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Critique de MarianneL


Un homme affecté à la surveillance du périphérique parisien, par les yeux de la centaine de caméras braquées sur le grand ruban, est intrigué par une forme noire aperçue dans l'angle d'un écran, ombre furtive aux environs de la Porte Maillot. Happé par un questionnement inquiet qui devient obsessionnel, l'homme réduit à un oeil qui surveille en luttant contre l'abrutissement des écrans, tente de déchiffrer ce qu'il voit, de comprendre comment un individu peut être réduit à ce point de dénuement et d'où vient sa fascination pour cette vie d'exclus.

«Maintenant je suis comme happé par cette vie que j'imagine complètement nue, sur ces soixante-dix mètres carrés de béton, et le fait qu'il soit possible à un homme de venir s'installer là. J'essaye de recomposer, à partir de ça, ce qui a pu l'y amener et ça me fait trembler.»

Cet ombre est la deuxième voix de «La borne SOS 77», un SDF infiltré dans le noeud des voies et des piliers qui s'entrecroisent, réfugié dans ce lieu ouvert à toutes les nuisances du périphérique pour échapper aux embrouilles et règlements de compte des rues et des foyers.

«Là, au milieu des bagnoles, entre plusieurs parois de béton, avant l'entrée du tunnel qui part sous la dalle, y'a une chose de moi qui persiste, qui dure, molle, sans forme, une chose qui s'maintient, qu'arrive à s'adapter, à supporter.»

Pour survivre à l'oppression de cette prison ouverte, pour tenter d'affirmer une existence autre que celle d'un cloporte, il transforme cette maison impossible en la meublant, ramasse des objets abandonnés, les rénove et les convertit en installations – Ferdinand Cheval temporaire du périphérique – ralentissant peut-être le rythme des conducteurs qui empruntent chaque jour le périphérique, avec ce questionnement inattendu sur la folie du monde marchand, «comme si la folie du monde pouvait lui obéir, et la folie du monde obtempérait face à plus fou.»

«J'récupère tout, j'désenglue tous ces objets. C'est des cormorans mazoutés qu'il faut désempoisser.»

Publié en 2009 dans la précieuse collection Collatéral des éditions le bec en l'air, en s'appuyant sur les photographies de Ludovic Michaux, Arno Bertina réussit à exposer de manière impressionnante la violence de l'exclusion, la barrière des écrans qui séparent et engourdissent, et la puissance du geste créateur de cet homme dans le trou du périphérique.
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