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Critique de Levant


Le Zimbabwé est le dernier pays africain à avoir accédé à l'indépendance, en 1980. Robert Mugabe a pris le pouvoir à cette époque. A 91 ans, il est aujourd'hui le plus vieux dirigeant africain encore en place.
Dès sa prise de pouvoir, il lance une grande opération de redistribution des terres détenues alors à 90% par les Blancs. C'est dans ce contexte pour le moins mouvementé que Calixthe Beyala aborde le douloureux sujet de la colonisation en Afrique, à l'ère de la décolonisation justement. Elle est elle-même africaine, camerounaise de naissance. Il y avait avec une telle condition matière à tomber dans le panneau de la culpabilisation aveugle de la race blanche. La grande qualité de cet ouvrage est d'éviter cet écueil.
J'y ai apprécié la manière dont elle traite le sujet, certes sans complaisance mais avec objectivité. Alors que le pays était non seulement auto suffisant avant l'indépendance, mais en outre exportateur de produits agricoles, il souffre aujourd'hui de pénurie. le sentiment louable de redistribution des terres opérée par le nouveau parti au pouvoir s'est en fait transformé en une autre forme d'appropriation. Par ceux-là même qui la dénonçaient avant d'accéder au pouvoir. La qualité de Calixthe Beyala est de savoir évoquer les travers des deux partis en présence. D'un côté l'appropriation sans partage des terres par les Blancs, de l'autre l'incapacité des Noirs à s'autogérer.
Mais l'autre intérêt de cet ouvrage est cette forme de refondation de la langue française qui caractérise le style de l'auteure. Avec elle le dictionnaire s'enrichit de substantifs verbialisés (osons l'imiter), de verbes substantivés et autres expressions encore plus improbables : "s'auto-malheurer" (p91), "ils dérespectent les adultes" (p104), "ses pensées saute-moutonnant" (p105), "les femmes bikinisées" (P109), "il avait mille malmenances" (p121), "ils malédictionnaient" (p127), "ses pieds haut-talonnés" (p166), "ça hiboutait au loin" (p169), "on héroïsait" (p172), etc…etc… Pas étonnant si mon correcteur orthographique voyait rouge, ou peut-être devrais-je dire voirougeait, en reproduisant ces tournures originales. Voilà de quoi "encercueiller" (p326) les rigoristes de la langue française. Et ce n'est là qu'un échantillon de cette langue fleurie à la sauce pragmatique. Ce n'est pas déstabilisant, c'est original et plutôt plaisant. C'était mon premier ouvrage de Calixthe Beyala. Je ne suis pas rebuté loin de là. Je m'efforcerai de vérifier s'il s'agît d'un effet de style propre à plaquer une certaine originalité sur un sujet lourd ou bien s'il est une marque de fabrique de cette auteure.
Il y a quand même de l'espoir dans sa vision de l'avenir. Et ça c'est propre à vous baumaucoeuriser !!!
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