Une jeunesse en Engadine

L'Engadine. Au fin fond du lointain et indomptable canton des Grisons, une vallée reculée, parmi les derniers bastions de la vie traditionnelle des montagnards et de la langue romanche… Cette langue, qui ne compte plus que quelques dizaines de milliers de locuteurs, cette langue à l'agonie et semblant promise à disparaitre, et bien elle a une littérature. Oh, pas très importante numériquement, mais comme on dit c'est la qualité qui compte. Et il faut croire qu'elle était suffisante, puisque leurs compatriotes francophones l'ont traduite ; ce qui nous permet d'en profiter.

Ecoutons donc Cla Biert nous raconter sa jeunesse dans sa chère vallée. A la première personne la plupart du temps, à la troisième dans les moments durs. Au premiers temps il y a les jouets et les jeux, les peurs et les bêtises. En grandissant, viennent les premières responsabilités. Balayer l'écurie, aider aux foins… Les petits drames, les petits évènements.

C'est le rapport au père surtout, qui domine l'ouvrage. Son père l'aime, c'est un homme bon. Mais les dettes s'accumulant, les mauvaises récoltes, pèsent sur son esprit et le poussent dans l'alcool. le visage aimé se transforme en masque de rage, les coups pleuvent. Mais le gamin a du caractère. Mais l'homme a son intelligence, qui lui revient quand passe la colère. Mais le lien entre eux et profond…

Là-dessus se greffe un lyrisme des montagnes, et l'imagination fantasque de Cla Biert. Les fenêtres des maisons discutent entre elles. La courbe de la route devient une faux noire. le soleil couchant plonge dans les mélèzes. le village est en paix. Pour combien de temps ?

Venez dont. Qui sait combien de temps on parlera encore romanche en Engadine, combien de temps avant que les résidences secondaires aux murs de faux bois aient remplacé les fermes, et avalé prairies et forêts ? L'auteur est mort, il n'aura pas vu cela, et c'est mieux ainsi. Et quand cela viendra, il restera encore ce petit livre aussi plein de sagesse que de rêve, et de douceur que de dureté.