Comme de coutume, après avoir terminé la lecture d'un livre, je m'amuse à tenter la rédaction d'une chronique afin de partager mes impressions avec quiconque serait pris par l'envie de s'y intéresser.
Mais voilà ... Ça fait plusieurs jours que je tourne en rond pour essayer d'en rédiger une sur ce livre de
David Bessis, un mathématicien français qui tente de nous expliquer pourquoi certaines personnes ont la bosse des maths et pourquoi d'autres n'y comprennent que dalle.
Mais, je galère, je n'arrive à rien de très satisfaisant. Je suis aussi perdu qu'un "littéraire" devant une équation différentielle. Ma grand mère dirait que je ressemble à une poule devant une fourchette.
J'écris, bof, j'efface, j'écris à nouveau, rebof, j'efface, je passe de ma chaise au canapé, bof bof, j'efface. En fond sonore, il y a la télé. Je me dis que c'est peut-être ça. du coup, je change de chaîne en passant de
Drucker à BFMTV, comme pour avoir un électrochoc en sautant du pays des bisounours à la promotion de l'apocalypse. Non, rien n'y fait ... mon texte ne me plaît pas. Je mets la radio. Arffff ! Une chanson de Shay ! La misère. Je coupe tout et je vais pisser.
Oui, le r&b français me donne envie de pisser...
Je m'y remets. Parce que, écrire des chroniques, j'aime bien ça finalement. Ça m'amuse. La persévérance, il parait que c'est une des clés de la réussite. Mais, à chaque tentative, il y a quelque chose qui cloche dans ma prose. Un petit quelque chose qui ne colle pas. Je tâtonne. Je suis perplexe. Mais j'essaie encore.
Pourtant, il me semble avoir une vision assez claire dans ma tête de ce que
David Bessis essaye d'expliquer avec une certaine humilité mais je n'arrive pas à le retranscrire clairement. Comme si la langue française n'avait pas assez de mots suffisamment précis pour décrire le raisonnement qu'il développe.
Dans ma tête, je vois très bien qu'il essaie de nous expliquer que l'enseignement actuel des mathématiques ne se focalise que sur l'apprentissage totalement imbitable du formalisme, des équations, des signes, des règles qui coordonnent tous ces signes entre eux, les théorèmes ... et fait l'impasse sur le plus important, à savoir développer son imaginaire, se faire sa propre image des concepts mathématiques que l'on voudrait bien comprendre. Une image très personnelle, qui ne convient qu'à soi et qu'il est très difficile d'expliquer à quelqu'un d'autre.
Alors, je fais des allers-retours entre le texte de ma chronique et l'image idéale que j'en ai dans ma tête, ou que je crois en avoir. Je corrige mon texte, ça fait aussi évoluer cette image idéale. J'avance, je recule, comment veux-tu, comment veux-tu ... Je suis paumé. Mon cerveau ressemble à une sorte de choucroute garnie en pâte à modeler qui se déforme et se réforme au fil des différentes tentatives.
Mais comment vais-je rédiger cette maudite chronique ? On va me dire que ça n'a ni queue ni tête. Et je serais d'accord. Je vais passer pour une truffe.
Au moins,
David Bessis, lui, sans se la raconter, il arrive à décrire sa propre méthode avec laquelle il a réussi une carrière plutôt brillante dans les mathématiques tout en étant atteint du syndrome de l'imposteur. Un "
discours de la méthode" qui a quelques similitudes avec celui de
René Descartes, auquel il dédit quelques chapitres passionnants, bien loin de ce qu'on a pu m'expliquer en cours de philo en terminale. En même temps, on faisait des concours de lancer de boulettes de papier dans la poubelle avec des cris de singes en cas de panier gagnant. Ça partait mal.
Il prend comme exemples aussi certains autres mathématiciens qui ont ressenti la même chose que lui. Des mathématiciens qui ont révolutionné la discipline, comme Grothendieck, Serre, Thurston, Ramanujan, Ted Kaczynski (le tueur en série) mais aussi Fosbury et Billie le dauphin, ... Fosbury était un sauteur en hauteur. Non, ce n'était pas un geek à lunettes passant son temps de loisirs à melanger x et y. Non, Fosbury n'était pas non plus un surhomme capable de sauter plus haut que les autres, il a juste ressenti dans son corps et visualisé dans sa tête qu'il sauterait mieux sur le dos plutôt qu'en ciseaux. Il a essayé, il s'est trompé, il a modifié sa technique dans sa tête, il a réessayé, échoué, remodifié, jusqu'à réussir et inventer une nouvelle technique de saut utilisée désormais par tous les athlètes.
Comme moi avec ma %#&@%& de chronique, en fait !!
Dans un autre chapitre, en décrivant également avec des mots simples le fonctionnement des neurones,
David Bessis met une image sur le concept de plasticité mentale qui ne s'arrête pas à l'enfance, comme la croyance populaire veut nous le faire croire, mais évolue tout au long de la vie du moment où l'on garde une certaine dose de naïveté, de curiosité lorsque quelque chose semble ne pas tourner rond entre notre imaginaire, notre intuition d'une part, et notre raisonnement terre à terre de la vie de tous les jours d'autre part.
Encore dans un autre chapitre, il fait un lien avec l'apprentissage des "machines" dans le cadre des nouveaux développements scientifiques liés à l'intelligence artificielle, qui donne une consistance un peu concrète à cette fameuse notion de plasticité mentale, qui semble être la base de tout.
Tenter, oser, être curieux, se faire ses propres images mentales des notions mathématiques qui nous rebutent le plus, même si elles nous semblent un peu ridicules, simplistes voire enfantines, les modifier au fil de nos tentatives, modeler et remodeler notre cerveau par petits pas pendant toute notre vie, jusqu'à ce qu'elles nous apparaissent soudain évidentes. C'est cette "technique" que
David Bessis a utilisée avec succès pour devenir un bon mathématicien.
Page 92 : "Peu de gens savent qu'en mathématiques les principaux obstacles sont de nature psychologique, non seulement au début mais tout au long du chemin, jusqu'au plus haut niveau scientifique. En sortant de l'enfance, nous apprenons à craindre d'avoir l'air bête. Nous apprenons à avoir honte de nos erreurs. Nous apprenons à dissimuler, y compris à nos propres yeux, le fait que nous ne comprenons presque rien. Pour progresser en mathématiques, c'est ce réflexe de dissimulation qu'il faut apprendre à désactiver. Et c'est très difficile."
Mais tout ça, c'est bien beau, mais ça n'aura pas fait avancer ma chronique. Peut-être que je devrais relire ce livre, non ?