« Ils voulaient en finir avec la prudence, réinventer une forme de grâce qui mettrait le vieux monde à genoux..Ballotés entre désir de liberté et nostalgie du chaos , ils crurent « un instant » au mirage de la radicalité. »
Extrait de ce beau livre bouillonnant , désabusé où l'auteur revisite à sa manière à l'aide d'un style ample, dense , des chapitres courts « La fin de l'ancien monde » , la page qui se tourne lors de la révolte de mai 1968 Lyonnaise ...
Lors d'une grande manifestation , un camion fou , avec Mila , accrochée à la portière , fonce sur les forces de l'ordre et percute le commissaire de police René Lacroix——-le seul mort des événements ——-décès dont les autorités vont naturellement se servir pour ramener le calme ...
Une des héroïnes : Mila s'échappe traquée par Marianne Delecourt , son éternelle rivale , conseillére juridique qui parle de gabegie, de subversion, et de cacophonie .
Elle est chargée par la municipalité de Lyon d'une enquête parallèle sur les émeutes du 25 mai 1968.
Elle est aussi l'amante du maire de Lyon, Louis Pradel , surnommé Zizi - Béton par ses administrés .
En parallèle les derniers leaders de l'OAS viennent d'être graciés par le président de la République .
Ils sortent de prison la tête haute.
Tous les personnages de ce récit bondissant et foisonnant, emporté et sans temps mort ,semblent se fuir eux- mêmes.
Ils s'agitent , s'assemblent sans panache, se ressemblent, s'aiment , s'abolissent, se reconnaissent puis s'annihilent.....
Delphine , étudiante en médecine , laiteuse au grand corps blanc, Mila l'éternelle rebelle , insoumise, Théo , journaliste photographe, Gaspard, Bibi, des personnages hauts en couleur .
Yves Bichet invente un étrange et minuscule appartement où trône , entre deux étages, une baignoire accrochée , propice à tous les fantasmes ....
Août 1970, Michel Raton et Marcel Munch foutraques, , déstructurés et trimardeurs marginaux attendent leur procès en prison dans la marmite du diable, donnant sut le Rhône ...Ce procès soldera l'héritage de mai 1968...
Fumées, barricades, affrontements , militantisme, manifestations , effervescence, pugilats, caches, anarchistes, insouciance rebelle, foule enragée...les mots fusent , et les rebondissements abondent ..., entre tumulte et nostalgie d'un chaos éphémère .
Las, les acteurs déchanteront , retour à l'Ordre, ils pensaient mettre le vieux monde à genoux....reflets des illusions perdues et des utopies éteintes ,.. Cause perdue ? Révolution qui consume ?
C'est un roman dense , rythmé , tourbillonnant, grouillant , traversé de flash - back, adossés à de brusques plongées dans le futur des personnages ....cinématographique aussi...
« —— Ce qui est nouveau, c'est que plus personne n'est effrayé par le sexe.
Pudeur , appréhension, culpabilité , c'est fini tout ça ...Mais pour l'amour rien n'a changé . On en a toujours aussi peur .
C'est aussi bien comme ça . On se contentera des mirages de la révolution et des promesses faisandées de l'amour... »
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“C'est le retour de la loyauté et de l'incandescence, le renfort de la jeunesse, la preuve par le corps. Défier, courir, irradier… (...) Ils manifestent en rigolant, en pleine lumière, insensibles aux soubresauts de ce monde qu'ils abandonnent. Ils sont beaux et sauvages. Ils piaffent, ont envie de tout abolir, de tout embrasser.”
25 mai 1968 à Lyon. Slogans, colère, CRS et lacrymo… Comme partout ailleurs en France, en ce beau mois de mai, la jeunesse lyonnaise s'est enflammée, exubérante, insolente et rieuse, à l'assaut de l'ordre établi, de la République fatiguée et du pouvoir en place. “La révolution est belle, le grand chambardement est en marche”, mais brutalement tout bascule : un commissaire de police écrasé par un camion fou lancé par les manifestants, et voilà le joli mois de mai qui s'endeuille, le drame qui s'invite à la fête et la révolte qui, soudain, a des allures de gueule de bois.
Reprenant les deux personnages de son précédent roman “Indocile” - Mila et Théo - auxquels vient s'adjoindre Delphine pour former le trio de ses “trois enfants du tumulte”, Yves Bichet revient sur les “événements” de mai 68 et mêle la fiction à l'histoire pour revisiter le bouillonnement des derniers jours d'effervescence, les ambiguïtés et les désillusions révolutionnaires, les excès, les saccages, les violences policières, les effrois du pouvoir, la répression et les manipulations politiques, dans un récit qui a les accents d'une épopée moderne.
Roman de la liquidation de mai 68 et surtout roman de l'après, des lendemains désenchantés, des illusions perdues, des émotions qui s'exténuent, de l'amour qui se cherche et qui tangue, et des révolutions manquées qui finiront par se trahir dans l'aveuglement du terrorisme… “Trois enfants du tumulte” est le portrait mélancolique et sombre d'une génération et d'une époque qui croyaient encore aux promesses des idéaux révolutionnaires, aux vertus de la lutte, à la sincérité des engagements. Mais “la révolution part sur la pointe des pieds”. Et c'est la “fin de l'innocence, des heures chaudes et généreuses.” Seules subsisteront la violence et quelques vies manquées, dissoutes dans “la nostalgie du chaos”.
Les personnages sont bien campés, l'écriture est belle, le récit parfaitement documenté et l'analyse sociale et politique intelligente et fine. Je me suis passionnée pour ce roman original et bien construit que j'ai lu d'une traite avec beaucoup d'intérêt et de plaisir. Une réussite.
[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
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Nous sommes en mai 68, le gaz lacrymogène envahit les rues de Lyon , là où Y.Bichet situe son roman.
C'est une époque lointaine, mais la fumée et le tumulte ont un air de « revenez-y » ces derniers samedis.
J'ai suivi sans trop de précipitation les revoltes de jeunes gens , 3 en particulier.Leur besoin d'air, d'amours heureuses, brèves et qu'ils voudraient faciles , voire….
Ce besoin de refaire le monde, l'énergie qu'il faut déployer pour cela, cette belle utopie qui un jour vous claque dans les doigts, 68 quoi.
Lecture agréable certes, mais rien de nouveau.
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Dans son nouveau roman situé en mai 68, Trois Enfants du tumulte, Yves le pacifiste, l’objecteur de conscience, apparaît en filigrane. Et même s’il était encore lycéen ce printemps-là, le romancier veut témoigner de la ferveur et la violence de cette époque, cherchant à faire revivre dans une fiction enthousiasmante la fin d’une certaine innocence.
Lire la critique sur le site : Telerama
La seule victime de Mai-68 est un commissaire de police tué sur un pont à Lyon. Partant de cet épisode, Yves Bichet s'empare avec tendresse de la vie de jeunes gens, militants, amis, amants dans cette chronique mélancolique et sans concession.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
« Que faire ?
Poursuivre la lutte? Continuer à batailler avec la société de consommation?
Lutter contre le pouvoir en place , le fric, la bombe atomique, les ventes d’armes, la guerre du Vietnam ?
Ou alors renoncer, oublier la langue morte du communisme et revenir au quotidien et à la simple compagnie des corps?
Notre révolution sans victime était exemplaire .
Elle est devenue crasseuse en une nuit ... »
Elles ont connu la confusion des peaux qui se frôlent par mégarde, puis se rejoignent sur un coup de tête, sans jamais s’êtres hantées au préalable. Une simple balade. Un agrément. L’émoi n’a guère de place au milieu des bourrasques de mai 68. On se fiche des baisers à venir, des dents qui s’entrechoquent, de la salive échangée pour sceller une quelconque promesse. Il n’y a pas de pacte, pas d’engagement, seulement des parenthèses ou des péripéties.
Peut-être que je m’égare, convoquant un passé et des souvenirs qui ne m’appartiennent pas. Le vent de folie qui souffle sur le pays ébouriffe tout le monde mais ne me libère pas complètement. J’agis, je manifeste, je défile, je jette des pavés, j’escalade des haubans, et n’abandonne jamais mon Instamatic. Cette réserve, ce besoin de tout inscrire sur mes carnets et mes tirages photographiques est ma façon d’affronter le réel.
Bibi contemple le damier où se prélassent les innocents, sonne une deuxième fois du clairon, puis déclare que la vie qui nous attend ressemble à ce damier sans enjeu où les petites gens oublient de s’entraider, où les pièces ont perdu conscience de leur force collective et se combattent plutôt que de s’unir, se capturent, occupent docilement les cases qu’on leur attribue, obéissent aux ordres du patron.
L’amour est un drôle de fusil. Elle y a glissé sa première balle il y a quelques années — une seule balle —, elle a tiré en l’air et oublié de récupérer la douille. Est-elle déjà en train de réarmer ?
Et si la poésie était dans le geste, dans le travail des mains, que celui-ci serve à élaborer un poème, ou pour constituer n'importe quel autre objet ?
Les deux poètes Christophe Claro et Yves Bichet expliquent au micro d'Olivia Gesbert ce qui fait selon eux l'essence de la poésie.
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