Cet homme représente une certaine raison de droite - économie, travail, tolérance, ironie, égoïsme, charité - doublée d'une folie non politique ( on traverse les murs, on change de visage le matin au réveil, on pousse un voisin irascible dans la cage d'escalier). Tout l'art de Marcel Aymé, mais peut-être dans son cas faudrait-il parler de méthode, car lui-même se considérait davantage comme un artisan que comme un artiste, consiste en la juxtaposition de personnages ordinaires et d'évènements extraordinaires, l'ensemble étant lié par une écriture pateline, tranquille, modeste, appliquée, qui sent bon le lait tiède à peine sorti du pis de la vache. Aymé a la rouerie enfantine d'un peintre naïf. Il écrit sans perspective, mais avec deux objectifs secrets: plaire et faire passer ses idées. Car des idées il en a, c'est son côté franchouillard et parigot. Silencieux en société et muet en famille, il se déchaînait devant son papier.
Patrick Besson : "La frivolité est une affaire sérieuse" Les Clochards Célestes