de pénétrer les arcanes de sa pensée contestataire. Les critiques sont extrêmement virulentes, provocatrices, mais sincères, et Bernhard apparaît comme un survivant de toute cette violence physique et morale infligée pendant des années.

L'Origine est un livre dur, honnête, déserté par l'humour grinçant habituel de l'auteur, et qui dévoile, par le côté intime les conséquences de l'Histoire sur l'Homme en train de se construire. Ravageur.

Lire la critique complète sur mon site :
Lien : http://chroniques.annev-blog..
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Des heures entières, complètement soumis à la fascination de ce qu'on appelle la guerre totale, qui tout à coup s'était acclimaté dans cette ville [NB : Salzbourg], avec mon cartable j'ai parcouru la ville en tous sens assis n'importe où, sur un tas de gravats ou sur le rebord d'un mur d'où je pouvais jeter un large coup d'œil sur les destructions et sur les gens qui n'arrivaient plus à venir à bout de ces destructions, un coup d'œil plongeant directement dans le désespoir des hommes, l'abaissement, l'anéantissement des hommes. Pour toute ma vie, en observant en ce temps-là la détresse humaine qui fut, dans cette ville aussi, effrayante et pitoyable au suprême degré, ce que personne ne sait plus ou ne veut plus savoir, j'ai appris et aperçu par l'expérience comme j'ai faite comme la vie et l'existence en général sont terribles, comme elles ont peu de valeur et, d'une façon générale, comme elles n'en ont aucune dans la guerre. La monstruosité de la guerre, comme crime élémentaire, est entrée dans ma conscience.
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En tout temps, la plus grande importance a été attribuée au sport à bon droit et avant tout par tous les gouvernements : il amuse les masses, leur brouille l'esprit et les abêtit. Les dictateurs avant tout savent bien pourquoi ils sont toujours et dans tous les cas en faveur du sport. Qui est pour le sport a les masses de son côté, qui est pour la culture les a contre elles, disait mon grand-père, c'est pourquoi tous les gouvernements sont toujours pour le sport et contre la culture.
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« La société ne songe nullement à éclairer et, dans toutes les conditions, dans tout pays et dans toute forme d’État, les gouvernements sont intéressés à faire en sorte que la société qu'ils gouvernent ne soit pas éclairée car s'ils éclairaient la société qu’ils gouvernent, il ne faudrait pas beaucoup de temps avant qu’ils soient anéantis par cette société qu'ils auraient éclairée. Durant des siècles, la société n'a pas été éclairée et il viendra de nombreux siècles dans lesquels la société ne sera pas éclairée parce qu'éclairer la société serait anéantir ses gouvernements. Voilà pourquoi nous avons affaire aux procréateurs non éclairés d’enfants non éclairés à perpétuité qui demeureront toujours des êtres non éclairés et seront condamnés à perpétuité à une complète ignorance. »
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"C'est précisément ici, sur ce sol mortel qui m'a été donné à ma naissance que je suis chez moi et je suis plus chez moi dans cette ville (mortelle) et dans cette région (mortelle) que dans d'autres. Aujourd'hui, quand je parcours cette ville et que je crois que cette ville n'a rien de commun avec moi parce que depuis longtemps je ne veux avoir plus rien de commun avec elle, tout de moi (intérieurement et extérieurement) vient d'elle. Cette ville et moi nous formons une relation de toute la vie, une relation inséparable bien que terrible."
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La société ne songe nullement à éclairer et, dans toutes les conditions, dans tout pays et dans toute forme d’État, les gouvernements sont intéressés à faire en sorte que la société qu'ils gouvernent ne soit pas éclairée car s'ils éclairaient la société qu'ils gouvernent, il ne faudrait pas beaucoup de temps avant qu'ils ne soient anéantis par cette société qu'ils auraient éclairée.
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Videos de Thomas Bernhard (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Thomas Bernhard
Le 17 mars 2021 a disparu le comédien Jacques Frantz.
Sa voix de basse, puissante, vibrante et expressive, était particulièrement appréciée dans l'art du doublage. C'est tout naturellement que, en 2007, il a rejoint les grandes voix de « La Bibliothèque des voix » pour immortaliser dans un livre audio l'ancien acteur shakespearien désabusé dans la pièce de Thomas Bernhard « Simplement compliqué ».
Nous partageons cet extrait pour lui rendre un dernier hommage et adressons nos pensées émues à sa famille.
- - - Le texte imprimé de « Simplement compliqué » de Thomas Bernhard a paru chez L'Arche Éditeur, en 1988. Direction artistique : Michelle Muller.
+ Lire la suite
>Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire>Biographie générale et généalogie>Biographie des écrivains (238)
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