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EAN : 9782330118617
254 pages
Actes Sud (06/03/2019)
3.97/5   19 notes
Résumé :
Récit d’un empoisonnement, La malchimie témoigne de l’affection d’une sœur ayant perdu son frère, ouvrier agricole mort de la nocivité des produits phytosanitaires qu’il a manipulés pendant des décennies sans protection, autant que de l’urgence à combattre le tout-chimique. Un récit emporté par la force incandescente d’une romancière qui a su bâtir de livre en livre un univers rare et complexe.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Gisèle Bienne a un lien invisible avec mon existence, un passé lointain familiale, un village, qui nous soude inconsciemment. Ce village, son école, les champs, les chemins blancs, les étangs, « les grandes herbes », ses habitants, les fermes et cette nature éclaboussent les souvenirs de ma mère, de sa soeur, ma tante amie de Gisèle Bienne.
J'ai lu Marie Salope son premier roman, scandalisant le puritanisme malsain de certaines personnes de ce village, sa suite des années plus tard La brulure, m'ouvrant des portes vers une enfance de ce petite bourg perdu, non ce village berçant ma toute petite jeunesse.
Ma tante me parle de son tout dernier livre, La malchimie, je fonce dans ma librairie indépendante pur me l'offrir et le lire cette auteure si proche et si lointaine, n'ayant que ses romans comme monologue.
Je sors groggy de cette lecture, je suis apathique, mon corps figé par l'émotion, un feu latent embrase lentement ma chair, deux sentiments s'animent en moi, la colère et la tristesse, une dualité explosive, une ambiguïté sourde, Gisèle Bienne a su prendre mes émotions en otage, son écriture cristallise pleinement les humeurs nous habitant, pour les affuter à leur sensibilité extrêmes.
La malchimie traite d'un sujet sensible actuel, passé et futur, les enjeux sont vitaux, d'un côté l'argent, l'économie, la société de consommation et de l'autre moins important l'humanisme, la vie de notre planète, c'est triste d'avoir ce constat. Les pesticides sont une maladie infectieuse de notre planète, rendement, nocivité, mensonge, grands groupes industriels intouchables, par cette manne financière contrôlant une justice fragile, des nations vénales et devant des machines à génocide. Nous pouvons avoir deux lectures de ce roman autobiographique, le lien familiale immuable et comme le tire, la malchimie.
Je ne vais pas analyser ce côté indigeste de cette mascarade humaine si absurde, Monsanto, Bayer et ces autres industries, résumé dans cette tirade d'un des personnages du roman, une jeune femme visitant son mari, travaillant dans l'agriculture, rencontrant notre principale personnage.
« Ces firmes sont des ogres qui nous bouffent autant qu'ils nous mentent. Monsanto c'est le mensonge américain dans toute son arrogance. »
Et un plaidoyer fort, toujours de cette jeune femme en colère et en résume pas cette formule glaçante.
« Monsanto Méphisto, Bayer l'enfer »
Gisèle Bienne parle de son frère avec une affection indéfectible, au-delà de son existence, un sentiment éternel, comme Spinoza le définit, c'est un moment figeant le temps, le faisant durer, comme un arrêt sur image pour le faire perdurer encore et encore. Gisèle Bienne aspire ce temps, pour l'étirer sans fin pour faire revivre son frère et ne l'oublie pas.
Il y a un jeu de miroir, un écho littéraire avec la maladie de ce frère et ce roman débuté peu, un lien unit soudain ce mourant Sylvain et cette héroïne Susan Sontag, raconté par son fils David Rieff dans cet ouvrage au tire glaçant Mort d'un inconsolée, prémonitoire à son frère. Dès les premiers pages de ce roman Gisèle Bienne est conquise par ce roman, et le destin comme par une magie noire frappe par ce coup de téléphone reçut, pour annoncer la maladie de Sylvain, hospitalisé à Reims, dans le même que leur mère quelques années dans le passé, pour y mourir à cet Hôpital-Debré, encore un signe sombre au destin de ce malade.
Depuis le début de ma critique, j'associe beaucoup l'héroïne et Gisèle Bienne, comme le récit d'un l'une raconté par l'autre sous les traits de l'autre, celle-ci prend les traits de cette soeur venant chaque jours visiter son frère à l'hôpital, en faisant des petites rencontres, des intermèdes de vies. Gisèle Bienne raconte son frère, à travers cette héroïne, elle traverse le temps pour faire revivre ce passé commun, cette enfance les unifiant à vie l'un à l'autre avec petit village, gardien d'une enfance partagée. La vie laisse ce passé de côté, comme ce frère aussi sur un banc lointain qu'elle n'oublie pas mais délaisse par une existence à s'épanouir des autres, de son club de lecture, et de son futur voyage en Chine, entre autre, une existence en mouvement, la vie est éphémère, explosive, rapide, se détournant d'un passé puissant, d'une amnésie partielle et cruelle. de rencontre en rencontre, Gisèle Bienne tel un fantôme, va vivre neuf mois avec son frère malade, venant le visiter à l'hôpital, lui apportant douceur et friandise, surtout sa présence, et ses images du passé, brillant le regard de son frère.
« Des images qui s'entrelacent, s'effacent, chassés, remplacées par d'autres. Son cerveau est une usine à images. »
De ces visites, son frère demandant pourquoi ces visites, de cette réponse si pragmatique et naturelle.
« Je viens parce que je viens. »
Beaucoup de passages ont éclairés mon plaisir de lecture de diverses manières, le plaidoyer contre ces industriels de pesticides de la jeune femme de Laon, son mari a un Lymphome, le roman l'Astragale, l'ayant lu aussi, la métaphore sublime sur les champs et les personnes, le cri puissant de Sylvain, sur son lit d'hôpital avec sa soeur, contre Monsanto, le beau passage où sous les mots de la soeur du malade explique son écriture et le sentiment qui l'accompagne , surprenant, voir déroutant, cette lettre au médecin, fictive car mise en boule puis mis à la poubelle, une demande de grâce, de sursit, l'annonce de son médecin, de la fin de son traitement, sans vie , sans humanité, d'une brutalité sauvage et froide, tel un bourreau venant le tuer avant de mourir, et autre aphorismes diamantant ce roman d'émotions diverses.
Le lien fort que Gisèle Bienne tisse avec son frère est éternel, je le redis encore une fois, mais c'est la force de ce roman, les images remplissant le cerveau de Sylvain, les mots pour sa soeur, l'un paysan empoisonné par des marchands de mort, l'une écrivaine, puisant son écriture dans la vérité de soi, une sincérité émotionnelle dérangeante mais tellement réelle au-delà du roman, une écriture humaine.
Merci Gisèle Bienne d'avoir écrit ce roman, d'avoir réussi à proser le fond de vote âme pour nous l'offrir le temps d'une lecture, d'avoir aimé ce frère, devenu à jamais réel dans le coeur de vos lecteur, d'une littérature que vous oeuvrez depuis toute jeune, Marie Salope, votre premier roman, d'avoir dénoncé ce monde cruel qui tue sans relâche des agriculteurs des habitants à proximités de ces champs gorgés de produits phytos,
« Les céréaliers de la plaine sont addicts aux produits phytos. Les produits phytos, c'est la drogue des champs. »
Son frère tué par ces produits, ayant toutes sa vie de ses mains tenues des outils, aidé les gens, travaillé sans relâche, asservi par une société consommatrice meurtrière et vénale, cet homme humble, père de famille, la main toujours prête pour serrer, tourner, arracher, planter, caresser…Un regard fort et doux, aimé du service du personnel de l'hôpital.
Ces mots sont des larmes d'affection d'une soeur pour son petit frère.
Merci.
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Il m'arrive au gré des lectures de m'orienter par phase, par thématique,

par espace,

curiosité concentrique,

je reviens de temps à autre sur du local, La malchimie par Bienne

du patrimoine,

Ici, le format atypique m'a plu,

tout en longueur,

la couverture, le titre..une certaine audace,

du sombre de l'orageux à venir,

« le ciel a viré au bleu marine avec à l'ouest des trainées jaune orangé. » p.23 et ce blé pourtant si lumineux…

de bon augure, et premier contact avec cette auteure.Lé récit d'un amour inconditionnel à la terre,

et d'un désenchantement :Le goût de la terre, du terroir, maculée par les engrais, les poisons DIVERS, « la terre absorbe tout cela »,

les trahisons des grandes firmes et les empreintes laissées par la maladie,

une infamie,

une « malchimie ». Une lecture au gré des sillons, des récoltes et des ravages, un récit fulgurant sur le rapport à l'agriculture, une question de mesure.
Lien : https://lecturesindelebiles...
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Un récit, un document, un roman Gisele Bienne invente une forme de littérature et c'est magnifique. Gisele Bienne pleure son frère paysan mort empoisonné par Bayer-Monsanto et l'accompagne jour après jour. Elle se souvient, exprime son amour pour son frère, sa colère, sa rage et l'horreur vécue.
A lire et pour moi le meilleur roman lu cette année.
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Excellent petit récit traitant des dégâts sanitaires des intrants chimiques agricoles sur nos organisme:fin d'un agriculteur,piégé par les multinationales qui lui ont vantées les charmes des pesticides et autres le rendant esclave de la productivité à outrance;précis,percutant,sans excès,émouvant
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La narratrice ne se nomme pas Gisèle, mais elle est le calque de l'auteur, et il est annoncé 'récit'. Dès l'entrée, il sera évoqué Mort d'une inconsolée, Les derniers jours de Susan Sontag, écrit par son fils David Rieff. Susan Sontag est décédée d'une leucémie. Ce livre accompagnera la narration, cela finement entrelacé.

La nouvelle vient de tomber, le frère de Gabrielle (oui, je crois, Gabrielle-Gisèle) est atteint d'une leucémie. Traitements lourds, visites à l'hôpital dans divers services, s'y rendant par le tramway où elle lie sympathie avec un monsieur, continuation de travaux d'écriture, voilà désormais le quotidien de la soeur. Espoir, espoir. Sylvain et sa soeur sont fils d'agriculteurs, à l'ancienne, mais Sylvain a dû devenir ouvrier agricole, traitant les récoltes sans protection. On traite, oui. Dans cette histoire les coupables ont un nom, Monsanto Bayer, mais les accuser, c'est le pot de terre contre le pot de fer...

Gisèle Bienne, que je découvre, sait vraiment bien écrire. Une enquête sur les méfaits de certains produits, une plongée dans les services d'un hôpital, une évocation de beaux souvenirs d'enfance d'un frère et d'une soeur proches par l'âge. Sans pathos, sans violons, sans colère, mais d'une grande sensibilité et efficacité.
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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critiques presse (2)
Liberation
01 avril 2019
Le récit tout entier - fier récit, intelligent, pensé - est organisé de telle sorte qu’on ne perçoive pas d’emblée le lien qu’il convient d’établir entre l’écrasante puissance des grandes firmes de l’agroalimentaire et les conditions de l’écriture, la résistance apparemment dérisoire qui consiste à se pencher sur des drames personnels comme sur de menues existences afin de les détailler.
Lire la critique sur le site : Liberation
LaLibreBelgique
29 mars 2019
Cri de révolte contre la chimie qui sème le mal : Gisèle Bienne dénonce les promesses trompeuses qui ont tué son frère agriculteur.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
J’ai dix ans, mon avenir est avec Sylvain. Une petite ferme avec des chevaux, des journées entières auprès des bêtes dans un périmètre bien circonscrit qui nous semble illimité, un potager pour lui, un jardin d’agrément pour moi, des arbres,des fleurs, et des soirées à peaufiner des projets. p21″

(…) J’ai vingt ans, ce n’est pas un rêve. Sylvain et moi traçons notre sillon de chaque côté d’une ligne de démarcation qui s’est creuse malgré nous. Je suis étudiante, il conduit le tracteur des son patron, laboure,ensemence,moissonne les champs de son patron et les traite. »Traiter, il a commencé jeune. On traite contre les maladies, pour les rendements, la propreté, curative, et intensive parfois. »p.22
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On vit son cancer en solitaire. Je me rassieds, les gants sur les genoux, on ne voit que mes yeux. Nos regards se croisent dans la glace et c’est dans la glace qu’elle me parle. Ils habitent en ville, son mari se rendait chaque matin à la ferme en voiture. Il termine la chimio d’induction, son échec compromettrait la suite. Sauf accident, on passera ensuite à la chimio de consolidation et, s’il en était besoin, on lui fera une greffe de moelle osseuse. Pour mon frère, ce devrait être le même parcours.
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La mort était l’épouvante absolue. Ne plus être rien quand chaque instant était tout, y songer déclenchait chez elle un refus total et une immense panique. Chaque jour lui réservait de passionnantes découvertes, comportait d’intenses promesses de vie. Son appétit de durer était insatiable. Vivre était agir, était transmettre, était lire, écrire, était jouir de sa propre intelligence et de celle des autres, vivre était inscrire une trace. Aller de l’avant, n’avoir jamais à quitter ce monde, beau, laid, morose,surprenant...
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Si tu ne t’imposes pas, on te marche dessus. Ces gens qui vous écrasaient d’une parole, d’un regard, qui vous passaient devant, il leur lançait une boutade puis, ironique : “Riez, riez donc, vous n’êtes pas mort.” Tenir ses engagements était sa morale, se défendre par la riposte sa méthode, plaisanter son chant de ralliement et il ralliait du monde autour de lui, il possédait ce magnétisme.
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Ces industriels sèment le mal et le mal en impose. Ils peuvent tout acheter, experts, avocats, politiques. Chez eux, ça fonctionne en vase clos, c’est “Secret-défense”. Elle me livre sa formule : “Monsanto Méphisto, Bayer l’enfer” et m’apprend qu’en Inde, en Chine et même en Amérique latine, on se suicide parfois aux pesticides.
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Videos de Gisèle Bienne (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gisèle Bienne
Dans ses "Récits de la Kolyma", un recueil de nouvelles écrites après sa libération, l'écrivain russe Varlam Chalamov témoigne de l'enfer des goulags staliniens, auquel il a survécu après une vingtaine d'années de pénitence. L'histoire de Varlam Chalamov a été source d'inspiration pour Gisèle Bienne et Michaël Prazan, invités de Nicolas Herbeaux pour transmettre ce témoignage marquant et essentiel.
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