Ah oui, c'est vrai, j'oubliais que vous ne répondiez qu'à une question sur trois. De toute façon, ce que je vais vous annoncer va provoquer une avalanche de questions ! Cette affaire n'est pas vraiment ce à quoi on pouvait s'attendre.
Il n'allait pas se mentir, il aimait ces moments où toute l'attention de l'auditoire était concentrée sur lui, se délectant par avance de l'effet de ses prochaines paroles. Beaucoup jugeaient cette attitude comme de la méprisable vanité, mais ils se trompaient.
Même s'il n'avait jamais dédaigné les regards admiratifs d'étudiantes séduites par ses paroles et son allure d'intellectuel décontracté, ce n'était pas le plaisir d'être contemplé qui le grisait. Non, c'était la jubilation d'éveiller des esprits par un discours ciselé à la pause près.
Là était son bonheur : dans la transmission de la connaissance et sa mise en scène toujours étudiée, parfois improvisée.
La vie nous tuerait tous si nous n'avions pas l'oubli, madame Geringën. Cet oubli qui fait que nous ne pensons pas chaque seconde à l'absurdité de notre existence. Nous vivons sans savoir d'où nous venons et nous mourons sans savoir où nous allons. Comment vivre entre les deux? Comment ne pas être paralysé par cette absence de sens? C'est logiquement impossible.
- Oui. Ecoutez, ce serait trop long de vous expliquer, mais pour faire bref, comme on le pensait, cette affaire nous emmène bien plus loin que prévu.
- D’accord et, si j’ai bien compris, vous avez besoin de moi. On part quand ?
- Désolée, j’ai seulement besoin de vos connaissances.
- Oui, oui, je m’en doutais, mais que voulez-vous, quand on a mon âge et une si belle femme qui vous parle, on tente le tout pour le tout.
- Thobias, c’est urgent.
- Dites-moi.
"(...)Mes amis s'éloignaient et,
seul, tremblant d'angoisse,
Je pris conscience du grand cri infini de la nature."
Certains patients décédaient au cours de l'opération, et ceux qui se réveillaient étaient condamnés à un état végétatif, sans plus aucune imagination, curiosité ou envie. Mais pour les médecins, ils étaient guéris. Leur agressivité ou les crises qui les faisaient tant souffrir avaient effectivement disparu.
La vie nous tuerait tous si nous n'avions pas l'oubli
Tout a commencé le jour où j'ai reçu un coup de téléphone du ministre de la Santé de l'époque. On était au début des années soixante-dix. Le ministre m'a dit que j'allais bientôt recevoir la visite de deux hommes qui viendraient me confier un patient et que je ne devrais poser aucune question. Que cela relevait de la sécurité nationale, qu'il n'en savait pas plus, mais que l'ordre provenait des plus hautes instances...
Chaque époque à ses certitudes et le présent est parfois prétentieux lorsqu'il juge le passé.
Tu n'as pas peur de mourir, mais tu es comme tout le monde, tu as peur de souffrir.