Marrant, je croyais connaître
Michael Moorcock mais ce hors série de Bifrost m'a convaincu du contraire.
De fait, je n'ai lu de lui que certains cycles de fantasy intégrés à son multivers (Elric, Hawkmoon, Erekosë), et même si chacun de ces héros a quelque chose d'original, une certaine complexité (surtout Elric), cela se lit facilement au premier degré. On y retrouve souvent ces héros en chemin vers un objectif – souvent un objet – et affrontant au passage des monstres affreux mais moyennement dangereux. Bref, malgré le côté impressionnant de son multivers et de son Champion Éternel aux multiples incarnations, je ne le voyais pas vraiment comme un auteur à message.
Ce magazine m'a totalement fait changer d'avis. En premier lieu l'article de
John Clute retraçant sa biographie et ses oeuvres principales, mais surtout le long article de
Moorcock lui-même décrivant sa carrière d'éditeur du magazine New Worlds.
Moorcock fait partie d'un petit groupe d'auteurs qui désire écrire de l'Imaginaire différemment, en réaction à ce que les pulps bang bang ah ! ah ! je vais conquérir le monde a à offrir. Et New Worlds leur offre une tribune. On retrouve dans ce groupe des auteurs comme
J. G. Ballard,
John Brunner ou Thomas Disch. Ce ne sont pas les auteurs les plus gais du panthéon des écrivains, mais il est vrai que leurs voix apportent un contrepoint qui n'existait pas vraiment auparavant.
Bon, maintenant faut bien avouer que je ne suis pas un fan absolu de ce que ces auteurs ont à offrir. du coup je me demande si j'aimerais le
Moorcock que je découvre. le guide de lecture me confirme que cela risque de ne pas être le cas. Oserais-je lire du von Bek ou du
Jerry Cornelius ? Aimerais-je les Danseurs de la fin des temps ou
Mother London ? Je doute.
Cependant le pack de nouvelles et novellas proposées m'a plu. Bon, ce n'est pas le cas de la première – Un plus grand conquérant – qui, bien qu'elle montre une fantasy proche des classiques moorcockiens à la sauce Alexandre le Grand, est trop superficielle, manichéenne et « simplement tueuse de monstres » à mon goût. « La bête d'amour » propose une fin du monde très originale, ironique et quelque part, drôle. « Mars » est décrite en préface comme une Chronique martienne revue et corrigée par
Leigh Brackett et
J. G. Ballard, et je ne saurais dire mieux. Quant à l'intrusion dans le mythe du Graal de la nouvelle « Les oiseaux lunaires », elle parvient en peu de pages à montrer une histoire merveilleuse et tragique vécue par un homme à la personnalité touchante et pathétique (et l'idée de passages entre univers est là aussi, on ne se refait pas).
Je vous l'avoue, à la lecture du dossier je me disais que je n'étais pas dans le mood pour attaquer du
Moorcock alors que j'en avais l'intention. Les nouvelles, et le temps passant, ont effacé ce sentiment. le cycle de
Corum sera donc l'un de mes cycles de 2022.