Contes du vent et de la nuit et autres contes...

...Ayant repoussé sa femme d'un revers de la main, l'aveugle fonçait droit sur le triomphateur. On eût dit qu'à défaut de ses yeux morts, sa haine voyait. Il y eut entre les deux adversaires un échange de mots rapides dont nul ne perçut le sens, et la lutte s'engagea. Elle fut atroce et brève. L'assistance, clouée par la stupeur, n'avait pas eu le temps de soupçonner l'horrible drame qui se tranchait devant elle, Pêr Gourva, d'un brusque sursaut, plantait sa nuque redoutable dans l’aine de son rival et, le souleva à poings tendus, l'envoyait s'écraser de tout sa masse aux pieds de Line pétrifiée.
- Tiens, chienne ! Attrape cette viande, puisque tu l'aimes : vociféra-t-il.
Et il s'affaissa lui-même à terre, les lèvres barbouillées d'une mousse de sang. Une vieille, experte aux maladies des gens et des bêtes, annonça qu'il avait le coeur crevé.