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Critique de fbalestas


Se mettre dans la peau du grand poète et dramaturge irlandais que fut Samuel Beckett est un beau challenge.
Mais imaginer les derniers mois de vie du grand homme au sein d'une maison de retraite et l'écrire à la première personne comme pour un journal intime relève véritablement d'une gageure !

C'est pourtant ce à quoi s'est attaquée Maylis Besserie pour son premier roman qui va obtenir le Goncourt du Premier roman.
Il s'agit d'un récit où l'autrice donne la parole à Samuel Beckett, alors qu'il séjournait seul après le décès de sa compagne Suzanne en maison de retraite dans le quatorzième arrondissement de Paris, ce qui est un fait en 1989.

Mais il s'agit aussi d'un double Huit clos : huit clos au sein de la maison dénommée « le tiers temps » avec ceux qu'il appelle ses « congénères » et huit clos de sa pensée aussi, puisqu'on est en permanence dans sa tête, un esprit caustique étudiant la condition humaine tandis que le corps est en train de l'abandonner.

Bien sûr on va évoquer ses pièces principales « En attendant Godot » assez naturellement , ou « Molloy », on va croiser Joyce aussi bien sûr, sachant que Beckett était un grand lecteur de Shakespeare, de Dante ou de Proust et tous les amoureux de la langue beckettienne seront ravis de ces retrouvailles.

Maylis Besserie traite des thèmes de l'absurdité et de la mort, mais aussi de l'exil entre la France et l'Irlande. Mais ce n'est jamais pesant : il y a beaucoup d'humour noir et d'ironie dans ce récit et c'est ça qui est étonnant. L'autrice s'autorise à le mettre en scène avec ce corps vieillissant (des scènes savoureuses avec les personnels soignants qui ou les kinésithérapeutes qui le font travailler) et ce n'est pas pénible du tout, alors que le texte nous donne des comptes-rendus fictifs émanant des médecins qui l'examinent. Pourtant Samuel Beckett joue sa propre « fin de partie » et rien n'est édulcoré, mais ce n'est jamais plaintif : une sorte de « déchéance joyeuse » que le grand homme vit avec ironie.

L'autrice imagine aussi qu'il « règle ses comptes » avant de partir, notamment avec sa mère May, dont on comprend que les relations entre eux n'étaient pas faciles, avec sa compagne Suzanne, et avec ceux qui lui ont été proches et qui le laissent aujourd'hui face à sa solitude.

Coup de chapeau aussi au passage consacré à Buster Keaton, qui accompagne le « troisième temps » du livre, avec une ultime sédation pendant laquelle on imagine l'esprit du grand homme s'éloigner peu à peu.

« Echoue encore, échoue mieux » disait le grand Prix Nobel irlandais.
Un grand merci à BookyCooky qui m'a guidé vers cette lecture – pour moi le deuxième de cette romancière puisque j'ai commencé avec « les amours dispersées » à propos de Yeats, un autre Prix Nobel irlandais – pour un récit peu commun et surtout très réussi.
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