Entretien de Thomas Bernhard avec André Müller en 1979 :
- Est-ce que vous pensez toujours à vous suicider ?
- C'est une pensée qui est toujours là. Mais je n'en ai pas l'intention, en tout cas en ce moment.
- Pourquoi ?
- Par curiosité je crois, par pure curiosité. Il n'y a que la curiosité, je crois, qui me maintienne en vie.
Au fond, il n'y a absolument eu à l'internat aucune différence entre le système national-socialiste et le système catholique, tout a seulement été recouvert d'une autre couche de peinture et tout a seulement reçu d'autres dénominations, les effets et les conséquences ont été les mêmes.
Là où il y a des êtres humains, on fait toujours de l'un d'eux un objet de dérision et une source inépuisable de rires moqueurs, que ces rires soient bruyants ou légers, qu'ils soient les plus sournois, donc les plus silencieux. La société en tant que communauté n'a point de cesse jusqu'à ce que I'un parmi beaucoup ou parmi un petit nombre soit choisi comme victime et à partir de ce moment devienne toujours, à toute occasion, celui que le doigt de chacun désigne et transperce. La communauté en tant que société trouve toujours le plus faible et l'expose sans scrupule à ses rires et à la torture toujours nouvelle, de plus en plus terrible, de ses moqueries et de ses sarcasmes. C'est en imaginant et en inventant la torture toujours nouvelle et toujours plus blessante de ces moqueries et de ces sarcasmes quelle se montre la plus inventive. (L'origine)
L'homme n'aime pas la liberté, tout le reste est mensonge, il ne sait rien faire de la liberté
Pendant mes études, complètement seul. On a un voisin de banc à l'école et on est seul. On parle à des gens, on est seul. On a des opinions, celles des autres, les siennes, on est toujours seul. Et quand on écrit un livre, ou quand on écrit des livres comme moi, alors on est encore plus seul...
Se faire comprendre est impossible, ça n'existe pas. La solitude l'isolement deviennent un isolement encore plus grand, une soitude encore plus grande.
(Trois jours)
Le 17 mars 2021 a disparu le comédien Jacques Frantz.
Sa voix de basse, puissante, vibrante et expressive, était particulièrement appréciée dans l'art du doublage. C'est tout naturellement que, en 2007, il a rejoint les grandes voix de « La Bibliothèque des voix » pour immortaliser dans un livre audio l'ancien acteur shakespearien désabusé dans la pièce de Thomas Bernhard « Simplement compliqué ».
Nous partageons cet extrait pour lui rendre un dernier hommage et adressons nos pensées émues à sa famille.
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Le texte imprimé de « Simplement compliqué » de Thomas Bernhard a paru chez L'Arche Éditeur, en 1988. Direction artistique : Michelle Muller.
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