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Patrick Modiano (Préfacier, etc.)
EAN : 9782847345001
300 pages
Tallandier (27/12/2007)
  Existe en édition audio
4.12/5   311 notes
Résumé :
Il y avait sûrement en 1942 des après-midi où la guerre et l'Occupation semblaient lointaines et irréelles dans ces rues. Sauf pour une jeune fille du nom d'Hélène Berr, qui savait qu'elle était au plus profond du malheur et de la barbarie ; mais impossible de le dire aux passants aimables et indifférents. Alors, elle écrivait un journal. Avait-elle le pressentiment que très loin dans l'avenir, on le lirait ? Ou craignait-elle que sa voix soit étouffée comme celles ... >Voir plus
Que lire après Journal 1942-1944 - Suivi de Hélène Berr, une vie confisquéeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
4,12

sur 311 notes
Ce Journal qu'elle a tenu et dédié à son ami, qui, lui, avait quitté la France occupée et a survécu, aujourd'hui conservé au Mémorial de la Shoah, est un document exceptionnel sur la vie au jour le jour d'une étudiante juive dans le Paris de l'Occupation. Et d'une jeune femme très lucide sur le sort qui l'attend. Ses proches sont arrêtés les uns après les autres, et les rumeurs sur les traitements qui leur sont infligés sont de plus en plus alarmantes. « On a parlé aussi des gaz asphyxiants par lesquels on aurait passé les convois à la frontière polonaise. Il doit y avoir une origine vraie à ces bruits », rapporte ainsi la jeune femme en novembre 1943.
Et pourtant, ils ne partent pas... Hélène Berr, jusqu'à son arrestation et sa déportation à Bergen-Belsen où elle est morte du typhus en avril 45, a travaillé dans une association qui aidait à cacher dans des familles des enfants dont les familles étaient déportés.

C'est écrit sans plainte, sans pathos, simplement, de jour en jour on sent la tension monter dans les petites notes prises, les réflexions sur le mal, sur les motivations de cet acharnement , l'incompréhension grandissante entre juifs et non juifs, et puis le désarroi de plus en plus grand qui lui fit finalement arrêter même la musique , mais garder ,dans sa dernière lettre à sa soeur, encore un peu d'humour.
C'est bouleversant de lucidité et d'analyse .

Extrait, très long, mais tellement.. représentatif du texte lui-même:

"La Mort pleut sur le monde. de ceux qui sont tués à la guerre, on dit qu'ils sont des héros. Ils sont morts pourquoi? Ceux qui étaient de l'autre côté se sont figurés qu'ils mouraient pour la même chose. Alors que chaque vie a tant de prix en elle-même.
The pity of it, Iago! O Iago, the pity of it, Iago!
Ce que j'écris scandaliserait beaucoup de gens. Et pourtant, s'ils réfléchissaient, s'ils cherchaient au fond de leur coeur, que trouveraient-ils d'autre? Je ne crois pas être lâche donc je me permets d'écrire ces choses. Ceux qui, au nom de la "bravoure", du "courage", du "patriotisme" pousseraient les hauts cris en m'entendant , ne sont au fond que sous l'empire de passions erronées. Ils se trompent, ils sont aveugles.
D'ailleurs, ceux qui ont combattu au front après deux ans, pendant l'autre guerre, n'ont-ils pas connu ce qu'ils croyaient être une " désillusion" , et qui, au fond, n'était que la disparition de ces passions erronées? Quand ils avouent qu'ils n'avaient même plus de haine pour le boche, qu'ils ne savaient plus ce qu'il en était. Dans La vie des martyrs de Duhamel, dans l'Epilogue des Thibault, dans La Pêche miraculeuse de Pourtales.
Seulement, ils se considéraient alors comme dépassées par une fatalité trop lourde pour se révolter contre elle. Alors qu'à l'origine, cette "fatalité" avait été mise en branle par des hommes, qu'elle était une oeuvre humaine.
J'ai parlé de la Vie des martyrs, ce cadeau de fête de Mme Schwartz. Ma fête, elle était déjà incomplète sans Jean,mais j'avais eu de la douceur tout de même, mes amies, et ses lettres aussi. Maintenant, j'ai l'impression d'être dépouillée de tout, nue, naked to the awaited stroke

Oui, la Vie des Martyrs est un livre qui m'a désespérée, car il atteint à cette impartialité que j'estime plus que tout, mais de cette hauteur là, on ne voit que désolation. Où est la solution? Peut-être ceux qui sont partiaux sont-ils plus heureux, parce qu'ils trouvent une solution, si erronée soit-elle, ils ont un but: un objet de haine, c'est beaucoup moins angoissant que de ne pas avoir de haine.
Je pense maintenant que le plus grand degré de perfection auquel l'humanité soit en mesure d'aspirer, c'est cette impartialité. Après... je ne sais pas encore; je ne vois pas la solution; je ne peux pas en parler, c'est comme de la vie future. J'ai simplement un pressentiment que c'est dans cette voie là, une fois ce stade atteint, que se trouve la solution.
C'est pour cela que malgré tout, malgré l'absence de jugement prononcé, la Vie des martyrs reste une magnifique leçon. Duhamel ne se prononce pas: il donne les faits, impartialement, les résultats de cette chose furieuse, folle, aveugle qu'est la guerre, et en tout cas il dévoile dans toute sa nudité l'erreur terrible qui est à la base de cette chose.
Je me souviens d'avoir été étonnée, presque irritée par cette absence de passion. "Où voulait-il en venir?" symbolise à peu près mon état d'esprit. Après, à la longue, j'ai compris quelle immense leçon était implicitement contenue dans ces pages, et elle s'est dégagée pour moi.
" "Rien ne devient réel avant qu'on en ait eu l'expérience- même un proverbe n'est pas un proverbe avant que votre vie n'en ait donné un exemple." Keats
J''écris cette phrase qui n'a aucun rapport avec ce qui précède, parce qu'elle m'a frappée ce matin, elle résume le principal problème qui se pose à moi: celui de la compréhension humaine et de la sympathie. Il semble que tout découle de cela..."

1er novembre 1943




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J'ai entendu parler de ce journal grâce aux Bibliomaniacs, qui était un des coups de coeur de l'une d'entre elles (Léo je crois), en commençant la lecture je savais donc où je mettais mes yeux et j'ai attendu le bon moment pour le lire. La préface, émouvante et juste de Patrick Modiano donne le ton de ce que je vais découvrir ensuite. Il la compare à une plume similaire à celle de Katherine Mainsfield. Quel beau compliment pour elle qui aimait tant la littérature anglaise…..

Le livre est près de mon clavier et il est rempli de marque-pages, autant de repères dans ce livre où je me suis arrêtée si souvent émue ou interpellée, où j'ai pris le temps de réfléchir à ce qu'Hélène Berr nous transmet, c'est tellement profond, émouvant que je sais d'avance que je ne pourrai pas tout vous relater car il n'y a parfois aucun mot pour le dire.

Elle met en évidence tellement de questionnements, de façon objective, argumentée que l'on ne peut que noter, arrêter sa lecture pour réfléchir, remettre en question certains aspects sous un autre jour. Bien sûr c'est une lecture où la gorge se noue, où les larmes montent aux yeux tant pour les faits que pour la femme qui écrivait.

1942 – Paris, Hélène Berr commence à tenir un journal car elle a comme un pressentiment que sa vie ne va plus être la même désormais. Elle est à un moment de sa vie où tout se bouscule : études, guerre, amour. Elle devrait ne penser qu'à vivre, à aimer, à sourire mais depuis quelques semaines l'étau se resserre sur les juifs, le port de l'étoile devient obligatoire, elle refuse de s'y plier dans un premier temps puis la porte :

Seulement si je la porte, je veux toujours être très élégante et très digne, pour que les gens voient ce que c'est. Je veux faire la chose la plus courageuse. Ce soir je crois que c'est de la porter. (p54)

les discriminations envers les juifs sont de plus en plus nombreuses, sanctionnées en cas de violation et surtout les rafles sont de plus en plus fréquentes. Les appartements des voisins, amis se vident de leurs occupants et leurs contenus sont pillés.

Son père, polytechnicien, sera une première fois arrêté et interné à Drancy d'où il sera libéré grâce à une « rançon » payée par ses employeurs,

En échange de Papa, ils nous prennent ce que nous estimions le plus : notre fierté, notre dignité, notre esprit de résistance. Non lâcheté. Les autres gens croient que nous jouissons de cette lâcheté. Jouir ! Mon Dieu. Et au fond, ils seront contents de ne plus avoir à nous admirer et à nous respecter. (p92)

certains membres de sa famille partiront s'exiler en zone dite libre, mais Hélène et ses parents, après moult hésitations, décident de rester dans l'appartement qu'ils occupent à Paris jusqu'en Mars 1944 vivant dans la peur jusqu'à leur arrestation et leur déportation.

Au cours des trois années où ce journal est tenu, le ton va évoluer.

En 1942 Hélène raconte par le menu ses sorties, ses activités, elle fréquente la Sorbonne, prépare une agrégation d'anglais, a fait des études de philosophie, elle joue du violon, a de nombreux amis, s'évade souvent dans la maison familiale qu'ils possèdentà Aubergenville où pendant quelques heures elle goutte au bonheur simple de cueillir et manger des fruits. La guerre semble parfois lointaine. le ton est assez léger même si on sent poindre ça et là les craintes, les observations, les doutes d'Hélène. Elle se révolte sur le port de l'étoile mais elle ne peut résister longtemps, elle ne fait pas le poids. Au mois de Juillet la rafle du Veld'hiv et les arrestations massives mettent la famille face à la réalité de ce qui arrive. Les rumeurs sont fondées et par déduction Hélène comprend que les trains qui partent de Drancy sont des voyages sans retour…..

Je veux rester encore, pour connaître à fond ce qui s'est passé cette semaine, je le veux, pour pouvoir prêcher et secouer les indifférents. (p107)

En 1943 le ton et le contenu changent totalement, Hélène commence à imaginer ce qui les attend : elle anayse les faits, elle tente de trouver des réponses aux questions qui se posent à elle, sur l'homme, la religion, le mal, la peur, la mort. Il y a de la révolte en elle, de la colère parfois, de la rebellion. Elle n'a pas peur pour elle, mais pour ceux qu'elles aiment et les autres, pour tous ces enfants dont elle s'occupe dans une association de placement d'enfants juifs sans parents et le travail est énorme.

Biens et personnes disparaissent, certaines situations sont absurdes, certains dénoncent, d'autres protègent, certains refusent les évidences et Hélène arpente les rues de Paris pour ne pas rester à subir : elle s'active, est bénévole dans une bibliothèque, vient en aide, prépare des colis, attend, tremble, espère……

1944 : les choses s'accélèrent, la vie de la famille devient très compliquée, les menaces d'arrestation se font de plus en plus précises, proches et ils passent sur la fin leurs nuits ailleurs, comme si les arrestations ne pouvaient avoir lieu le jour, jusqu'à ce jour de Mars, le jour de son 23ème anniversaire où ils seront arrêtés et partiront pour un voyage sans retour.

Comme pour le journal d'Anne Frank, autre témoignage bouleversant,on est saisi par la volonté de transmettre, de témoigner de leur quotidien, de la lucidité et du courage dont elles ont fait preuve. Toutes deux découvraient l'amour, Hélène vient de croiser la route de Jean (JM ou il) dans le journal, le garçon qu'elle aime et dont elle parle de façon si touchante, très mystérieuse, comme un trésor caché (la chose dit-elle) et auquel elle destine ce journal comme une prescience qu'elle peut disparaître :

J'ai un devoir à accomplir en écrivant, car il faut que les autres sachent. (p185)

J'ai trouvé beaucoup de profondeur dans ses questionnements sur ses ressentis, sa clairvoyance par rapport aux faits et ses tentatives pour comprendre l'attitude des français, de l'ennemi, des chrétiens face à cette tragédie que fût l'arrestation et la déportation des juifs.

Et ceux-ci ne sont que des hommes faibles et souvent lâches ou bornés. Est-ce que si le monde chrétien s'était levé en masse contre les persécutions, il n'aurait pas réussi ? J'en suis sûre.(…) Est-e que le pape est digne d'avoir le mandat de Dieu sur la Terre, lui qui reste impuissant devant la violation la plus flagrante des lois du Christ. (p189)

On est frappé par la lucidité dont elle fait preuve face aux événements, aux regards portés sur eux, à ses inquiétudes pour ceux qu'elle aime, pour ceux qui souffrent. Elle se donne sans compter jusqu'au dernier jour trouvant le réconfort dont elle a besoin dans la musique et la littérature en particulier Shelley et Keats qui lui apportent parfois du réconfort et des réponses à ses questionnements.

Je ne peux que conseiller la lecture d'un tel ouvrage, il faut s'y préparer car la plume de l'auteure transmet tout son amour de la vie, des autres, il faut parfois poser le livre, laisser passer les émotions puis réfléchir à ce qu'elle nous transmet. Bien sûr cette guerre est finie mais il y en a d'autres, ailleurs et nous ne pouvons pas dire que l'on ne sait pas, que l'on ne voit pas, que l'on entend pas.

On peut imaginer le brillant avenir qui s'offrait à elle, ses capacités d'analyse et la monstruosité de ce qui s'est passé ici, il n'y a pas si longtemps.

Il faut donc que j'écrive pour pouvoir plus tard montrer aux hommes ce qu'a été cette époque (…) chacun dans sa petite sphère peut faire quelque chose. Et s'il le peut, il le doit. (p187)

Les feuillets de son journal ont été remis à Andrée, leur cuisinière pour qu'elles les transmettent à Jean, son amour au cas où elle ne reviendrait pas. C'est sa nièce qui les a récupérés et fait publier en 2008, comme un devoir de mémoire.

C'était une jeune femme comme les autres passionnée, intelligente, qui voulait vivre auprès de Jean, qui a aidé jusqu'à son dernier souffle les femmes déportées avec elle à Bergen-Belsen, où elle s'éteint sous les coups d'une gardienne, car atteinte du typhus elle n'a pas pu se rendre à l'appel, 5 jours avant la libération du camp en 1945.

C'est une lecture, comme celle du Journal d'Anne Frank qui va m'accompagner longtemps, pas seulement par la narration des événements mais surtout pour la qualité de son écriture et la justesse de ses raisonnements, son refuge dans la littérature et la musique dans les jours les plus sombres, la générosité dont elle a fait preuve.
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Ce journal n'a été publié qu'en 2008, car son sort a connu un destin particulier.Hélène Berr sait qu'elle peut être à tout moment arrêtée en tant que juive.Elle le confie à la cuisinière de la famille, pour que Jean, celui qu'elle aime ,puisse le lire un jour.50 ans plus tard,la nièce d'Hélène retrouve Jean.En 2002, le manuscrit est exposé au Mémorial de la Shoah, à Paris, puis édité.

Il y a un peu d'Anne Frank dans ce regard profond et lumineux de la première de couverture mais c'est la photo d'une jeune adulte et non plus d'une adolescente. Anne se cachait, Hélène, musicienne et brillante étudiante, agit au sein d'une association aidant les enfants dont les parents ont été déportés.

J'ai trouvé justes et poignantes ses réflexions, notamment lorsqu'elle a dû porter l'étoile jaune: dilemme car lâcheté si elle ne la porte pas et répugnance absolue ( et bien compréhensible !) d'être étiquetée comme un animal.

Les pages intimes qui nous sont transmises dépeignent une personnalité généreuse, prête à s'engager pour les autres, soucieuse aussi de témoigner de cette époque terrible.Le journal s'achève par ces mots: " Horror ! Horror !"

Elle meurt en avril 1945, cinq jours avant la libération du camp de Bergen- Belsen.

Qu'elles s'appellent Hélène, Anne , Simon,Nathan, Judith, Sarah, n'oublions pas ces victimes de la barbarie, qui avaient tant mérité de vivre...
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Malgré le respect que je porte aux victimes de la Shoah, j'avoue ne pas avoir aimé cette lecture. La première partie m'a semblé futile et anecdotique : le quotidien d'une étudiante parisienne dans les années 1940. On a droit à pléthore de noms et/ou prénoms de ses fréquentations, que l'on ne connaîtra pas davantage. Pléthore également de rues parisiennes, de stations de métro, au gré des déambulations de l'auteur. le menu détail de ses cours de musique, des concerts auxquels elle assiste, des bals où elle est invitée, de ses tourments amoureux. le tout avec un ton exalté - tout est 'merveilleux' - et un étalage plutôt désagréable de supériorité intellectuelle, d'appartenance à une élite...

Bien sûr le ton change à mesure que grandit la menace sur les Juifs parisiens. le récit devient plus profond et tragique lorsque Hélène Berr relate les rafles du Vel d'Hiv. Et l'horreur va croissant : de plus en plus de voisins, amis, proches sont persécutés, arrêtés et ne reviendront pas. Des rumeurs (fondées bien sûr) courent sur le sort atroce des déportés. Les propos de l'auteur deviennent alors forcément plus universels - et donc plus intéressants à mes yeux - sur tous ces événements, et plus généralement la guerre, la barbarie, l'aveuglement, l'obéissance docile, la noirceur humaine...

Je suis navrée et honteuse d'avoir été agacée par cet ouvrage, de m'y être ennuyée, de ne pas m'être attachée à cette jeune femme malgré ce qu'elle a subi, malgré sa grandeur d'âme. D'autant plus navrée et honteuse que, comme dit Theoma à propos de 'La Réparation' de Schneck : " Et moi, qui suis-je pour émettre un avis de lecture sur ce livre qui parle de la Shoah ? ".

J'ai conscience qu'il s'agit d'un journal, donc un texte écrit pour soi, par conséquent chargé de références qui intéressent la famille et ceux qui ont côtoyé la jeune femme, mais pas forcément le lecteur lambda. Les journaux intimes doivent-ils être publiés, "sous prétexte" (l'expression est maladroite, je ne trouve pas mieux) que son auteur a connu un destin tragique ? Cette question ne m'a pas quittée à la lecture... Et peut-être ai-je eu tendance à comparer au témoignage bouleversant, tellement sensé et subtil de la jeune Anne Frank ?
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Voici mon retour de lecture sur le journal d'Hélène Berr.
Il y avait sûrement en 1942 des après-midi où la guerre et l'Occupation semblaient lointaines et irréelles dans ces rues.
Sauf pour une jeune fille du nom d'Hélène Berr, qui savait qu'elle était au plus profond du malheur et de la barbarie ; mais impossible de le dire aux passants aimables et indifférents.
Alors, elle écrivait un journal.
Avait-elle le pressentiment que très loin dans l'avenir, on le lirait ?
Ou craignait-elle que sa voix soit étouffée comme celles de millions de personnes massacrées sans laisser de traces ?
C'est en rangeant ma bibliothèque que j'ai découvert le Journal d'Hélène Berr, ouvrage que j'avais oublié mais qui attendait patiemment que je le lise un jour.
J'ai déjà lu de nombreux livres aussi bien journaux que témoignages, romans, sur cette période complexe qu'est la seconde guerre mondiale ; mais je ne me lasse pas d'en lire.
Je suis attirée par cette période, par ce qui s'est passé. Peut-être pour ne pas oublier, surtout pas, toutes les horreurs que des hommes ont fait à d'autres hommes.
Le début de ce journal m'a étonné car j'ai trouvé cette jeune femme à la fois grave et insouciante. Elle essaye de profiter de sa vie d'étudiante à la Sorbonne au maximum malgré le danger qui gronde. Et on se rend compte qu'il n'est pas évident de faire comme si avec les allemands qui guettent et la montée des mesures anti juif.
Son comportement m'a parfois étonné, surtout qu'à d'autres moments elle peut également faire preuve d'une grande maturité pour son âge.
Je n'ai pas toujours accroché avec Hélène, mais j'ai été touché par ce qu'elle vit, simplement car elle est née juive.
Son journal fait partie des ouvrages importants sur cette époque, il ne faut pas hésiter à le faire lire pour le devoir de mémoire.
Elle fait malheureusement partie des trop nombreuses personnes décédées dans un camp quelques jours avant la libération.
Je vous invite à le découvrir.
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critiques presse (2)
Bibliobs
11 décembre 2013
L’écriture est fine, lisible, élégante. Les feuilles extraites d’un bloc ont été numérotées recto verso jusqu’à la page 262. Le tout forme une petite liasse d'une centaine de feuilles. C'est le manuscrit du «Journal» d'Hélène Berr conservé au Mémorial de la Shoah, à Paris. Il retrace l’histoire d’une vie interrompue par la déportation à 23 ans, le 27 mars 1944.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lecturejeune
01 mars 2008
Lecture jeune, n°125 - Hélène Berr, jeune fille heureuse de 21 ans, étudie l’anglais à la Sorbonne et profite de chaque jour qui lui est offert. Mais sa vie bascule en juin 1942, lorsqu’elle se voit contrainte de porter l’étoile jaune. Bien qu’elle l’arbore fièrement, cet insigne marque le début de la traque des Juifs en France. Quelques semaines plus tard, son père est arrêté et transféré à Drancy. Hélène et sa famille connaissent alors des jours terribles : la spirale ne cessera d’emporter des proches de la jeune fille, jusqu’à sa propre déportation au camp de Bergen-Belsen en 1944. Ce témoignage magnifique et poignant ne laissera aucun lecteur indifférent. Cette jeune femme, jamais mièvre ou superficielle, prend conscience de la cruauté de son époque ; elle résistera au quotidien mais aussi grâce à ce journal qui nous révèle, aujourd’hui, ce Paris de la délation et la mise en place des rouages de la Shoah. Le journal d’Hélène Berr constitue un témoignage d’une grande force. Anne Clerc
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
Citations et extraits (95) Voir plus Ajouter une citation
Et peut-être celui qui lira ces lignes aura-t-il un choc à ce moment, comme je l'ai toujours eu en lisant chez un auteur mort depluis longtemps une allusion à sa mort. Je me souvients toujours, après avoir lu les pages que Montaigne écrivait sur la mort, d'avoir pensé avec une étrange "actualité" : "Et il est mort aussi cela est arrivé, il a pensé à l'avance à ce que ce serait après", et j'ai eu l'impression qu'il avait joué un tour au Temps.
Comme das ces vers saisissants de Keats :
"Ma main que voici vivante, chaude, et capable
D'étreindre passionnément, viendrait, si elle était raidie
Et emprisonnée au silence glacial du tombeau,
A ce point hanter tes jours et transir les rêves de tes nuits,
Que tu voudrais pourvoir exprimer de ton propre coeur jusqu'à la dernière goutte de sans,
Pour que dans mes veines le flot rouge fasse de nouveau couler la vie
Et que ta conscience s'apaise. Regarde, la voici ;
Je la tends vers toi.
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21 juillet 1942
(...) quinze mille hommes, femmes et enfants au Vél d'Hiv, accroupis tellement ils sont serrés, on marche dessus. Pas une goutte d'eau, les Allemands[*] ont coupé l'eau et le gaz. On marche dans une mare visqueuse et gluante. Il y a là des malades arrachés à l'hôpital, des tuberculeux avec la pancarte "contagieux" autour du cou. Les femmes accouchent là. Aucun soin. Pas un médicament, pas un pansement. On n'y pénètre qu'au prix de mille démarches. D'ailleurs, les secours cessent demain. On va probablement tous les déporter. (p. 112)

[* il s'agissait plutôt des autorités françaises zélées, il me semble ?]
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Ces âmes-là doivent avoir une grande intelligence, et aussi une grande sensibilité, ce n’est pas tout de pouvoir voir, il faut pouvoir sentir, il faut pouvoir sentir l’angoisse de la mère à qui on a pris ses enfants, la torture de la femme séparée de son mari ; la somme immense de courage qu’il doit falloir chaque jour à chaque déporté, les souffrances et les misères physiques qui doivent l’assaillir.
Je finis par me demander si tout simplement je ne devrai pas me résoudre à partager le monde en deux parties : celle des gens qui ne peuvent pas comprendre (même s’ils savent, même s’il leur raconte ; pourtant encore souvent je crois que la faute est en moi, parce que je ne sais pas comment les persuader), et ceux qui peuvent comprendre. Me résoudre à porter désormais mon affection et mes préférences sur cette dernière partie. En somme, renoncer à une partie de l’humanité, renoncer à croire que tout homme est perfectible.
Et dans cette catégorie préférée, il y aura une grande quantité de gens simples, et de gens du peuple, et très peu de ceux que nous appelions « nos amis ».
La grande découverte que j’aurai faite cette année aura été l’isolement. Le grand problème : combler le fossé qui maintenant me sépare de toute personne que je vois.
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Couronnement de la nature:

Ce matin, après avoir épluché les pommes de terre, je me suis sauvée au jardin, sûre de la joie qui m'attendait. J'ai retrouvé les sensations de l'été dernier, fraîches et neuves, qui m'attendaient comme des amies. Le foudroiement de lumière qui émane du potager, l'allégresse qui accompagne la montée triomphante dans le soleil matinal, la joie à chaque instant renouvelée d'une découverte, le parfum subtil des buis en fleurs, le bourdonnement des abeilles, l'apparition soudaine d'un papillon au vol hésitant et un peu ivre. Tout cela, je le reconnaissais, avec une joie singulière. Je suis restée à rêver sur le banc là-haut, à me laisser caresser par cette atmosphère si douce qu'elle faisait fondre mon cœur comme de la cire; et à chaque moment je percevais une splendeur nouvelle, le chant d'un oiseau qui s'essayait dans les arbres encore dénudés, et auquel je n'avais pas encore fait attention, et qui soudain peuplait le silence de voix, le roucoulement lointain des pigeons, le pépiement des autres oiseaux; je me suis amusée à à observer le miracle des gouttes de rosée sur les herbes, en tournant un peu la tête, je voyais leur couleur changer du diamant à l'émeraude, puis à l'or rouge. L'une d'elles est même devenue rubis, on aurait dit de petits phares. Brusquement, en renversant la tête, pour voir le monde à l'envers, j'ai réalisé l'harmonie merveilleuse des couleurs du paysage qui s'étendait devant moi, le bleu du ciel, le bleu doux des collines, le rose, les bruns et les ocres tranquilles des toits, le gris paisible du clocher, tout baignés de douceur lumineuse. Seule l'herbe fraîche et verte à mes pieds mettait une une note plus crue, comme si elle seule était vivante dans ce paysage de rêve. Je me suis dit: "Sur un tableau, on croirait ce vert irréel, avec tous ces coloris de pastel."Mais c'était vrai.p.25
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Il faudrait donc que j'écrive pour pouvoir plus tard montrer aux hommes ce qu'a été cette époque. Je sais que beaucoup auront des leçons plus grandes à donner, et des faits plus terribles à dévoiler. Je pense à tous les déportés, à tous ceux qui gisent en prison, à tous ceux qui auront tenté la grande expérience du départ. Mais cela ne doit pas me faire commettre une lâcheté, chacun dans sa petite sphère peut faire quelque chose. Et s'il le peut, il le doit.
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Videos de Hélène Berr (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Hélène Berr
15 décembre 2009 :
Mot de l'éditeur : « Il y avait sûrement en 1942 des après-midi où la guerre et lOccupation semblaient lointaines et irréelles dans ces rues. Sauf pour une jeune fille du nom dHélène Berr, qui savait quelle était au plus profond du malheur et de la barbarie ; mais impossible de le dire aux passants aimables et indifférents. Alors, elle écrivait un journal. Avait-elle le pressentiment que très loin dans lavenir, on le lirait ? Ou craignait-elle que sa voix soit étouffée comme celles de millions de personnes massacrées sans laisser de traces ? Au seuil de ce livre, il faut se taire maintenant, écouter la voix dHélène et marcher à ses côtés. Une voix et une présence qui nous accompagneront toute notre vie.» Patrick Modiano
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