When I Was a German

LORSQUE J'ÉTAIS ALLEMANDE

Christabel Mary Burton, naquit à Londres en 1909 de parents anglo-irlandais. Son oncle était le vicomte Northcliffe (1865-1922), pionnier du journalisme populaire outre-Manche avec sa fondation de journaux comme "The Daily Mirror" et "Daily Mail".
Au lieu d'aller étudier à Oxford, comme prévu, elle se décida pour des cours de musique en Allemagne, où elle fit la connaissance de Peter Bielenberg (1911-2001), un étudiant en droit d'Hambourg, qui allait devenir son mari, en 1934.

C'est-à-dire un an après qu'Adolf Hitler était devenu chancelier. Initialement le jeune couple envisagea d'émigrer en Irlande, mais un bon ami, le noble diplomate antinazi Adam von Trott zu Solz (1909-1944) réussit à les convaincre de rester en Allemagne pour aider la résistance contre le Führer et être disponible pour la relève après la disparition du petit caporal autrichien. Cet Adam sera impliqué dans l'attentat contre Hitler du comte Claus von Stauffenberg du 20 juillet 1944, et pendu en août de la même année, à l'âge de 35 ans. C'est également sur sa suggestion que les Bielenberg déménagèrent d'Hambourg à Berlin, où Peter assuma une fonction au ministère des affaires économiques.

De son expérience personnelle dans le paradis racial nazi, Christabel a publié en 1968 "The Past is Myself", paru aux États-Unis sous le titre "When I Was a German", par l'université de Nebraska. En 1992, a suivi son "The Road Ahead" (la route devant).
De ce témoignage, la télévision britannique (BBC) a réalisé une télé-série en 5 épisodes, en 1988, avec Elizabeth Hurley (l'ex de Hugh Grant) dans le rôle de Christabel Bielenberg.

Après la guerre, le couple Bielenberg et leurs 3 fils, Nicholas, John and Christopher, s'installèrent â Tullow en Irlande, où ils exploitèrent un domaine agricole avec succès. Christabel y est décédée en 2003, à l'âge de 94 ans.

L'intérêt de l'ouvrage est évident : comment une jeune Anglaise intelligente et de bonne famille, aimant profondément son mari allemand, ait ressenti et vécu ce glissement progressif dans l'horreur d'un régime diabolique !

Au départ, c'étaient les incidents violents dans la rue et surtout l'absence de réactions du public, même dans leur ville hanséatique d'Hambourg, (où pourtant Prussiens et Bavarois étaient peu appréciés) qui ont alarmé le couple Bielenberg, qui ont commencé sérieusement à craindre le pire pour leur pays. Puis, il y a des signes qui affectent directement Christabel, tel le pédiatre de ses enfants, qui, comme juif est obligé de passer son petit hôpital à un toubib allemand d'abord et de s'enfuir aux Pays-Bas ensuite. La peur qui s'installe chez les non nazis, exacerbé par une délation quasi généralisée. le 3ème Reich commença à ressembler à une gigantesque prison où régnait la méfiance. Les amis étaient triés sur le volet à qui on osait faire part de ses appréhensions et craintes.

Si certains avaient pensé que Herr Hitler ne tiendra pas longtemps, l'occupation des Sudètes en Tchécoslovaque, puis la mainmise nazie sur ce pays, l'annexion de l'Autriche, puis la victoire en Pologne et la drôle de guerre ne faisaient qu'accroire la popularité du dictateur. Pour une minorité d'Allemands comme Adam von Trott zu Solz l'unique solution passerait par une élimination d'Hitler lui-même. Dans le petit cercle d'amis des Bielenberg on espérait que le haut commandement de l'armée allait s'occuper de cette besogne.

En compagnie de Christabel nous vivons les réactions des Allemands de son entourage aux différents épisodes de guerre agressive d'Hitler à l'ouest, nord et sud et finalement à l'est de notre continent. L'enthousiasme populaire fait, à partir du tournant - la défaite allemande à Stalingrad en février 1943 - place à des sentiments de grande lassitude et fatalité, sans oublier un vague espoir dans l'arme merveilleuse que le grand chef leur a promise (la "WuWa" court pour "Wunder Waffe", comme de Berlinois cyniques ont rebaptisé cette arme miraculeuse) Sentiments renforcés par le manque de nourriture et les bombardements alliés. Ce sont ces 2 facteurs qui décident Christabel à fuir Berlin et à s'installer avec ses 3 bambins à Rohrbach, en Forêt Noire, dans des conditions primitives.

Un chapitre crucial dans son oeuvre est constitué par les retombées de l'attentat manqué sur le Führer, puisque plusieurs amis "disparaissent" et que Peter est arrêté, en aout 1944, et envoyé au camp de concentration de Ravensbrück. L'entretien que Christabel a avec le premier interrogateur de son mari, le "Kriminalrat" ou commissaire Lange, une brute épaisse caricaturale, à sa demande à Berlin, est une perle de fine psychologie, bien que fort risquée pour elle. Une initiative périlleuse, mais gagnante, car en février 1945 Lange signe les papiers de libération de son mari adoré.

J'ai trouvé ce témoignage par une femme lucide et dynamique, étrangère mais parfaitement immergée dans la réalité allemande de ses 12 longues années de dictature nazie, particulièrement enrichissant. Christabel Bielenberg s'exprime de façon directe, claire et sans fioritures, qui font de son ouvrage un document historique et humain remarquable.