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Critique de jeanneservanne


L'ouvrage s'ouvre sur le récit de la mort d'Antonine, la grand-mère du héros, jeune garçon prénommé Alain qui vit avec sa famille dans un tout petit village de l'Aveyron, où l'on survit de l'agriculture. L'enfant est très proche de son grand-père, Antoine, qui vient habiter chez ses enfants après le décès de sa femme dans les années 1960.
Le thème de l'ouvrage est lancé lors du repas de neuvaine qui réunit la famille et les voisins : l'achat par le gendre de matériel ultramoderne pour faire tourner la ferme. On assiste à une rencontre des anciens et des modernes, des petits propriétaires et des futurs grands exploitants. Les dés sont jetés et l'on devine que les plus hardis à la modernisation mangeront ceux qui n'ont ni l'envie, ni les moyens de se lancer dans la course à la mécanisation à outrance, la refonte totale du cheptel pour améliorer les rendements laitiers, le rejet des variétés locales de fruitiers qui ne rapportent pas assez et dont le goût n'est plus à la mode.
L'enfant grandit, encouragé dans ses études par un grand-père attentif et attachant qui lui explique le monde avec une patience infinie. Alain constate, plein de chagrin, l'écart grandissant entre ce grand-père adoré et ses parents qui ne songent qu'à l'agrandissement de leur exploitation et la mécanisation de leurs outils, au grand dam du vieux paysan qui trouvait le temps d'allier les beautés du paysage et la sauvegarde des variétés locales : les Aubrac, les pommiers...
Le fossé creusé par l'entêtement du gendre surnommé Méca, par ses voisins jaloux, voire mal attentionnés, deviendra un gouffre insurmontable le jour où pour faire passer des engins agricoles monstrueux, les enfants trahiront le grand-père avec l'aide du maire en acceptant la destruction d'une allée de pommiers qui débordaient sur la route et embellissaient le paysage au printemps.
Antoine décédé, Alain passe des concours pour devenir fonctionnaire des Postes, au grand désarroi de son père qui pensait que son fils prendrait sa suite. le héros vit à Paris, sans réelle ambition professionnelle pendant de nombreuses années avant de revenir habiter la vieille maison de son aïeul et de vivre sur l'exploitation de son père mort écrasé sous son tracteur. Il replante les variétés anciennes de pommiers et vend les fruits sur les marchés aux néo ruraux.
Cet ouvrage, par le biais du récit romancé, aborde le thème du retour à la terre d'un descendant naturel de paysan qui a refusé successivement :
• le travail de la terre, la vie au pays, à la ferme.
• La mécanisation.
• La médiocrité d'une vie en ville et un travail sans objectif autre que le rendement sous la coupe de petits chefs aigris.
pour comprendre enfin où était sa place, sa vie et ce qu'il pouvait faire de ce que son grand-père lui avait appris et transmis.
L'auteur connaît bien son sujet : l'ouvrage se lit avec intérêt et atteint l'universel par la description minutieuse des sentiments des uns et des autres (relations des paysans entre eux et relations avec les gens de la ville), des coutumes locales (les fêtes, les repas).
La langue est riche, bien qu'ancré dans le terroir (il y a des mots en occitan, toujours traduits) et précise : l'auteur connaît les termes techniques de la campagne et les utilise à bon escient.
La nature est omniprésente, n'est pas magnifiée : l'auteur décrit certes les beautés du paysage ; il n'en oublie pas pour autant la rudesse de la vie campagnarde et la solitude de l'homme qui doit apprendre à composer avec cette nature pour ne pas être dévoré par elle. Comme la mer, elle est la plus forte et elle brise l'homme qui n'est pas respectueux de son milieu (la mort du père).
L'auteur a su nous faire pénétrer dans un monde qui évolue : la vie du héros est bouclée quand, enfin, il est en accord avec lui-même (il se sent en paix) et rend hommage à son grand-père en développant pour les autres ce que le vieil homme avait toute sa vie durant créé.
C'est un livre magnifique, pas simplement de terroir comme on aurait peut-être tendance à le cantonner : il décrit l'évolution de la société tout entière au 20ème siècle.
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