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Citations sur Des lions comme des danseuses (7)

Mais je vais revenir à la remarque précédente : le ministère de la culture aurait réussi un coup fumant s'il avait eu l'idée de ne faire payer l'entrée du musée du quai Branly qu'aux seuls Français, rendant gratuit l'accès aux collections pour toutes les autres nationalités, ou au moins aux Africains, ainsi qu'aux pays d'Asie qui furent colonisés. (p. 22)
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Si l'origine du geste menant à la Joconde ou au David était à trouver dans l'art africain, l'Afrique était en droit de réclamer une sorte de propriété morale sur ces oeuvres-là, et d'obtenir un droit de visite, ou une garde alternée. Ingres et Courbet découvriraient le continent Noir. Les chefs demandaient à pouvoir exposer dans leurs musées, temporairement bien sûr, des Bellini, des Titien, des Jackson Pollock ou des Bram Van Velde. C'était ça ou l'ouverture des frontières. (p. 50)
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Vœu pieux durant de longues années, agitée seulement à des fins nationalistes (la Grèce réclamant à Londres les frises du Parthénon, par exemple), la question des restitutions était devenue, dans les années 90, un dossier de plus en plus brûlant ; les différentes instances internationales ayant pris de plus en plus de poids, ayant accru leurs prérogatives, l’Occident se trouvait acculé par ces instances transnationales qu’il avait lui-même créées, qu’il avait donc pu mépriser, longtemps, jusqu’à ce que, possédant suffisamment d’États membres pour ne plus faire de complexe d’infériorité vis-à-vis d’aucun d’eux, ces instances transnationales en viennent à se porter caution, ou à soutenir réellement plusieurs de ces dossiers. De sorte que l’on en vit aboutir, à la stupeur des parties concernées (depuis les grands antiquaires et commissaires-priseurs du monde entier jusqu’aux petits États pillés ou aux grands musées qui se mirent à passer en revue les dossiers des œuvres les plus connues de leurs collections). Les amateurs juifs spoliés par les nazis, ou certains États ayant collaboré avec l’occupant allemand, quand ils n’avaient pas carrément profité de lui, les collectionneurs juifs, donc, eux aussi commencèrent à croire qu’ils allaient pouvoir récupérer une partie des tableaux qui leur avaient appartenu et sur lesquels Göring – la plupart du temps – avait fait main basse, puis certains musées allemands, ou certains coffres de banques suisses.
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"Impossible d'être le pays de Lévi-Strauss ou de Jean Rouch comme aussi bien celui qui traitera cette ethnie par le mépris"... Et chacun savait, quai Branly et surtout ceux qui avaient auparavant travaillé au Trocadéro, que la plupart des dossiers d'oeuvre étaient lacunaires, sombrement : on avait beau jeu d'affirmer qu'elles avaient été achetées, car certains explorateurs ou certains représentants de l'Etat français- quand ce n'était pas certains scientifiques eux-mêmes-avaient sans doute troqué ces oeuvres contre peu d'argent, ou des babioles, ou des menaces. Aucune transaction inattaquable, certainement. Certes il était possible d'affirmer qu'en les volant on les avait sauvées mais c'était tout de même tordu. (p. 30)
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Nous descendons, Bob et moi. Et personne ne vient. Nous entrons dans une première pièce qui pourrait faire office de péristyle en étant ouverte à tous les vents. Des scènes de chasse, au mur, mais brouillonnes, ou inachevées – le programme n’est qu’ébauché, les arrières-plans n’existent pas. Un galop d’essai en quelque sorte, avant la salle principale dans laquelle nous débouchons après un couloir très biscornu. Là, sur cent mètres de murs, toute une frise représentant les Namtchema, des notables, des guerriers et des chasseurs. Au sol, ou adossés aux pilastres soutenant le toit de tôle, des totems, des peaux, des panneaux en bois sculpté. Je me saoule de photographies, je prends ce que je veux et sous tous les angles car Bob ne me freine pas et le long de la route, ou dans Bangangté, on me fait les gros yeux quand on ne m’agresse pas dès que je sors mon appareil photo.
Bob va tout m’expliquer, la portée symbolique de chaque objet, et Sa Majesté finira par arriver, et je vais faire cette bourde dont j’ai parlé plus haut. S’il n’avait pas été aussi affable, il m’aurait taclé : « Et vous allez aussi m’expliquer le fonctionnement de la guillotine ?! » Pour me rattraper, au risque de la flagornerie cette fois, je me lance dans l’éloge d’un Cameroun qui aura su faire cohabiter le pouvoir traditionnel et les structures administratives modernes sinon occidentales (députés, sénateurs, maires, etc.) Le chef de Bangoulap est, par exemple, officier d’état-civil, et quand la diaspora du canton – qu’elle soit canadienne, française ou britannique – a un problème, elle l’invite, organisant son voyage par le biais d’une souscription. Et non pas le maire, ou le député. De sorte que le fo voyage assez souvent de par le monde. Il connaît Paris, me cite les stations de la ligne 4 (spéciale dédicace pour « Château Rouge » et « Château d’Eau »), le dix-huitième arrondissement et le musée du quai Branly.
J’ai honte de ne pas le connaître encore quand lui l’a visité deux fois déjà. Il s’insurge poliment contre le montant de l’entrée – peut-être douze euros, peut-être quinze. Il est d’autant plus choqué que l’on y admire une sculpture du pays bamiléké. Payer pour voir les œuvres de ses ancêtres ?! Il enchaîne en reconnaissant que les termites, ici, auraient condamné tous ces chefs-d’œuvre. À brève échéance parfois. Mais je vais revenir à la remarque précédente : le ministère de la Culture aurait réussi un coup fumant s’il avait eu l’idée de ne faire payer l’entrée du musée du quai Branly qu’aux seuls Français, rendant gratuit l’accès aux collections pour toutes les autres nationalités, ou au moins aux Africains et aux Amérindiens, ainsi qu’aux pays d’Asie qui furent colonisés. L’idée plaît au fo, nous sourions tous les trois et nous passons à autre chose (la clé 3G qu’il a achetée au revendeur chinois ne fonctionne pas, il a besoin des lumières de Bob ((Yves-Pascal, vous vous souvenez ?) pour l’installer).
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L'Europe détenant 90% du patrimoine artistique et artisanal de l'Afrique subsaharienne, Nicolas Sarkozy pouvait, toute honte bue, humilier les Sénégalais qui l'écoutaient, à Dakar, en 2017, en affrimant que "le drame de l'Afrique, c'est que l'Homme africain n'est pas assez rentré dans l'Histoire". Validons cette idéee le temps d'en montrer l'idiotie profonde : comment pourrait-il en être autrement puisque les Européens ont escamoté les signes de l'histoire africaine, du temps qui passe, des modes qi changent, des représentations qui évoluent (celles des dieux comme celles des hommes).
Extrait de Considérer, texte faisant partie de la postface.
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Ils savaient pourtant que tous ces objets liés à la pensée magique leur parlaient d'un monde qui avait été le nôtre, en Europe. Un monde que nous ne comprenions plus ; des rites n'avaient plus cours, les archéologues peinaient à en reconstituer le sens, des liens s'étaient distendus au fil du temps, et avec eux l'inscription de notre vie sur une scène tellement plus vaste. Pourtant... Pourtant nombre d'analystes nous incitaient depuis dix ou vingt ans à réévaluer nos gestes et nos désirs par rapport à notre "empreinte écologique", avant que la Terre soit perdue pour l'Homme. "La planète vit à crédit depuis 2014, écologiquement".
Les arts premiers étant les mieux à même de nous remettre sur le chemin d'un rapport à notre environnement, et donc à nos semblables comme aux animaux et aux esprits, une idée commença à circuler : notre vie dépendait de ce musée ; et de sa gratuité.
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