Chaque mois de mars, Mamaya tombe malade : le mois de la naissance de son premier né. C'était il y a bien quarante cinq ans. Mais ce fils, l'ainé de ses sept enfants, lui a été enlevé, est enfermé quelque part dans une prison au fin fond du désert, pour le seul crime d'avoir voulu aider les autres. Comme tant d'autres mères, elle ne reçoit aucune nouvelle, ne saura jamais s'il est mort ou vivant.
Mamaya est bien vielle et d'autant plus affaiblie qu'elle a subit il y a quelques mois l'ablation d'un sein. Uniquement entourée de sa vielle servante, de son chat et du médecin qui la suit depuis des années, elle va décider un étrange voyage, en ce mois anniversaire, guidée par une seule idée : "Ils m'ont volé sa vie, mais je vais les empêcher de me voler sa mort !" Ce sont des funérailles d'un beau symbolisme que Mamaya va offrir à ce fils, peut-être les plus belles qui soient ; et dans cette terre familiale il reposera avec comme linceul le drapeau de son pays.
Un peu plus de cent pages pour raconter la vie de cette femme et de sa mère, femmes aussi fortes et aimantes l'une que l'autre. L'occasion pour
Mahi Binebine de nous raconter de fabuleuses et chaleureuses histoires de ce "petit" peuple du Maroc profond. Toujours cette tendresse et ce respect et cet amour qui coule à travers les phrases, les lignes. Publié en France en 1994, ce récit n'a pas encore la maîtrise de "
Pollens" ou "
Les étoiles de Sidi Moumen", mais la magie est déjà là.
Et puis comment ne pas penser à toutes ces mères et grand-mères qui se sont levées contre ces dictateurs qui leur ont enlevé leurs enfants ? Tout comme le roman de
Batya Gour "
Là où nous avons raison", ou une mère va exiger que la cause véritable de la mort de son fils soit reconnue et que l'armée efface l'épitaphe hypocrite de la pierre tombale de son fils.
Sujets hors-normes mais salutaires et généreux de ces deux romans.