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EAN : 9782070321162
176 pages
Gallimard (06/12/2007)
3.68/5   11 notes
Résumé :

L'érotisme n'est pas la pulsion sexuelle, mais sa représentation, le symbole par lequel Eros, artiste et technicien, reformule siècle après siècle notre puissance à connaître physiquement la saveur de l'éternité. Le culte du plaisir a été trop souvent pris en otage par les sectateurs de l'effroi et de la souillure : après un millénaire et demi de répression, le désir sexuel garde u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
C'est en jeune profane ingénue que j'eus la curiosité de me pencher sur ce petit essai qui, sans prétention aucune, tente de retracer l'histoire de l'érotisme, de l'Olympe au cybersexe.
Il est tout d'abord important de le rappeler : l'érotisme n'est pas la sexualité. L'auteur tente bien ici de cerner la représentation du plaisir plutôt que l'acte lui-même. Et de fait, l'image du sexe dépend aussi des techniques artistiques de son époque, de ses moeurs, de ses représentations sociales.
L'ouvrage se découpe en 6 périodes : Éros antique, Éros médiéval, Éros renaissant, Éros classique, Éros moderne et Éros contemporain.

L'antiquité grecque et romaine pose le socle d'un érotisme civilisateur. Homosexualité, culte du phallus et de la nudité : une liberté qui s'accompagne d'une répartition sociale des rôles très codifié entre l'actif et le passif, le maître et l'esclave. L'art d'aimer s'affiche sans honte sur les murs, sur la vaisselle, en bijou ou dans la sculpture.
Mais bientôt, un courant de puritanisme judéo-chrétien va venir balayer ces marques abjectes du polythéisme et statuer sur 5 interdits majeurs : l'inceste, la nudité, l'homosexualité, la sodomie et le coït pendant les règles. le plaisir sexuel est désormais lié au péché originel.

Tandis que le christianisme entraîne à l'époque médiévale une censure de l'érotisme occidental pour au moins mille ans, l'érotisme oriental explose. Durant le Moyen-âge, érotisme rime avec maléfices, sorcellerie et démonologie. le mariage ne s'envisage qu'en terme de procréation tandis que le plaisir est associé à la représentation de Sodome. La littérature populaire grivoise s'inscrit dès lors en opposition par des textes louant la gloire du foutre, des cons, des culs, etc., tandis que dans certaines cours, se développe le fin'amor célébrant l'amour courtois.
L'orient, au contraire, voit la monumentalisation du plaisir sexuel. En Inde, la jouissance est une voie d'accès au divin et sa représentation fleurit sur les façades des temples, dans des sculptures hautement suggestives s'inspirant du Kâma-sûtra. L'islam qui surgit au VIIe siècle hésite quant à lui entre un ascétisme hérités des tabous bibliques et une liberté des moeurs qu'on retrouve dans la polygamie, les jeux érotiques et une poésie amoureuse célébrant le corps féminin.

La renaissance voit enfin un souffle de liberté envahir l'espace des représentations. L'éros sort de l'ombre et profite des innovations techniques et artistiques du XVe et XVIe siècle : gravure, typographie, presse à imprimer facilitent l'accès aux images érotiques, tandis que le développement de la peinture à l'huile renverse les tabous en offrant nudité, exhibition des corps sublimés par la couleur et les glacis. Les braguettes se gonflent, les Vénus se multiplient et se font provocatrices, comme la Vénus d'Urbin, évoquant la masturbation. La mythologie, le christianisme sont prétexte à la reprise de thèmes érotiques comme la zoophilie (Léda et le cygne), le sadomasochisme (Flagellation du Christ).
De son côté, la civilisation musulmane se détourne définitivement de l'ascétisme et plonge dans une époque de désir : c'est la grande époque de la littérature amoureuse (Contes des mille et une nuits, manuels d'érotologie).
Hélas, à l'heure de la Réforme, une certaine censure réapparaît. Une nouvelle lecture des textes sacrés exige une foi pure où la luxure n'a plus sa place. le désir est de nouveau diabolisé et marquera de manière durable les représentations sociales, les valeurs de l'Occident qui va imposer sa suprématie.

L'âge classique inflige au plaisir sexuel une répression sauvage qui, par réaction, voit la naissance d'une forme de libertinage provocateur. Les livres licencieux circulent sous le manteau. L'art d'aimer se fait discret et s'épanouit dans les salons mondains où jeux d'esprit et galanteries se substituent aux tentations sexuelles. L'inspiration érotique gagne en subtilité et se fait savante. La mort de Louis XIV en 1715 marque une brusque libération des moeurs. le libertinage entre à la cour et la littérature s'affranchit des contraintes dans un genre qui s'émancipe des tabous moraux (Abbé Prévost, Laclos, Sade, Casanova).
Au même moment, au Japon, s'ouvre l'ère des ukiyo-e (images du monde flottant, c'est à dire du quartier des plaisirs) et des grands maîtres de l'estampe érotique. Alliant pureté des lignes et réalisme crû, l'estampe se risque à toutes les fantasmagories sans aucune notion de faute.

L'ère moderne, à la fois fascinée et horrifiée par le sexe, l'enferme dans les maisons closes et les cabarets. Des discours hygiénistes condamne la masturbation. le sexe conjugal devient un devoir sans plaisir. La prostitution se développe. L'art érotique se complaît dès lors dans la transgression, notamment grâce à la photographie qui, avec les avancées techniques, alimentent les amateurs de scènes pornographiques. Ce nouvel art appelle à une redéfinition de l'esthétique picturale, précipité dans la modernité et un réalisme précis qui s'inscrit en rivalité avec la photographie (Le déjeuner sur l'herbe, L'origine du monde). Les perversions sexuelles ne cessent de s'élargir (les termes « masochisme », « pornocrate » et « homosexuel » sont inventés). de nouveaux mythes apparaissent : la femme fatale, l'androgyne, la nymphette pré-pubère. le Cinématographe est inventé et les premiers « pornos » sont réalisés. le siècle se ferme sur une décadence sophistiquée qui joue la surenchère.

Notre époque contemporaine voit le renversement des tabous. Les arts visuels s'ouvrent à l'érotisme avec intensité (surréalisme). La fin de la 1ere guerre balaye la morale bourgeoise et promulgue un désir innocent. Alors que la censure veille aux États-Unis, un certain érotisme à la française prend son essor. C'est le temps de l'existentialisme déculpabilisé. L'érotisme devient une valeur populaire (Brigitte Bardot, Marilyn Monroe) et intellectuelle (L'érotisme, de Bataille) et on découvre des adaptations décomplexés (Emmanuelle, Lolita, Les liaisons dangereuses). L'érotisme n'est plus une valeur clandestine mais est désormais dans l'air du temps. La génération du baby boom est en pleine libération sexuelle (contraception, homosexualité, féminisme) et la place au centre du débat politique avec le mouvement de 1969. Mais peu à peu, l'érotisme devient une valeur marchande (films X, revues pornographiques, cybersexe, publicités suggestives) qui rend le plaisir obligatoire et biaisant une éducation sexuelle qui se fait désormais en rivalité avec ces nouvelles images. La grande avancée notable est l'acceptation et la reconnaissance de l'homosexualité . L'érotisme actuel se débat aujourd'hui entre un censeur fondamentaliste qui exige le bûcher pour la luxure et une pornographie communicationnelle. Comment peut-il s'affirmer s'il ne reste plus d'interdits à renverser ?

» L'érotisme reste peut-être la dernière terra incognita à conquérir et à humaniser, l'ultime frontière derrière quoi s'ouvre l'espace de l'amour fou, l'aventure avec un grand A. »

Promenade chronologique à travers les âges érotiques, cet essai s'est révélé passionnant. L'auteur raconte de manière érudite et précise le désir humain et ses représentations intimement liés aux bouleversements culturels, religieux, techniques et sociaux de nos sociétés. Mises en perspective, ses analyses sont pertinentes et truffées d'informations et d'anecdotes de tout genre qui éclairent le propos. Des exemples commentés émaillent l'ouvrage et s'appuie sur une riche iconographie qui a toujours fait le sel de la collection Découvertes Gallimard. Et de fait, mises en regard avec le texte principal, les images semblent essentielles à la compréhension d'un sujet qui table sur une représentation vivante et variée de celle-ci. Sans jamais ennuyer son lecteur, l'auteur s'est livré à une synthèse très complète et facile d'accès qui se lit avec beaucoup de fluidité grâce à un découpage intelligent des chapitres. On regrettera peut-être la vision plus réductrice et succincte des époques modernes et contemporaines que j'aurais souhaité plus complètes mais le manque de recul et d'espace a peut-être obligé à une certaine restriction.
L'ouvrage s'achève sur une petite anthologie de textes littéraires divers et variés, présentés sous forme d'abécédaire : une belle façon d'ouvrir la découverte en renvoyant chez les auteurs cités, qui vont de Baudelaire à Catherine Millet, de Boccace à Pierre Louys.

Aussi, je ne peux que vous conseiller chaudement cet ouvrage éclairant qui donne de nombreuses clés quant à la représentation de l'érotisme contemporain et qui rappelle que nos sociétés se fondent sur un érotisme débridé mais aussi sur un puritanisme chrétien dont on retrouve encore aujourd'hui des traces de manière tout à fait inconsciente. Passionnant vous dis-je !
Lien : http://grenieralivres.fr/201..
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J'ai adoré. En passant par toutes les grandes étapes de notre Histoire, l'on découvre l'érotisme, son art, sa littérature, ses investigateurs, ses défenseurs ou ses détracteurs, ses anecdotes et ses différences selon les époques, pays ou spiritualités. On constate les pas en avant suivis de pas en arrière, et qui recommencent ; le poids des religions et de la haute société, et aujourd'hui du capitalisme, qui pèse sur cet art de vivre. La dernière partie est consacrée à une anthologie de l'érotisme en forme d'abécédaire ; des extraits choisis succulents.
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Avec cet ouvrage, on apprendra que l'érotisme n'est pas simplement un voile de mousseline blanche cachant légèrement un sein au beau galbe ou de bons moments à passer à deux ou à plusieurs. On y apprendra toute son histoire en commençant par les hommes préhistoriques et toutes les autres périodes de l'histoire qui suivirent.
On comprendra son emploi dans les différentes cultures mondiales tant du point de vue religieux, social que culturel et surtout artistique par de multiples ajouts d'information.
Ce qui rend cet ouvrage intéressant, c'est qu'il ne s'arrête pas à l'histoire en générale mais se promène allègrement les cheveux au vent sous un soleil printanier dans la petite histoire de l'histoire.
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Le plus dure lorsque l'on décide de retracer l'histoire d'un mouvement artistique ou littéraire, à mon avis, c'est le moment de faire la synthèse de ses recherches...Et pour ça je suis stupéfaite du travail de l'auteur.

Le livre n'est pas un dossier qui accumule bêtement toute les sources que l'auteur a pu trouver mais une sélection minutieuse et parfaitement bien exploitée des oeuvres érotiques qui ont marquées l'humanité depuis l'homo sapiens jusqu'à nos jours.

J'ai beaucoup aimée les découpages effectués et les illustrations qui ne prennent jamais trop de place sur le texte, mais qui sont suffisamment nombreuses et bien réparties pour que l'on puissent visualiser avec beaucoup de réalisme les moeurs de l'époque et la manière dont ses oeuvres ont marquées les civilisations.

Autre point positif, c'est le lien certes évidant, mais plutôt brillant que l'auteur fait entre l'essor de l'érotisme dans la culture de masse et le développement des industries et technologies qui apparaissent au fil du temps, ce qui nous permet de comprendre les moyens utilisés par les artistes pour faire péricliter leur oeuvre malgré la censure.

Enfin bref...L'auteur nous offre un véritable portail sur l'humanité de l'âge de pierre à la société contemporaine, à travers sa plus grande obsession, mais aussi sa plus belle histoire d'amour artistique : l'érotisme.
Lien : http://bookymary.blogspot.fr..
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Citations et extraits (47) Voir plus Ajouter une citation
Soupçonnés d'anthropophagie et des usages les plus étranges, les Indiens d'Amérique et des Caraïbes posent à la chrétienté un problème fondamental : appartiennent-ils à l'humanité ? Ont-ils une âme ? La controverse de Valladolid, en 1550, leur en accorde définitivement le bénéfice mais sans rien changer aux habitudes des colonisateurs, qui persistent à violer par milliers les jeunes Indiennes : une façon comme une autre d'enseigner à ces sauvageonnes que l'amour civilisé ne se pratique pas à quatre pattes, mais exclusivement face à face, dans cette disposition honorable des corps que l'on nommera la "position du missionnaire".

[Éros Renaissant]
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Une tendance profonde à la chasteté s'était déclarée dans le Haut-Empire romain aux Ier et IIe siècles, bien avant la diffusion du christianisme en Occident, avec un cortège de nouveaux interdits : restriction de la vie sexuelle au cadre conjugal, condamnation de l'avortement et du divorce, réprobation des passions amoureuses, de la bisexualité et de l'homosexualité. A ce "puritanisme de la virilité", la secte chrétienne ajoute l'exigence d'une chasteté absolue d'autant plus radicale que la fin du monde est proche : "Que désormais ceux qui ont femme vivent comme s'ils n'en avaient plus" (Paul, I Corinthiens, VII, 29).

[Éros Antique]
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Tandis que les libertines s'amusent entre elles en se passant des hommes, l'âge classique ressuscite l'idée médiévale d'un saphisme luciférien. La chasse aux sorcières qui sévit jusqu'à la fin du XVIIe siècle envoie au bûcher la femme qui réserve ses charmes à ses semblables. Mais le diable commence à faire long feu et, en 1647, la science tranche l'énigme des tribades : le vrai coupable n'est pas Satan, mais le clitoris.

[Éros Classique]
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On revisite l'histoire sainte en sollicitant le texte biblique dans ses figures les plus déviantes (Sodome et Gomorrhe, Loth et ses filles, Joseph et la femme de Putiphar, Bethsabée), tandis que le thème de la jeune tueuse, séductrice et meurtrière, trouve dans les personnages de Judith et de Salomé le motif d'une nouvelle fantasmatique qui prépare la voie de deux mythes modernes : la femme fatale et Lolita.

[Éros Renaissant]
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La beauté a un sexe : celui de la femme. "Elle est le spectacle le plus admirable, la merveille la plus rare et à moins d'être aveugle, chacun avouera que Dieu a rassemblé chez la femme ce que l'Univers possède de plus beau" (H. C. Agrippa, "De la supériorité des femmes", 1509).

[Éros Renaissant]
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