"An occurrence at Owl Creek" ou "Ce qui passa sur le pont d'Owl Creek" est une nouvelle de l'écrivain américain
Ambrose Bierce, célèbre pour son goût du fantastique et son maniement de l'ironie, qui a été publiée en 1890.
Marqué par la Guerre de Sécession à laquelle il participa dès l'âge de 19 ans, ce fut un sujet très présent dans ses oeuvres car il assista à des massacres.
L'absurdité de la mort est le thème de cette nouvelle, bien qu'il ne soit pas traité de façon tragique - grâce au ressort de l'ironie.
L'histoire se résume en quelques mots: durant la Guerre de Sécession, que les Américains appellent "Civil War",Peyton Farquhar, un homme de 35 ans environ, va être pendu, sans que le lecteur ne connaisse le motif de cette sentence. Il se tient sur le pont d'Owl Creek, la corde autour du cou. L'action qui, dans la réalité, ne dure que quelques secondes, va en fait dans le texte durer beaucoup plus longtemps. C'est très onirique. Qui n'a jamais éprouvé cette sensation que le rêve qu'il ou elle faisait durait de longues minutes voire plus alors que la durée d'un rêve n'excède généralement pas quelques secondes, le cerveau fonctionnant au ralenti.
Il n'y a pas d'autre action réelle que cette pendaison mais le lecteur pénètre l'esprit de Peyton et suit le flot de ses pensées et émotions tel un monologue intérieur mais raconté à la troisième personne et entrecoupé de quelques passages de discours direct.
Ce qui occupe son esprit, c'est l'éventualité d'échapper à la mort qui semble pourtant inéluctable. le monde intérieur du personnage s'oppose donc à la réalité extérieure et va même jusqu'à son déni. Pour mieux y faire face, sûrement.
Nous voyons ici la capacité de l'esprit de s'évader de la réalité.
Deux éléments m'ont plu dans le condensé efficace que nous offre cette nouvelle et sa modernité pour un texte qui date de plus de 150 ans.
Je qualifierai cette oeuvre de belle et vraie littérature: les descriptions des personnages et du décor sont superbes, très photographiques.
Le découpage du texte est très moderne: le récit va s'interrompre à un moment intense pour passer par exemple à un flash-back au chapître suivant, comme dans ces feuilletons dont les épisodes s'arrêtent juste au moment crucial, fort émotionnellement, créant chez le lecteur/spectateur à la fois de la frustration et le désir de connaître la suite.
Le lecteur s'interroge sur le dénouement possible. Et la fin est surprenante, inattendue, ce qui est également très moderne.
L'autre élément majeur est la puissance évocatrice de ce texte sur le plan visuel. J'ai mentionné plus haut l'aspect photographique des descriptions. En effet, on imagine aisément qu'il puisse en être tiré un film, ce qu'a fait Robert Enrico en 1962: il en a tiré un court-métrage au titre différent "La rivière du hibou", ce qui se conçoit. En effet, la rivière d'Owl Creek joue un rôle important. D'une part, le courant de la conscience du condamné s'écoule comme la rivière sous le pont. D'autre part, la rivière va jouer un autre rôle que je ne peux dévoiler ici sans gâter le plaisir du futur lecteur de ce texte.
Après avoir lu une première fois cette nouvelle en V.O., j'ai tenté une expérience inédite pour moi: j'ai téléchargé le livre audio (gratuit), lu par
Vincent de l'Epine, ce qui a accentué la puissance du monologue intérieur du personnage. une expérience à renouveler et que je vous encourage à partager.