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Citations sur La station Saint-Martin est fermée au public (38)

Tous les jours et toutes les nuits de cette époque ignoraient le solfège et chantaient faux. Aucune symphonie, aucun orchestre ne pouvait couvrir la voix des canons, des bombes et des pleurs d'enfants.
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"Faudra régulariser dans un bref délais, avait dit le rond-de-cuir derrière son bureau. On peut pas vivre sans papier !"
Erreur, monsieur l'employé aux Rapatriés ! Grave erreur ! On peut vivre , ou survivre plutôt, sans nom, sans papier, sans point d'attache, sans amour. Et même sans mémoire… La preuve… Si toutes les bibliothèques du monde flambaient dans un autodafé absolu, il ne faudrait que deux ou trois générations pour réécrire l'essentiel : La Bible, L'Iliade et L'Odyssée, le théâtre de Shakespeare... Mais me reconstruire moi, ça c'est une autre affaire. Après la guerre, le plus facile consiste à déblayer les ruines et à reconstruire les villes, mais les humains aux âmes détruites, on les rebâtit comment ? Leur histoire s'écrit-elle en latin, en sanscrit, en hébreu, en farsi? A quelle "casse" recompose-t-on le texte d'une vie disparue ?
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Seule l'air n'était pas rationné, et Alex bénéficiait encore, mais pour combien de temps, du droit de respirer la quantité d'oxygène nécessaire à sa survie.
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L'ex-tas humain, le sac de bidoche ramassé sur le bitume, comprenait et parlait parfaitement la langue française mais occultait son identité et ignorait tout de son passé.
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Il ouvrit un œil, le referma. Jamais il n'aurait cru que le royaume des défunts serait de couleur kaki. De toutez évidence, il était mort. Sa dernière image de vivant restait imprimée sur sa rétine : une mitraillette braquée sur la poitrine et le doigt d'un SS replié sur la détente.
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Les Américains approchaient ; ils étaient là, derrière cette colline, derrière ces canons invisibles qui grondaient vers ce burg si romantique. Les pyjamas redevenaient conscients. Les SS aussi.
Finalement, comme toujours, ce sont les sergents, les derniers automates en uniforme, qui ont trouvé une issue : la politique habituelle. Tuer! Abattre ces squelettes ambulants! Les empêcher, avant tout, de savourer leur délivrance une seconde avant leur mort. Entre les Américains si proches et la balle d'un pistolet à bout portant, il n'existait pas de compétition possible.
Ils tuaient! Ils n'en finissaient pas de tuer. Et les sentiers, les routes, les autostrades, objet de leur fierté, se garnissaient de tas de vêtements bleu et blanc arrosés de sang.
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La route filait vers une colonne de fumée érigée sur l'horizon, dernière balise de la guerre qui cognait encore au loin.
La résistance des "verts-de-gris" devenait sporadique. La fin qu conflit était, maintenant, à portée de main de chacun des hommes en plein rush vers ce qui restait du front de l'Ouest.
La jeep, qui éclairait le convoi de camions, ne fit même pas un écart pour éviter le tas de chiffons bleu et blanc étalé le long de la berme.
Un second paquet de toile sale, puis un troisième entrèrent dans le champ du cameraman installé à l'avant de la voiture, près du sergent Stevens. L'engin dérapa légèrement sur un tas un peu plus volumineux.
Les colis se faisaient plus fréquents et leurs formes s'étaient épaissies. Intrigué par leur aspect, le Gi à la caméra filmait ces bornes kilométriques d'un type nouveau.
- C'est quoi, cet étalage de tissus? Ca ressemble à des fringues balancées sur le bitume.
- Pas la moindre idée.
C'est alors qu'il remarqua un carré rose sale qui émergeait des vêtements.
- Nom de... Mais... c'est une main... la main d'un mort!
- Tu rêves, non? Il y a trop longtemps que tu traînes sur le front, tu vois des macchabées partout!
- Stop! Je vais regarder ça de plus près. Il y a peut-être des images encore inédites de cette putain de guerre.
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Dès que le premier rapatrié mettait pied à terre, le silence s'installait. Tout passait par le regard. Les yeux cherchaient un visage, une attitude, une chevelure, un geste familier, mais l'œil n'enregistrait que des silhouettes émincées, vidées de leur chair, des corps aux angles aigus dont on devinait les entrailles derrière la peau diaphane, des visages sans relief aux pupilles atones, des crânes rasés ; les images caricaturales de ceux qui avaient milité, prié, enseigné, peint, écrit, travaillé, imprimé, moissonné, les traits longilignes de ceux qui s'étaient battus avec des mots, des gestes de solidarité, mais, aussi, avec des armes contre la sottise des collabos et de leurs maîtres. Ils rentraient, enfin, ceux que la malchance, la férocité, la lâcheté et la délation avaient envoyés dans le négatif de l'existence.
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Une silhouette en blanc se pencha vers lui : une femme. Elle sentait le printemps. Dans son demi-sommeil, il enregistra l'odeur d'eau de Cologne qu'elle dégageait, un parfum qui le gêna. Depuis plus de deux ans, depuis janvier 43, il ne respirait que des remugles de corps vivants en décomposition, des effluves de peur, de famine, de désespoirs, et là, cette fille lui balançait des jets d'une pureté inconnue de l'univers dont il venait de sortir, mort.
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Il n'arrivait à soutenir de conversation avec aucun patient de l'hôpital. Après les banalités d'usage, le malade en revenait toujours à l'écoute de lui-même. Chacun ignorait l'autre, n'entendait que son ego, ou du moins essayait.
L'expérience vécue par les hospitalisés possédait l'intensité d'une bombe qui aurait explosé en eux et dont la poussée tournait en rond dans leur corps. La détonation ne s'était pas produite en plein air mais seulement à l'intérieur des têtes, et l'effet du souffle confiné se révélait terrifiant. Ils avaient tous appris, tous, qu'à la guerre on est seul, unique dans son courage, spécimen inimitable dans la peur qui taraude les tripes, objet rare dans un assaut d'où l'on ne sort que mort ou tueur, éternellement solitaire au royaume du chacun pour soi et de Dieu pour personne. Là, dans cet asile caché, dans son parc paisible, ce "chacun" essayait d'émerger de la gangue invisible et sur mesure qui l'enfermait. Instrument de torture complètement imaginaire et que nul ne pouvait emprunter. Un bonheur peut, à la rigueur, se partager. Le malheur, lui, n'est jamais échangeable, pas plus qu'une camisole de force.
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