Le centenaire de la Première Guerre mondiale est l'occasion pour de nombreuses maisons d'édition, autant d'auteurs et de scénaristes, d'y aller de leur petite évocation, plus ou moins réussie.
Les éditions du Triomphe, au nom étrangement choisi pour une série sur la guerre, qui ne peut jamais, àmha, constituer un triomphe, font très fort sur ce plan-là. Ils alternent le médiocre (avec les tomes signés
Philippe Glogowski) et l'excellent, avec cette collaboration entre
Guillaume Berteloot, connu pour ses bandes dessinées érotiques, et
Patrick Deschamps, historien qui a longtemps oeuvré avec
Daniel Costelle dont le seul nom est gage de sérieux et de rectitude morale et historique.
Deschamps nous conte 22 jours... trois semaines qui font à ses yeux
la Bataille de la Marne. Il ne la circonscrit pas à la seule 9à armée menée par Joffre. Il l'étend du front ouest gardé par Maunoury, qui fait écran devant Paris jusqu'à l'est, vers Grenoble. En étendant, en jours et en kilomètres,
la Bataille de la Marne, il déroge aux habituelles règles, mais il dresse un tableau exhaustif et global des enjeux et des rouages.
Ainsi, le prélèvement constant de certains corps d'armée pour boucher des trous, les antagonismes au sein du commandement allemand, les egos surdimensionnés des généraux français, les vieilles méthodes de faire la guerre (gants blancs et pantalons garance), etc. tout cela est passé à la moulinette de l'esprit critique par
Patrick Deschamps. Je ne suis pas spécialiste de l'Histoire, mais cette approche me plaît énormément.
Patrick Deschamps prend position, il s'implique, et c'est courageux.
Il montre à quel point les soldats sur le terrain furent courageux, bien au-delà de la compréhension et du respect de l'état-major. Il rend hommage enfin à quelques généraux allemands ou français, montrant à quel point
L Histoire fut manipulée par quelques tenants des fake news (déjà à l'époque). Ainsi le général Castelnau, par sa vision moderne, par son souci de ses troupes, par sa réactivité, semble avoir joué un rôle décisif, mais oublié, dans la victoire française sur la Marne. Enfin,
Patrick Deschamps rappelle à quel point la résistance belge a empêché les Allemands de mener à bien le Plan Schlieffen qui prévoyait le passage de la Belgique en 2 jours et la prise de Paris en 6.
Au-delà de toutes ces qualités, la BD arrive aussi à créer un récit, une tension, en rendant fort bien les psychologies des intervenants par des dialogues concis et pertinents.