Une demi-critique pour une demi-lecture.
De ce numéro de Bifrost hors-série – donc privé des rubriques habituelles de critiques de livres récents – je n'ai lu que la partie dossier consacré au grand
Jack Vance.
Les deux premiers articles aident à mieux connaître l'homme derrière la plume. le premier est un mélange d'entretien et de chronologie, le second une esquisse d'autobiographie (les propres termes de l'auteur). On découvre un homme assez solitaire dans son enfance, et qui jamais ne courra les conventions, un homme à l'expérience de vie très large, qui a pratiqué une variété de métiers plutôt impressionnante, un homme plutôt conservateur dans ses idées sans être excessif, proche de
Poul Anderson et de
Frank Herbert.
Après un court papier focalisé sur les romans policiers de Vance, l'article suivant est une sorte de panégyrique, d'hymne de fan écrit par le célèbre et éclectique
Dan Simmons. Je n'ai pas été emporté plus que ça. Il faut dire de Simmons insiste beaucoup sur la grande originalité et profondeur de deux romans que je trouve moyen : le Maître des Dragons et
Les Langages de Pao. Un passage m'a tout de même interpelé, consacré aux femmes chez Vance :
« Il y a de notables exceptions, mais les femmes de fiction, chez Vance, sont, dans mon souvenir, plutôt calquées sur le modèle de Phadée, la ménestrelle des Maîtres des Dragons, ou de Gitan Netsko, l'esclave et la partenaire amoureuse de Béran dans
Les Langages de Pao : des fleurs délicates. Elles sont souvent les personnages les plus « avisés » de ses récits, mais, hélas, avisés surtout de leur impuissance face au destin et à la domination masculine. »
Et plus loin lorsque Simmons décrit l'archétype du héros vancien :
« … je suggérerai que, même en crétins insensibles, Joaz Banbeck (Dragons) et Béran Panasper (Pao) font des modèles fascinants pour les jeunes lecteurs mâles. Ils ne sont jamais vantards ou voyous, idiots ou crâneurs, tyranniques ou incompétents (contrairement à la plupart des mâles américains adolescents). »
Ces deux descriptions sont à mon avis un brin complaisantes. Je considère que la caractérisation des personnages est le point faible de
Jack Vance. Mais cela ne m'a jamais profondément gêné car il compense toujours par des créations de mondes et de sociétés hors pair, et c'est cela que je viens chercher chez lui, du moins dans les romans de sa « période classique ».
Car, Jack le dit lui-même dans son autobiographie, c'est à partir de 1956 et de son roman La Vie Éternelle qu'il adopte « sa manière habituelle ». Auparavant son écriture était plus standard, plus pulps, peut-être plus légère et humoristique (quoique Cugel, dans la période classique, accepte bien ces deux qualificatifs) mais pas moins agréable à lire selon moi. On trouve dans cette première période des romans comme
Les Vandales du Vide,
Les Cinq Rubans d'Or ou les aventures de Magnus Ridolph.
Le dernier papier est un guide de lecture sélectif dont les choix sont bien vus, hormis qu'aucun roman de la première période n'y est suggéré, et c'est dommage.
Et donc, je n'ai pas lu les cinq nouvelles qui représentent plus de la moitié du magazine. La raison en est que les éditions le Bélial' – qui éditent aussi Bifrost – ont annoncé sur leur site qu'elles préparent « l'intégrale des nouvelles (hors cycles) de maître
Jack Vance, à savoir 61 nouvelles et novellas » et que les nouvelles du présent numéro y seront intégrées. Quand cela paraîtra-t-il ? Mystère…
Comme je me jetterai certainement sur cette intégrale, je lirai les nouvelles à ce moment-là.