- (...) Si on avait le Nécronomicon, on pourrait faire revivre Freud, il et bon en interprétation des rêves.
Haussement d’épaules de Thurston, qui n’est pas très sensible à son humour.
- Freud était un charlatan. Et le Nécronomicon ne servirait à rien. Lovecraft s’est laissé emporter par son imagination fertile.
- Il n’existe pas ?
- Bien sûr qu’il existe. Mais il ne nous servirait à rien. C’était un livre de cuisine.
- Cuisiner les morts... Vous voulez dire les faire parler ?
- Non, non, les cuisiner, au sens propre.
- C’est dégueulasse.
- Son auteur était un vicieux salopard.
- Je pensais qu’il était fou.
- Aussi.
Fuck Cthulhu ! La puissance de l’amour est supérieure à tout !
- Ils cherchaient à faire quoi avec leur missile nucléaire ?
Thurston écarte les mains, hausse les sourcils.
- Vous avez lu le livre ?
- Bien sûr.
- Vous en déduisez quoi ?
- Ils voulaient buter Cthulhu ?
- On peut le formuler comme ça.
Ainsi va le monde, comme les hommes. Ils endurent, ils subissent . Puis, un jour , c’est le chaos.
(...) La porte, d'un bois peint de scènes d'orgies sylvestres, n'est pas fermée.
Ingrid y trouve une logique : probablement que ceux qui vivent là ont jeté la clef. Elle pouffe intérieurement.
La puissance de l'amour est plus forte que les préceptes des univers, plus puissante que la physique des mondes, plus éternelle que la mort elle même.
(...)
Toutefois, alors qu’elle entre dans la rame, sa vie bascule. Ou plutôt, commence à basculer. Car c’est un processus lent, encore imperceptible (bien qu’irréversible). Le monde n’est pas régi par des basculements intempestifs. Le monde est patient, il respecte la logique des tensions, une sorte de loi universelle qui veut que l’élastique de la réalité ait une résistance accrue, et qu’avant qu’il ne pète, il faut qu’il enregistre une puissante tension.
Ainsi va le monde, comme les hommes. Ils endurent, ils subissent. Puis, un jour, c’est le chaos.
L’idée qu’une fiction qui date d’un siècle puisse aujourd’hui déclencher des réactions aussi déraisonnables la laisse pantoise. Elle sait que l’humanité aime s’inventer des dieux, entretenir des cultes, s’écrire des dogmes pour le plaisir d’aller défendre le plus inhumainement possible ses certitudes, qu’elle entretient le mystère non pas parce que sa confrontation est grisante, mais parce que l’impossibilité de sa résolution est une source féconde pour transformer peurs et doutes en des systèmes statiques et ordonnés de croyances – et même si c’est bien l’imagination qui les fait naître, l’éducation et la morale se chargent rapidement d’encager cette dernière.
La sagesse lui disait de filer, la curiosité de rester. La curiosité n'a aucun adversaire de taille,c'est bien connu.
Ô vous, Profonds
Pour qui la vase est un nectar
Et les sons sourds de l'océan
Un vieil hymne tentaculaire
Ô vous, frai de l'effroi
Aux rires de coraux cariés
Les ombreux abysses vous tissent
Un linceul d'infectes dentelles