Depuis ma découverte du Château des Trompe-L'oeil, je cherche à retrouver chez l'auteur l'enchantement que j'avais éprouvé à ce moment-là. Et si je rejoins mon co-lecteur, Steven, pour dire que l'auteur n'a pas son pareil pour vulgariser des moments historiques complexes et riches, je reste un peu sur ma faim pour ma part, ne retrouvant pas cet enchantement. Dans
Les premiers de leur siècle et encore plus ici dans
le Bouffon de la Montagne, j'ai vraiment l'impression d'un cadre historique à la fois timide et fort présent qui a empêché quelque chose d'éclore en moi, alors qu'à l'inverse moins important dans un premier dans
le Château des Trompe-L'oeil, il avait réussi à me surprendre et m'emporter.
Cependant, ce sont mes attentes à moi qui font de cette lecture, une lecture en deçà de ce que j'aurais souhaité et non les qualités d'écriture de l'auteur, qui elles sont bien réelles. En effet,
Christophe Bigot réussit ici l'exploit de nous faire apprécier de suivre les aventures d'un citoyen français des plus antipathiques au cour de moment foisonnant de notre histoire qu'est la Révolution. Laurent Lecointre, négociant prospère, est de ces hommes égoïstes qui ne voit dans ces années-là que l'occasion de faire sa richesse, et ce n'est pas sans grincer des dents que nous allons suivre aussi bien son ascension que sa chute.
C'est clairement la trajectoire de cet homme qui a fait tout le sel de ma lecture. le prenant rapidement en grippe, c'est la perspective de le voir chuter qui me donnait envie de tourner les pages. Avec des convictions aussi changeantes et facilement influençables, une manière de jouer les chef de famille plus qu'arbitraire, et un sens des affaires pas des plus reluisants, cet homme n'avait rien pour lui, si ce n'est le désir de le voir payer un peu pour tout cela et surtout d'être le témoin de cette grande histoire.
Pour qui est amateur de la période mais pas fin connaisseur, il y a un vrai plaisir à revivre celle-ci à marche forcée à travers les aventures de notre héros. Nul doute que l'auteur, qui s'est beaucoup documenté et qui explique d'ailleurs sa démarche d'écriture dans une postface fort intéressante, a su faire revivre cette époque. Étant moi-même une férue des ces années-là, j'ai à plusieurs reprise retrouvé en lisant ses pages des scènes clés que j'avais vu représentées sur des gravures, dans des tableaux, ou que j'avais lues dans des mémoires ou essais d'historiens de la période. C'était très juste et surtout très vivant.
Mais en même temps, adorant la période, en choisissant ce livre j'avais envie d'avoir un décor révolutionnaire plus riche. Et si l'auteur cite de nombreux grands personnages (Marat,
Robespierre, Charlotte Corday,
Beaumarchais, Desmoulins, David, La Reine...), de nombreux grands événements (la nuit du 4 août, la marche des femmes à Versailles, la parution de l'Ami du Peuple, l'ascension de
Robespierre, la chute des Girondins, la fête de l'Être suprême, la fuite à Varennes, les procès du Roi et de la Reine...), tout cela s'accumule un peu et rien n'est vraiment développé, ce qui fait que j'ai eu l'impression de passer un peu à côté et de ne pas vraiment vivre ces événements riches en fougue et bouleversements.
Plutôt que de nous conter la grande histoire, il a choisi de nous montrer comme un révolutionnaire vivait celle-ci depuis sa petite vie à lui. Un choix louable mais pas celui que j'aurais souhaité personnellement. J'avais envie de plus d'aventure, plus de feu, plus de sang, plus de fougue. Suivre les magouilles et tribulations de notre héros n'a donc pas satisfait mes désirs, même si je reconnais que c'est bien écrit et que ce pas de côté est intéressant également pour voir que certains événements n'ont pas forcément le retentissement qu'on leur prête sur ceux ayant vécu ces moments.
Après deux autres romans de
Christophe Bigot se déroulant à nouveau dans des cadres historiques forts, je ne peux que continuer à dire que mon coeur penche plus pour le premier que j'ai découvert :
le Château des Trompe-L'oeil,
Les premiers de leur siècle tout comme
le Bouffon de la Montagne, ici, sont des textes intéressants mais plus classiques qui m'emportent moins. Cependant, suivre le portrait de cet anti-héros détestable fut vraiment savoureux et le choix du pas de côté de l'auteur par rapport à ce qu'on attend d'une fiction révolutionnaire fut audacieux. L'auteur sait affirmer un style propre !
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