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Critique de Woland


Woland
30 décembre 2007
Ce pavé de plus de 900 pages, qui termine, avec une majestueuse beauté, la série consacrée par Simone Bertière aux reines de France et au rôle qu'elles tinrent dans la vie politique de notre pays, est un authentique chef-d'oeuvre.
Bien des livres ont été consacrés au destin tragique de Marie-Antoinette de Lorraine-Habsbourg, archiduchesse d'Autriche, devenue à 15 ans reine de France et de Navarre. Mais dans celui-ci, Simone Bertière confirme qu'elle est l'égale de celui qui - pour moi en tous cas - demeure la référence en matière de biographies historiques modernes : Alain Decaux.
Bertière nous présente ici un double-portrait, celui de Louis XVI et celui de Marie-Antoinette, tous deux débarrassés des idées reçues et si souvent répandues par les livres d'Histoire - comme par les historiens. On y apprend par exemple que, contrairement à une légende tenace qui excusait il est vrai Louis XVI d'avoir mis si longtemps à consommer son mariage (fait crucial pour toute succession monarchique), le jeune roi n'a jjamais souffert d'un phimosis ou de toute autre malformation qui lui aurait rendu insupportable l'acte sexuel. En fait, ces sept années d'espoir et d'attente toujours remis au lendemain sont dûs à l'ignorance pure et simple qui venait bloquer une pudeur celle-là légitime.
Sept années pendant lesquelles Marie-Antoinette va se distraire en courant de plaisir en plaisir et en se forgeant en toute inconscience l'image qui montera avec elle sur l'échafaud : celle de la reine incapable, seulement préoccupée de ses plaisirs et insoucieuse des dépenses qu'elles occasionnent.
Bertière adopte le plus souvent le présent de l'indicatif, ce qui a le mérite de plonger son lecteur au coeur même de l'action. Ainsi, les fameuses journées des 9 et 10 août 1792, qui devaient voir la prise des Tuileries et la réclusion de la famille royalle au Temple, nous sont-elles restituées de telle sorte que nous nous tenons au côté des assiégés comme des assiégeurs. On voit l'émeute, on l'entend, on flaire le sang et le meurtre ... On admire la fermeté de Louis XVI tout en blâmant son absurde désir de ne faire couler aucune goutte de sang, désir qui, justement, va en amener un bain, d'ailleurs téléguidé par les Montagnards. Et bien sûr, si cela ne s'était déjà fait auparavant, on bascule du côté de Marie-Antoinette.
A l'issue de ce livre qu'il ne faut surtout pas manquer, on est navré de constater que, alors que la France avait tant besoin d'un monarque "fort", dans le style Louis XIV, elle a dû faire avec un Louis XVI sans doute beaucoup plus fin et beaucoup plus habile (en politique extérieure notamment) qu'on a voulu le dire, mais hélas ! dépourvu de toute lucidité politique intérieure et si imprégné de l'aspect spirituel de sa charge qu'il ne voulut jamais faire tirer sur les insurgés. Auprès de lui, sa femme n'avait, quant à elle, aucune formation politique et, quand elle se vit forcer de s'y lancer vraiment, en 1789, il était trop tard.
Simone Bertière a le mérite de remettre à leur place tous les responsables qui concoururent à la liquidation de la monarchie absolue en France, depuis Louis XV qui ne parvint pas à imposer les réformes fiscales nécessaires jusqu'à ces apprentis-sorciers que furent les Girondins en passant par le refus de traiter Marie-Antoinette en adulte valable qui fut le tort aussi bien de sa mère, l'impératrice Marie-Thérèse, que de ses frères, Joseph et Léopold, de son mari et des ministres de celui-ci.
Un grand livre, une somme historique, un drame extraordinairement bien mené, des personnages uniques : quand vous les quittez, il vous prend le désir de courir à Versailles et d'y retrouver, presque pieusement, leurs traces à tous. ;o)
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