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EAN : 9789042012943
126 pages
Brill Rodopi (30/09/2004)
5/5   1 notes
Résumé :
Proust et ses peintres réunit des articles - d'ordre historique, génétique, esthétique -, qui étudient selon des angles multiples la place de la peinture dans l'oeuvre de Proust. Étudier les peintres et les tableaux dans la Recherche, c'est se donner un moyen exceptionnel de mieux connaître ses personnages. Et du même coup, c'est mieux pénétrer le sens de cette oeuvre qui intègre les autres arts à la littérature et qui propose, grâce à la peinture, une fusion de la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
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Etude de Kazuyoshi Yoshikawa : « Elstir : ses asperges et son chapeau haut-de-forme »

Avec Shakespeare, Marcel Proust est probablement l'auteur qui suscite le plus de travaux érudits.

Nombreux sont les tableaux qui jouent un grand rôle dans l'ensemble du roman proustien « À la recherche du temps perdu ». La présence de deux personnages montre l'importance de la peinture dans le livre : SWANN, dandy fortuné, fin connaisseur des arts ; ELSTIR, un peintre renommé, ami de Swann.

Sophie Bertho réunies dans ce livre diverses études sur l'univers artistique de Proust. L'une d'entre elles, passionnante, m'a particulièrement intéressée, celle du professeur Kazuyoshi Yoshikawa, Professeur à l'Université de Tokyo, grand connaisseur de l'oeuvre de Proust.
Selon ce professeur japonais, un banquier fortuné, critique d'art, collectionneur et mécène, nommé CHARLES EPHRUSSI, aurait directement inspiré le personnage de Swann dans la « Recherche »

Ce Charles Ephrussi occupait une place importante dans le petit monde des amateurs d'art fin 19e siècle – début 20e. Directeur de la « Gazette des Beaux-Arts ». Il aurait connu Proust dans les salons qu'il fréquentait et aurait initié celui-ci, déjà grand amateur d'art, au monde des Beaux-Arts en lui permettant de publier des articles. Comme collectionneur et critique d'art, Charles Ephrussi fréquentait les peintres contemporains, dont Degas, Manet, Renoir, dont il possédait plusieurs tableaux.

Les extraits du roman qui sont l'objet de cette étude sont pour la plupart situés dans le troisième livre de la « Recherche » : « le Côté de Guermantes ». Un long paragraphe nous intéresse particulièrement : le narrateur, invité à dîner pour la première fois chez le duc de Guermantes, se met à table après avoir admiré les nombreux tableaux d'ELSTIR que possède les Guermantes.
Je donne quelques extraits des paroles que les Guermantes adressent au narrateur. L'analyse du professeur suivra ces extraits. Ne perdez pas le fil, ami babeliotes !

MANET et ses aperges
« Swann avait le toupet de vouloir nous faire acheter une « Botte d'Asperges ». Elles sont même restées ici quelques jours. Il n'y avait que cela dans le tableau, une botte d'asperges précisément semblables à celles que vous êtes en train d'avaler. Mais moi je me suis refusé à avaler les asperges de M. Elstir. Il en demandait trois cents francs. Trois cents francs une botte d'asperges ! Un louis, voilà ce que ça vaut, même en primeurs ! »

Dans cette histoire d'asperges, Charles Ephrussi apparaît pour la première fois. Il se trouve que, en 1880, c'est lui qui commande à Manet un tableau représentant une botte d'asperges ; il est si content du tableau qu'au lieu de verser les 800 francs convenus (et non les 300 francs dans le récit de Proust), il envoie 1 000 francs à Manet qui, en remerciement, lui adresse huit jours plus tard une petite toile représentant une seule asperge accompagnée de ce message : « Il en manquait une à votre botte ». Charles Ephrussi fit donc l'acquisition des deux tableaux de Manet représentant des asperges.
Il paraît donc probable que, à la fin du siècle, Proust vit les deux toiles d'asperges chez Ephrussi. Il n'avait plus qu'à insérer le tableau de la botte d'asperges dans son livre « le Côté de Guermantes ». Ainsi il laisse reconnaître dans le personnage d'ELSTIR, MANET lui-même.

Les canotiers de RENOIR : un chapeau haut de forme
« (…) Je demandai à M. de Guermantes s'il savait le nom du monsieur qui figurait en chapeau haut de forme dans le tableau populaire, et que j'avais reconnu pour le même dont les Guermantes possédaient tout à côté le portrait d'apparat… »
Et, plus loin parlant d'un tableau du peintre ELSTIR : " (…) il l'a peint dans cet endroit-là où avec son air endimanché il fait un assez drôle d'effet. Ça peut être un pontife très calé, mais il ignore évidemment dans quelles circonstances on met un chapeau haute forme. Avec le sien, au milieu de toutes ces filles en cheveux, il a l'air d'un petit notaire de province en goguette. »

Proust a écrit ce passage avec « un monsieur en haut de forme au milieu de filles en cheveux » d'après le Déjeuner des canotiers peint pas Auguste Renoir en 1881. La toile présente des personnages assis par une belle journée d'été sur la terrasse du restaurant Fournaise sur l'île de Chatou. Au fond du tableau, on peut apercevoir un homme en jaquette tournant le dos au convive et portant comme le dit Proust un « chapeau haute forme ». Renoir a peint Charles Ephrussi.

Dans le même texte, le duc de Guermantes répond au narrateur sur l'identité de ce « monsieur en haut de forme » : « ce monsieur est pour M. Elstir une espèce de Mécène qui l'a lancé ». Il ajoute à une question du narrateur : « je ne sais plus. Swann vous dirait cela ».

Récapitulons amis babeliotes car je vous sens un peu perdus :

Ephrussi ayant initié Proust au monde des beaux-arts et lui ayant permis de publier dans sa revue « La Gazette des Beaux-Arts », l'écrivain le considérait comme un mécène. Ainsi, de la même façon que Renoir avait peint, pour le remercier, son mécène de dos dans « le déjeuner des canotiers », Proust, en guise de reconnaissance, aurait donc inséré le personnage de Charles Ephrussi dans son roman.
L'identité du personnage de dos dans le tableau peint par Renoir n'est autre que CHARLES EPHRUSSI dans la pensée de l'écrivain… C'est à dire SWANN dans le roman…

À travers différents tableaux - je n'en ai pris que deux pour ne pas trop vous perdre car il y en a d'autres et j'aurais encore fait trop long ! -, et plusieurs allusions sur les personnages du roman, nous voyons donc que l'étude du professeur nous ramène constamment à la même personne : CHARLES EPHRUSSI.

Complément : Ephrussi était juif comme Proust. Dans le passage allusif à Ephrussi dans « le Côté de Guermantes » Proust a sans doute voulu faire apparaître la solitude d'un mondain juif dans les salons parisiens du tournant du siècle. Ce fut bien aussi le destin de l'auteur de la « Recherche » dans cette période d'antisémitisme latent et de déclenchement de l'affaire Dreyfus.

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
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Un paysage de Claude Monet

On a au moins la preuve que Proust vit chez le collectionneur d’autres tableaux. Pour écrire le passage suivant de « Jean Santeuil » par exemple, l’écrivain songeait sans aucun doute à « Matinée sur la Seine, près de Giverny », l’un des tableaux que Monet peignit en 1897 et qui au tournant du siècle appartenait à Charles Ephrussi :

« (…) voyez le reflet bleu des bois, le reflet bleu du ciel, voyez comme tout se tait, comme l’eau écoute le silence des rives, comme tout s’amortit, comme tout est bleu et déjà un peu sombre à l’ombre bleue des bois sur l’eau, tandis qu’au milieu, dans le reflet bleu du ciel, de la lumière persiste encore, en dernier reflet (chez Ch. Ephrussi). » - Jean Santeuil 1895

Cette description correspond parfaitement au tableau de Monet (si ce n’est la différence de l’heure ; le matin pour le tableau de Monet, et le crépuscule pour la description de Proust), d’autant plus que l’écrivain note entre parenthèses le nom de Charles Ephrussi comme propriétaire du tableau.

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