Publié en 1967,
la forteresse vide s'intéresse aux origines de l'autisme. Face à la thèse génétique, défendue par Kanner, Bettelheim oppose une origine acquise de façon précoce, par un dysfonctionnement de la relation mère-enfant.
En clair plus l'action que le nourrisson cherche à avoir, dès sa naissance, sur son environnement est encouragée par la mère, dans le cadre d'une relation affectivement satisfaisante, plus le nourrisson prend conscience que le monde peut être source de satisfactions. Lorsque la relation est perturbée par trop de sentiments négatifs, les tentatives de ce dernier diminuent, la communication devient difficile et l'intérêt pour l'extérieur peut aller jusqu'à s'éteindre, provoquant un repli extrême sur soi (la position autistique) comme moyen de défense contre un monde vécu comme angoissant.
Pour en arriver là, il faut que l'enfant vive ce que Bettleheim appelle une "situation extrême", c'est à dire un événement qui entraîne la sensation d'une mort inexorable. Il développe cette hypothèse, suite à des observations faites sur des prisonniers, alors qu'il était enfermé dans un camp de concentration, et qui adoptaient des comportements autistiques.
On voit déjà une première faiblesse dans le raisonnement puisque Bettleheim s'appuie sur des observations faites sur des adultes, pour en tirer des conclusions sur les enfants. Par ailleurs, cela lui a été largement reproché depuis, sa théorie est très culpabilisante pour les parents, notamment les mères, même s'il reconnait que les parents procèdent avec les moyens qui sont les leurs, plus où moins développés en fonction de leur histoire personnelle. Pourtant, afin de tenter de soigner ces enfants (car pour lui la position autistique n'est pas irréversible), il préconise de les séparer de leur mère et de les placer dans une école adaptée, pour leur faire vivre le plus possible d'expériences positives, dans un environnement adapté.
Les solutions proposées par Bettleheim ont bien vieillies, il n'est ici nullement question de travailler sur la relation mère-enfant, qui semble pourtant la cause de ce retranchement extrême, selon lui. Par ailleurs les connaissances en génétique était balbutiantes à l'époque, mais nous savons aujourd'hui que cette piste est la plus probable (sexe-ratio en faveur des garçons, troubles génétiques associés très fréquents), même si cela n'exclut pas que certaines formes de psychoses infantiles précoces soient acquises. Evidemment il ne serait pas juste de reprocher à l'auteur d'ignorer des informations dont il ne pouvait disposer à l'époque.
La forteresse vide est donc dépassée mais est néanmoins un ouvrage intéressant à lire, dans une perspective épistémologique.