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EAN : 9782020817745
280 pages
Seuil (14/02/2005)
4.27/5   53 notes
Résumé :
Déporté ou camp d'Auschwitz en août 1944, à l'âge de vingt et un ans, Joseph Bialot à attendu près de soixante ans pour livrer son témoignage sur cette période. Sobrement, il restitue ici le vécu concentrationnaire et s'efforce de traduire la " mort intérieure ", le deuil de soi-même qui en résulte. Cherchant à comprendre les rouages de l'organisation des camps, il décrit les comportements des différentes communautés de déportés et de leurs bourreaux. Et ranime le s... >Voir plus
Que lire après C'est en hiver que les jours rallongentVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Non, il ne saurait être trop question de la Shoah et de la barbarie nazie.
Ou ce serait se blaser de l'horreur.
Ce serait réduire à une masse informe, à une statistique, des individus, des familles, des histoires.

Non, on ne sait pas tout. Et même, on ne sait rien.

"Il y a, dans l'histoire des camps, "quelque chose", présent chez les survivants, qui ne peut être ni défini ni décrit en termes humains. La mort vécue ne peut pas se raconter, pas plus qu'on ne peut regarder le soleil en face ou rester indéfiniment sous l'eau. Auschwitz ne peut pas être "mis en mots", ni en images, ni en sons. (...)
Alain Resnais, dans Nuit et Brouillard, ne dévoilait que les conséquences physiques de l'extermination, jamais le quotidien qui a conduit à "Ça". Idem pour ce correspondant de guerre auprès des Alliés, réalisateur d'un étonnant document sur la libération de Bergen-Belsen, entièrement tourné dans un plan-séquence bouleversant.
La caméra voit, elle ne ressent pas. Elle ne peut pas montrer le gouffre qui s'ouvre en chaque individu lorsque, lucide, il commence à vivre son propre deuil. Ce n'est pas la peur de la mort qui est en cause, mais la "chose" indescriptible, l'instant indicible où s'effondrent toutes les structures morales, religieuses ou autres que chacun a construites durant son existence. C'est l'écroulement de son vécu qu'il est impossible de traduire, ce moment où chaque déporté plonge dans... QUOI ? (...)
A Auschwitz, chaque individu perdait brutalement tout le vernis "civilisateur" accumulé sur lui depuis des millénaires et résumait, à lui seul, toute l'histoire de l'espèce depuis l'apparition du premier homme sur la terre. Au camp, chaque petit bonhomme se présentait nu sous un microscope géant, dévoilant, grossies un million de fois, la bassesse et la grandeur contenues dans l'être humain."

Joseph Bialot tente donc l'exercice périlleux du témoignage de l'indescriptible, d'une expérience qu'on ne pourra pas même approcher.
Mais nous devons quand même essayer, comme ces survivants essaient de nous transmettre.
Car nous le leur devons, nous le devons à L Histoire, à l'Humanité.
Nous devons toujours nous rappeler, nous interroger et nous méfier de ce que l'être humain est capable de faire.
Nous souvenir que l'impensable a été et est encore possible.
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Arrêté à Grenoble en août 1943 par la Gestapo, Joseph Bialot est rapidement déporté à Auschwitz dont il sortira meurtri à jamais en janvier 1945. Ce sont ces longs mois de souffrance permanente qu'il raconte dans ce récit autobiographique bouleversant où l'on voit chaque prisonnier perdant brutalement "tout le vernis « civilisateur » accumulé sur lui depuis les millénaires" devenir un cadavre en sursis.
Auteur d'excellents romans noirs (plusieurs prix sont venus récompenser cette belle carrière) Joseph Bialot dont on fête cette année le centenaire de la naissance (1923 – 2012) voulait, par ce témoignage, exorciser toute cette sauvagerie endurée et livrer cette "invraisemblable vérité" sur la réalité des camps de concentration nazie, cet enfer où, chaque nuit, sans exception, il retournait. Un livre vraiment très émouvant.

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Joseph Bialot a été prisonnier à Auschwitz d'août 1944 à janvier 1945 et nous livre ici un sobre récit de cette expérience extrême dont il n'est pas ressorti indemne.
Arrêté et torturé par la Gestapo, il est déporté car résistant et juif. A son arrivée, il échappe à la chambre à gaz et est confronté à une nouvelle réalité qui veut que rien de ce qui régissait sa vie d'avant n'existe plus, que l'homme qu'il était n'existe plus. Les quelques mois qu'il va passer à Auschwitz seront un long combat pour garder une part de son identité dans un univers totalitaire qui a pour objet de lui dénier toute humanité. Sans aucun pathos, il restitue avec précision le cheminement psychologique qu'il a enduré pour survivre et mettre entre parenthèses l'essence même de son être. Il raconte le quotidien impensable du camp, les brimades, la violence arbitraire des kapos et des gardes, le travail harassant, les trafics de toutes sortes, le désespoir mais aussi la solidarité, les éclairs de lumière quand un geste, un mot apporte un peu de réconfort, les scènes cocasses, les moments d'espoir.
Il explique devoir sa survie au fait qu'il parlait polonais (il était né en Pologne avant que ses parents n'émigrent vers la France), qu'il a fait alliance avec d'autres déportés dont il dit les forces, les flamboyances, le courage mais aussi les faiblesses, et que la chance a été au rendez-vous à des moments clés. La plupart de ses codétenus finirent tôt ou tard, par ne plus pouvoir subir et se laissèrent glisser vers la mort.
Rentré en France, il retrouve ses parents et sa soeur et devra apprendre à revivre avec le fardeau des souvenirs qui ne lui laisseront pas de répit. En fait, on ne revenait jamais vraiment des camps tant il était impossible de les laisser totalement derrière soi. Ainsi le livre est conçu comme une suite de retours en arrière pendant la traversée du voyage que Joseph Bialot fit d'Odessa à Marseille après sa libération et durant laquelle sa pensée était ramenée vers le camp par de petits gestes du quotidien qui semblent anodins mais qui avaient une toute autre dimension dans l'univers concentrationnaire : un repas, le soleil sur le pont, une douche...
S'il n'a pas la puissance du livre-culte de Primo Levi « Si, c'est un homme », ce livre n'est pas un récit de plus sur ce que fut l'expérience des camps de concentration. Car au delà d'être un témoignage très impressionnant et particulièrement bien écrit, Joseph Bialot est un écrivain talentueux qui fait ici oeuvre de littérature.
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Je suis tout à fait d'accord avec le ton de Michel Ayala, qui est le seul sur Babelio à avoir chroniqué ce livre. J'apporterai juste une réserve, c'est que je ne pense pas qu'il faille du courage pour le lire. C'est le seul témoignage d'un déporté que j'ai fini de lire en étant...comment dire?...vraiment emportée par l'appétit de vivre. Primo Levi, c'est magnifique. Semprun, c'est magnifique. Bialot, c'est magnifique aussi mais c'est différent parce que lui parle du moment où les sauveurs arrivent et où les survivants vont être libérés. Alors cette libération, elle prend des mois, et des mois pendant lesquels on peut toujours mourir. Quels choix faire pour survivre, encore et toujours? Rester dans le camp ou partir? Partir, d'accord, mais vers l'est ou vers l'ouest? Une fois parti, comment faire reconnaître son identité? Comment faire valoir ses droits? Comment trouver un bateau? J'étais soufflée. Je n'avais jamais lu de livre qui raconte ces détails. C'est d'autant plus fascinant à lire que Bialot fait aussi preuve d'humour, d'ironie, d'envie de vivre! Il ne faut pas oublier que tout comme Semprun, il était jeune à l'époque, et il avait aussi tout simplement envie de s'amuser. Pas seulement parce que c'était un survivant, mais parce que c'était de son âge. Bref, même si c'est un livre plein d'horreurs, il se lit très vite, et j'avais la gorge serrée et les yeux mouillés quand enfin le jeune homme rentre chez lui...
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😱 Un uppercut

Comme ds une discussion avec un ami, un sujet en amène un autre, on rebondit, un souvenir en appelle un autre, une idée nous traverse l'esprit etc ... Joseph nous promène ainsi dans ses souvenirs, mais aussi dans ses "oublis". On oscille entre l'avant, la guerre et l'après avec cette tentative de retour à une vie "normale" au milieu de gens qui, eux, n'ont pas connu Auschwitz.

A noter l'utilisation de l'humour (très) noir comme moyen de faire passer des messages et ... de re-vivre après avoir sur-vécu.

Je ne sais pas comment vous parler de ce livre car mes mots seront tellement insignifiants comparés aux siens.
Mes émotions ressenties tellement insipides à côté des siennes (et pourtant).
J'ai essayé de trouver qques extraits "représentatifs" ... mais quel exercice difficile!
Tout le livre, ttes ces pensées, ttes ces constations, ttes ces vies méritent d'être lues, retenues, mémorisées, réfléchies, assimilées, digérées.
Alors voici qques phrases mais ...

"Il y a, ds l'histoire des camps, qque chose présent chez les survivants, qui ne peut être ni défini ni décrit en termes humains. La mort vécue ne peut pas se raconter[...]. Auschwitz ne peut pas être mis en mots, ni en images, ni en sons"

"Il est vrai que les voyages forment la jeunesse. Je suis formé pour l'éternité et j'ai perdu ma jeunesse"

"Être libéré ne signifie pas être libre. Je réalisais mal que j'avais un fil à la patte, lien qui s'allongerait au fur et à mesure de ma marche vers la normalité. Mais il était là, invisible, impalpable, me ramenant sans cesse à des flashes incontrôlables"

"Un rescapé n'est qu'une apparence, une illusion à face humaine, qui continue à 🍆, à manger, à travailler, à penser. Comme une dent dévitalisée. Elle est morte et continue sa fonction, mordre, dévorer, mais à l'intérieur c'est creux, vide"

"[..]je crois avoir compris pourquoi tant de rescapés se sont suicidés des années plus tard. Leur mort a été différée. Ils se
sont heurtés à l'impossibilité de communiquer leur expérience aux autres.[...]. La mort de ces déportés ressemble étrangement à celle qu'ils ont évité au Lager"

Par respect, égard, humilité, hommage, considération [...] pas de conclusion.

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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Bois vite, je ne peux pas rester là.
La boisson est à peine tiède, mais le goût sucré en fait une offrande unique.
Et foudre accumulée depuis des jours, le tonnerre caché dans les planches, l'orage qui couvait chez chacun, la peur refoulée, l'angoisse mal maîtrisée, les vagues de la mer lorsqu'elles cassent leurs amarres, les vents d'hiver lorsqu'ils sortent du Pôle, les amours des parents et des enfants menacés, la tendresse des couples, la haine et l'idiotie, le courage et la folie, tout a explosé, tout à jailli des tonneaux débondés. L'Océan a vidé ses eaux comme des milliards de seaux géants se déversant d'un même jet, la montagne a balancé ses moraines et ses glaciers comme un gamin furieux qui brise ce qu'il possède, la terre s'est fendue exhibant ses entrailles de feu, les raz de marée ont hissé leurs tempêtes, les torrents ont quitté leurs conduites forcées pour s'écrouler là, dans un commandement sec formulé par un SS.
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Question posée à un déporté rescapé qui devint rabbin après trois ans de camp : "Où était Dieu à Auschwitz ?"

Réponse : "Où était l'homme ?"
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Être libéré ne signifie pas être libre. Je réalisais mal que j’avais un fil à la patte, lien qui s’allongerait au fur et à mesure de ma marche vers la normalité. Mais il était là, invisible, impalpable, me ramenant sans cesse à des flashes incontrôlables.
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Un rescapé n’est qu’une apparence, une illusion à face humaine, qui continue à baiser, à manger, à travailler, à penser. Comme une dent dévitalisée. Elle est morte et continue sa fonction, mordre, dévorer, mais à l’intérieur c’est creux, vide…
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Elle était, avec son sourire, son regard bienveillant, sa langue que je comprenais, tout ce qu’un homme pouvait espérer, la tendresse, l’amour, la vie. Tout ce que seule une femme peut offrir. Elle était une femme. C’est tout.
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Video de Joseph Bialot (2) Voir plusAjouter une vidéo

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