Qu’il s’allongeât ou qu’elle s’allongeât sur lui, leurs bouches ne se quittèrent pas.
Si le bras droit de l’un s’échappait de leurs corps mêlés, le bras gauche de l’autre venait aussitôt le recouvrir.
Ils étaient presque de la même taille. Ainsi, des orteils au front, Thomas collait à Claire, et Claire collait à Thomas.
Il n'était pas venu au rendez-vous, non qu'il ne souhaitât pas la voir. Au contraire. Il voulait la voir sans arrêt, tous les jours. Mais il ne pouvait pas, il ne devait pas.
- Pourquoi ?
- Parce que j'ai une femme et deux enfants. Je ne les quitterai jamais et je ne veux pas te faire souffrir
Elle ne parvenait pas à se souvenir si, la veille, il lui avait dit : « A demain. » Elle se rappelait juste qu’ils étaient si étroitement mêlés qu’elle n’avait soudain plus su si c’était sa propre peau qu’elle caressait ou bien celle de Thomas.
Le lendemain, en sortant du café, ils restèrent un instant face à face. De la buée s'échappait des lèvres entrouvertes de Thomas, et son haleine sentait le café. L'intérieur de sa bouche devait être chaud et avait sûrement le goût du café sucré. Ils ne s'embrassèrent pas.
Il respirait le souffle de Claire. Et il buvait sa salive.
[...] Quelle que soit l'heure à laquelle il arrivait, Thomas restait une heure et quart chez Claire. Jamais plus, rarement moins.
Un jour, elle débrancha son magnétoscope et sa cafetière électrique et dissimula son réveil dans le tiroir de la table de nuit. Ainsi Thomas n'aurait plus aucun moyen de connaître l'heure et il resterait plus longtemps.
Lorsqu'il sonna à la porte, avant d'aller lui ouvrir, Claire regarda l'heure à sa montre et la rangea dans son sac. Il était huit heures moins vingt-cinq.
[... plus tard ...] Thomas se serra contre elle et l'embrassa doucement. Puis il s'écarta d'elle et se leva. Lorsqu'il referma derrière lui la porte d'entrée, il était neuf moins dix. Thomas était resté chez elle une heure et quart, une heure et quart pile.
Claire ne débrancherait plus ses appareils.
C'était samedi. Le week-end, les travaux s'interrompaient. Claire ne verrait pas Thomas Kovacs.
Elle ouvrit le premier tiroir de son bureau et y plongea la main. Elle en sortit quatre sucres. Elle les aligna, les contempla.
Chaque sucre correspondait à un rendez-vous avec lui, au café, à midi.
Il voulait la voir sans arrêt, tous les jours. Mais il ne pouvait pas. Il ne devait pas.
- Pourquoi ?
- Parce que j'ai une femme et deux enfants. Je ne les quitterai jamais. Et je ne veux pas te faire souffrir.
On lui avait volé son sac.
Comme chaque matin,elle prenait son petit déjeuner au comptoir.Elle mangeait ses tartines,elle buvait son café, son sac était posé par terre à ses pieds.Elle le serrait entre ses chevilles.Et il avait disparu.On le lui avait volé et elle n'avait rien senti.Les autres consommateurs n'avaient rien remarqué ,le patron du café non plus.Personne n'avait rien vu.
Elle faisait sûrement très bien la cuisine et leurs amis aimaient venir dîner chez eux. Chez les Kovacs.