Un homme, une femme, chabadabada. Sors ton kleenex, je vais te raconter une histoire d'amour. L'homme s'appelle Loïc, médecin, épaule large, teint hâlé. Elle, Hélène. Je ne l'imagine pas spécialement belle, je lui reconnais un certain charme. La beauté est avant tout dans le charme qu'elle dégage et pas dans les critères esthétiques de la société (en tout cas, elle n'est pas blonde à forte poitrine). Donc elle a du charme mais elle semble un peu gauche. Bon, ok, lui aussi.
Un couple de gauche – et je ne parle pas de politique, jamais, de toute façon je ne parle pas du tout, jamais. Mais revenons à ce couple.
Un couple.
Ils se sont rencontrés, échangés des regards, des numéros de téléphone. Elle l'invite, un soir à dîner. Il ne viendra pas. Il l'invitera un autre soir. Ils ne se toucheront pas. Tout juste une bise sur la joue pour se dire au revoir. Amabilité minimum de rigueur. D'autres rencontres, d'autres dîners. Foie gras et champagne. Ou inversement. Ils se parlent à peine, se frôlent parfois. Il pense à son ex copain qui habitait les lieux avant lui, celui avec le peignoir bleu. Avait-il les yeux bleus ? Elle pense à… et bien en fait à pas grand-chose, j'ai du mal à la cerner, à la comprendre. Lui, je vois qu'il ne sait pas trop bien où il en est dans sa vie. Il voit Hélène, il voit Brigitte. Et puis après…
Hélène et Loïc. Un drôle de couple, donc. Pas de coup de foudre. Pas de passion. La plume d'
Emmanuèle Bernheim est incisive, rapide. Je commence à la connaître. Ses phrases sont courtes, aussi banales que concises. Elles jettent ses mots et ses ponctuations, en saccades, comme une giclée de sperme sur ton sexe chaud. Les fantasmes coulent entre les lignes, et mon sperme dégouline de tes cuisses sur le drap blanc et pas froissé. Tiens, prends mon kleenex. Elle me plait bien cette plume, même si là, une froideur presque chirurgicale découpe le couple du scalpel de l'amour. D'ailleurs est-ce de l'amour ? Où est donc l'étincelle de vie entre Hélène et Loïc. Certainement dans ces non-dits, dans cette imagination qui entraîne les corps et esprits dans des « je-te-veux » et des « je-te-veux-plus ». Mais n'est-ce pas aussi une autre forme de passion, que de s'attirer comme des aimants et de se repousser comme des pôles opposés.