Citations sur Mémoires d'un paysan bas-breton, tome 1 : Le Mendiant (7)
Malgré qu'on m'ait inculqué à ne pas trop réfléchir, je ne peux empêcher ma cervelle de recevoir l'impression des choses naturelles que mes yeux voient, ou que mes oreilles entendent.
Quand j'allais à la confesse, le curé me demandait toujours si je n'avais pas de mauvaises pensées.
Je lui racontais alors mes réflexions et je lui disais que ce n'était que mon esprit qui travaillait ainsi.
Il me répondait que ces réflexions n'étaient pas de mon fait, c'était l'esprit du diable qui était en moi et que pour le chasser, il fallait prier avec ferveur.
Mais après avoir psalmodié quelques pater et Ave Maria, mon esprit vagabond recommençait aussitôt à fourrager dans les champs défendus.
Cette lune, pourquoi s'use-t-elle tous les mois? Pourquoi y-a-t-il des jurs longs et des jours courts, des hivers et des étés? D'où viennent le vent, le tonnerre, la pluie, la grêle et la neige?
Je sais bien que les ignorants ont la réponse à toutes ces questions, toujours la même... C'est Dieu qui a fait ça. Et c'est sacrilège que de percer ses mystères.
Je refuse le dialogue... Je ne parle ni aux ignorants ni aux abrutis ! Encore moins aux bretons !
"Ar urrionez néo ket mat da lavaret".
La vérité n'est pas bonne à dire. Ce proverbe est plein de bon sens... Comme quoi même les bretons peuvent avoir raison. Aucune vérité n'est bonne à dire. Personne ne peut le savoir mieux que moi puisque j'ai été victime toute ma vie. Et j'ai cruellement souffert d'avoir toujours dit la vérité.
On nous apprend par exemple que le paradis est en haut et l'enfer en bas, dans les ténèbres...
Mais il est dans les ténèbres. Puisque je vois tous les jours le soleil passer sous la terre...
Et puisque l'enfer se trouve là, il doit y passer et c'est alors le paradis qui devient un lieu de ténèbres puisqu'il est question dans la bible d'un seul soleil...
ça voudrait donc dire que le paradis devient l'enfer.
Et l'enfer le...
On connait beaucoup de vies, de confessions de gens de cour, d'hommes politiques et de grands de ce monde. Mais jamais je n'ai lu ailleurs que dans les romans les mémoires de pauvres artisans, d'ouvriers... Ceux qu'on appelle très justement les hommes de peine. Car c'est eux en effet qui supportent les plus lourds fardeaux et endurent la misère.
C'étaient presque des cannibales, car s'ils ne mangeaient pas de chair humaine, ils étaient sans pitié pour les naufragés ...
À chacun sa part, disaient les sauvages, à la mer le cadavre et à nous le butin.