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Citations sur En procès : Une histoire du XXe siècle (7)

C'est sans compter sur Daniel P. le violeur : le jeune homme se retrouve aux prises avec la police suite à de petits crimes de malfrats, qu'il est en train de devenir. Il négocie : « Je vous balance un truc grave, et vous me laissez repartir. »
Le truc grave, c'est l'avortement de Marie-Claire. Oui. C'est Daniel P., qui a violé Marie-Claire, qui l'a également dénoncée aux flics. Non. Vous ne rêvez pas. (1972 - Julie Bonnie)
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La domestication – variante animalière de l’esclavage et de la domination – n’a nul besoin de passer par l’hypothèse d’une âme pour contraindre l’animal à un compagnonnage constant. Elle se contente de mêler en un même asservissement l’idée du travail et celle de l’amitié. L’animal domestiqué, parce qu’obéissant, devient proche. Le chien, une fois en laisse, s’invente meilleur ami de l’homme. Le cheval, devenu de trait, mérite qu’on lui flatte l’encolure. Et qu’on l’abatte en cas de blessure irréparable, avec la dose de pitié et de tristesse requise. Mais domestiquer, c’est aussi instruire. Le mainate chante La Marseillaise. La puce saute d’un trapèze à l’autre. L’éléphant scande son arithmétique dans la poussière du cirque. À défaut d’âme, un supplément de servilité fera l’affaire. Apprivoise-t-on les sangsues ? On s’en sert, en tout cas. Il y a mille et une façons de reconnaître à l’animal une utilité, qui va du vison au labour. Or chaque asservissement – de l’extermination à l’humiliation – bénéficie d’une rhétorique distincte. C’est au sein de cet essaim rhétorique que se niche le discours juridique qui prend sur lui d’assigner les bêtes en justice. (Procès épargné au lion Prince, 2001 – Claro)
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Pendant près de dix ans, entre 1967 et 1977, tout se passe comme si les membres de la Fraction armée rouge avaient voulu rejouer Hamlet contre (avec) l’État allemand. Dans la pièce de Shakespeare, le jeune prince danois demande à des comédiens de passage d’interpréter devant Claudius, l’usurpateur, une scène d’assassinat qui le confrontera à son crime. La scène doit fonctionner comme un « piège à souris » et surprendre la conscience du roi, lui arracher publiquement son masque, révéler son crime aux yeux de tous : « Car le meurtre, bien que sans langue, peut parler par des bouches miraculeuses. »
La RAF n’a pas les moyens techniques de convoquer l’État devant une troupe de passage. Ses membres doivent mettre la main à la pâte, descendre sur scène, y entraînant l’État lui-même. En s’en prenant à ses représentants (des policiers, des procureurs) ou à ses alliés (les troupes américaines qui décollent de Stammheim près de Stuttgart pour pilonner des positions vietcong ; la presse de Springer, Bild-Zeitung en tête), ils espèrent le contraindre à avouer devant tous sa violence fasciste. Serait ainsi révélée, avec l’évidence d’une preuve, la continuité qui existe entre la période nazie et leur présent. Leurs voeux vont être comblés au-delà de toute mesure : certes, la RFA de 1977 n’est pas l’Allemagne hitlérienne mais c’est un régime très autoritaire qui se constitue, capable d’agir à plusieurs reprises en toute illégalité – en exergue de La Troisième Génération en 1979, Fassbinder cite le chancelier Helmut Schmidt : « Après coup, je ne peux que remercier les juristes allemands, dans cette affaire (il s’agit du raid antiterroriste de Mogadiscio, et peut-être d’autre chose autour de Mogadiscio ?), de ne pas avoir instruit selon le droit constitutionnel. » On assiste à une véritable chasse aux sorcières (et aux cheveux longs), dans un climat de lynchage difficilement imaginable.
La RAF cependant s’était trompée en un point décisif : la population n’a pas pris les armes pour les soutenir. Pis encore, près de quarante ans après, leur lutte est souvent tournée en dérision par les médias dominants, réduite au road movie de quelques criminels décervelés. Dans cette perspective, assez abjecte disons-le, ils sont parfois surnommés les petits-enfants d’Hitler. C’est dans ce contexte de théâtralité à outrance que peut être examiné le procès qui leur est fait, entre 1975 et 1977, après l’arrestation des principaux membres du groupe. (Procès de la Fraction Armée Rouge, 1975-1977 – Alban Lefranc)
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Il y a eu beaucoup de choses dites à propos de moi et rapportées contre mes co-accusés dans cette affaire, dont beaucoup doivent être reconsidérées et clarifiées. Tout compte fait, Charles Manson a gagné. Il a obtenu ce qu’il voulait : la gloire, la célébrité, devenir une rock star, une icône américaine. Fasciné lui-même par le spectacle, par Hollywwod, le charisme des chanteurs à succès et des créatures de celluloïd, il a pris sa place dans cette vaste circulation sémiologique qu’est la culture contemporaine. Il a inspiré de nombreux films, de nombreuses chansons, jusqu’à des dessins animés ; il a donné son nom à tout un ensemble d’acteurs et de produits dérivés de l’industrie culturelle. Il a correctement servi l’Amérique, qui lui a octroyé le privilège d’endosser une part de son image – de la représenter. (Procès de Charles Manson, 1970-1971 – Mathieu Larnaudie)
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Rien de délirant ni d’irrationnel toutefois dans ce stakhanovisme judiciaire, ce climat de soupçon généralisé, de délation, de méfiance, de « vigilance » et de terreur. Aucune aberration dans ce déchaînement d’arrestations, de procès expédiés et truqués, juste le dévoiement d’un système bien huilé, l’obéissance aveugle, la servilité. Cette longue et terrible traque de l’homme par l’État n’était pas le fait de la fantaisie d’un unique tyran, sorte de Moloch exigeant sa part de sacrifices humains. Que retenir alors de ce véritable imbroglio organisé, dépourvu de sens, peut-être, mais parfaitement méthodique et méticuleux ? Que le pouvoir est une chose terrible, certes. Qu’il y a toujours eu des répressions et qu’il y en aura toujours, tant qu’il y aura des États, à n’en pas douter. Que le XXe siècle fut friand de massacres, tout le monde le sait. Que l’imagination des dirigeants et de leurs hommes de main, les « poètes du NKVD », les esthètes de l’interrogatoire, les virtuoses de la délation, les artistes de la provocation, est sans limite, cela crève les yeux, si l’on peut dire. Mais ce n’est pas tout. La suspicion systématique et la logique répressive qui l’accompagnent en général participent d’un processus qui peut devenir rapidement incontrôlable et mener aux pires dérives. (Procès des ennemis du peuple, 1927-1956 – Christophe Manon)

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Il entre et c’est un singe. Petit, sombre, effrayé, les oreilles décollées, un tremblement dans l’épaule et la main droite, il s’assoit, ou plutôt on l’assoit assez violemment, un soldat autrichien le pousse sur le banc des accusés, ils sont huit, ils sont face à leurs juges, la salle est comble et respire bruyamment. Gavrilo Princip baisse la tête et tousse. Il croise les mains. Le singe s’habitue à l’environnement. Il se calme. Il n’a pas adressé la parole à ses compagnons de malheur. C’est un enfant. Le public et la Cour sont effrayés par sa jeunesse, par la grande jeunesse de cet animal.
C’est un animal, c’est un enfant et c’est l’assassin le plus célèbre de son temps. (Procès de Gavrilo Princip, octobre 1914 – Mathias Énard)
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« Courant sur tout le siècle, le procès est un élément essentiel de la réalité et des fictions politiques. Ce siècle pourrait même efficacement être lu grâce aux représentations des procès qui l’ont traversé. » Cette idée, qui nous a été soufflée il y a quelques années par Lionel Ruffel, a depuis fait son chemin, tant il est vrai que les questions qu’elle pointe – la manière dont la justice est rendue, mais alors selon quelles formes, dans quels contextes, et surtout : quelle justice ? – sont déterminantes, permanentes, pour notre expérience des faits historiques aussi bien que pour notre compréhension de l’actualité.
Il nous a ainsi semblé nécessaire d’en reprendre le ferment pour l’amplifier et le porter aux dimensions d’un livre : ce volume soulèvera donc, à sa façon, des questions d’historiographie (comment écrire l’Histoire) et de poétique (quel angle adopter, quelle métaphore choisir pour faire entrer le XXe siècle dans une bouteille). Nous avons tenté de proposer une métonymie du siècle. Des procès emblématiques pour le condenser – plutôt que le résumer – et le faire entrer avec tout son jus dans l’espace du livre. Les textes réunis ici constituent de petites fictions politiques qui contractent un moment du siècle passé et, par conséquent, en révèlent un fragment.
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