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EAN : 978B07W1ZQFK8
Audiolib (11/09/2019)
  Existe en édition audio
3.44/5   1256 notes
Résumé :
LAURENT BINET
CIVILIZATIONS


Vers l’an mille : la fille d’Erik le Rouge met cap au sud.
1492 : Colomb ne découvre pas l’Amérique.
1531 : les Incas envahissent l’Europe.
À quelles conditions ce qui a été aurait-il pu ne pas être ?
Il a manqué trois choses aux Indiens pour résister aux conquistadors. Donnez-leur le cheval, le fer, les anticorps, et toute l’histoire du monde est à refaire.

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Critiques, Analyses et Avis (256) Voir plus Ajouter une critique
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sur 1256 notes
Comme dit l'adage, avec des si on mettrait Paris en bouteille. Dans Civilizations de Laurent Binet c'est l'ordre du monde qui est revisité à travers un jeu de trônes fantasque et addictif.

Et si les Indiens avaient résisté aux conquistadors... Et si, en plus d'y résister, ils étaient devenus eux-mêmes envahisseurs... la face du monde eût été changée. C'est le point de départ de Civilizations de Laurent Binet.
Après tout, en 1492, qu'avaient les civilisations d'Europe de plus que celles des Indiens ? « Donnez-leur le cheval, le fer et les anticorps, et toute l'histoire du monde est à refaire. » : partant de ces postulats, tout est possible. C'est d'ailleurs le principe même de l'uchronie, genre majeur de la science-fiction qui travestit le passé pour réécrire le présent. Cette expérimentation fictive d'anticipation est avant tout un exercice littéraire auquel Laurent Binet excelle dans ce nouveau roman.
Son récit commence comme une saga scandinave, dans laquelle l'auteur imagine la fondation d'une colonie par les Vikings, point de départ capital puisqu'ils laisseraient aux autochtones américains (qui ne porteront d'ailleurs jamais ce nom), aux populations mayas, le cheval, leur apprendront à travailler le fer, et leur transmettront des microbes et autres joyeusetés bactériennes contre lesquelles ils finiront par s'immuniser. le roman se poursuit avec le vrai-faux journal de bord de Christophe Colomb, promis désormais à un avenir sombre, puis prend de l'ampleur avec la chronique médiévale d'Atahualpa, Septième Sapa Inca et conquérant de ce Nouveau-Monde qu'on appelle Europe. La dernière partie donne à voir un pastiche du roman picaresque espagnol dans lequel on retrouve Cervantès lui-même en lieu et place de Don Quichotte.
Truculente et fantasque, l'expérience narrative est aussi l'occasion de redessiner les cartes de la géopolitique et de nos sociétés.

Ma chronique complète à retrouver sur Fnac Conseils Libraires :
Lien : https://www.fnac.com/Laurent..
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Civilizations est une gigantesque fresque historique inversant complètement la conquête du Nouveau Monde, faisant débarquer les Incas à Lisbonne puis, en quelques années, les amènant à prendre le pouvoir sur une grande partie de l'Europe. de plus, Laurent Binet a saupoudré son roman de références et de personnages historiques bien réels ce qui n'a pas manqué de me faire sourire tout au long de ma lecture.

Avant de nous mettre dans les pas des adorateurs du Soleil, l'auteur commence avec des bannis d'Islande qui, de fuite en poursuite, arrivent sur ce qu'on appelle aujourd'hui l'Amérique. C'est ensuite Christophe Colomb et son expédition qui va d'échec en déconvenue pour se terminer lamentablement. Tout cela, comme tout au long du livre, est bien argumenté, détaillé, expliqué, rendant l'histoire plausible.
Enfin, commencent les aventures d'Atahualpa, en lutte contre son frère, qui n'a d'autre échappatoire que de prendre la mer pour Cipango (Cuba) où il rencontre la belle Higuénamota qui l'accompagnera longtemps.
De batailles en massacres, sans compter les trahisons, c'est au Portugal où un terrible tremblement de terre a tout bouleversé, que les Incas s'installent et découvrent la vie européenne et la religion du « dieu cloué » avec ces « tondus » qui les reçoivent.
J'ai beaucoup aimé les commentaires, les appréciations du narrateur devant les incohérences d'une religion qui n'hésite pas à tuer, à brûler celles et ceux qui ne conviennent pas. L'inquisition est dans son âge d'or ou plutôt de sang et ceux qui vénèrent le Soleil sont terriblement choqués par ce qui se passe.
Pour mener à bien cette uchronie, Laurent Binet sait varier les types de récit utilisant à plusieurs reprises l'échange de courrier ce qui permet d'apprendre ce qui se passe en Angleterre, en Espagne, en Allemagne. La France reste un peu en dehors du jeu car François 1er, ennemi de Charles Quint, est plutôt un allié d'Atahualpa.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt toutes les améliorations apportées par ceux qui conquièrent le Cinquième Quartier, comme ils nomment leur territoire européen, les quatre premiers étant de l'autre côté de l'océan Atlantique. Tolérance, partage des richesses sont à l'honneur pour lutter contre les massacres et la famine.
J'ai eu de la peine parfois à m'y retrouver entre tous les personnages évoqués : soeurs, frères, demi-frères, demi-soeurs, épouses, maîtresses, concubines mais je me suis laissé porter par cette saga incroyable.
L'Espagne se révèle vite trop petite et l'auteur nous promène jusqu'aux Pays-Bas en passant par Gand, Bruxelles, en Allemagne, en Italie, après avoir conquis Tunis et Alger. J'ai aimé la partie traitant du problème posé par Luther et l'évocation de Thomas Müntzer mis en valeur par Éric Vuillard dans La guerre des pauvres.
Hélas, le temps passe et les plus belles utopies sont menacées. Des Mexicains débarquent et le sang coule à nouveau. Il y a aussi la bataille de Lépante dans une dernière partie qui met en scène Miguel Cervantès et un grec, catho intégriste. Je n'y ai trouvé d'intérêt que pour l'épisode se déroulant chez Michel de Montaigne, près de Bordeaux, avec des débats intéressants à propos, encore, de religion.
Comment terminer une histoire aussi folle qu'instructive ? Laurent Binet a choisi une fin assez énigmatique revenant presque au point de départ mais y avait-il une autre issue ? Cela n'enlève rien à tout l'intérêt d'un roman hors normes qui a le mérite de décrypter l'histoire officielle en la décortiquant, la passant par le prisme de regards complètement neufs. Réflexion salutaire s'il en est sur le poids des religions et le rôle des puissants.

Si tout cela était arrivé, je me demande si nous serions plus heureux. En tout cas, peut-être que ce Soleil adoré aurait permis d'éviter les plus grands drames qui ont endeuillé l'Europe ? le rêve est permis et merci à Laurent Binet d'avoir osé nous entraîner dans cette folle utopie de Civilizations, livre justement couronné par le Grand Prix du Roman 2019 de l'Académie française.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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L'idée de départ était originale, et inventive : l'exploration des océans par les portugais et espagnols au 15è siècle, à la recherche des Indes, se serait soldé par un échec cuisant et un revers de médaille inattendu, puisque l'invasion ratée des territoires outre-atlantique aboutit à l'invasion réussie des territoires de ce qui n'était pas encore l'Europe par les Incas. Ce qui change la donne! Il faut bien sûr une série d'événements de hasard (l'abord de la capitale portugaise alors qu'une terrible tremblement de terre a déstabilisé le peuple et ses dirigeants , la complicité des hérétiques chassées par l'inquisition..). Peu à peu, l'identité religieuse de nos contrées se modifie, non sans grincement de dents, grâce à l'apport du culte des conquérants, à savoir le Soleil.


On a bien envie d'en savoir plus, après s'être un peu ennuyé sur la partie invasion des Vikings, et beaucoup sur les aventures de Christophe Colomb. Et c'est là que réside la déception : le récit s'attache davantage aux compte-rendus de batailles, et à l'avancée des troupes, avec bilans des pertes en hommes et en biens, qu'aux conséquences tangibles sur la vie des peuples. Certes sont évoqués l'évolution des moeurs en insistant sur la polygamie, mais c'est une dystopie dans laquelle on se borne à mettre en place les faits sans se pencher sur le résultat. Et l'on aurait bien aimé savoir ce que devient cette civilisation alternative 500 ans plus tard.

Cela rend la lecture peu attractive, sauf si l'on est amateur de faits historiques, et le roman passe à côté de son but.

Cela ressemble un peu en effet au jeu de stratégie qui donne son titre au roman, sans le compte des points, mais bien avec juste une évocation des performances des adversaires.



Déception. Idée à reprendre?
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Un roman qui défrise la chronologie du monde !

Dans son excellent premier roman « HHhH», Laurent Binet avait déjà démontré son goût pour l'histoire. Il racontait l'opération visant à assassiner le « boucher de Prague », Reinhard Heydrich, durant la seconde guerre mondiale. Au-delà du récit que j'avais trouvé passionnant, le livre soulignait les hésitations de l'auteur à romancer la réalité historique. Je garde un souvenir vivace de cette lecture qui date de 2010 tout en ne partageant pas la critique formulée par l'auteur à l'encontre de Jonathan Littell qui aurait travesti l'Histoire et son grand H dans « les Bienveillantes ». Je pense que le roman doit rester un espace de liberté et je considère "Les Bienveillantes" comme l'un des romans les plus précieux de ces 20 dernières années.

Pour Civilizations, l'auteur s'est posé moins de questions déontologiques et il a sauté, les deux pieds dans la flaque de l'histoire globale. Et c'est tant mieux, car il a laissé de côté une certaine préciosité, observée également dans «La septième fonction du langage», son deuxième roman.

Il décide ici de renverser les lois de la gravité historique et fait du Vieux Continent, le Nouveau Monde. Un effet miroir déformé de notre ethnocentrisme.

A changer le cours des choses, autant détourner de son lit un océan plutôt qu'un petit torrent. le roman s'ouvre sur l'amarrage douloureux des vikings, plaisanciers un peu rustres, sur les côtes américaines en l'an mil. Comme le viking n'a pas l'âme sédentaire mais possède la curiosité d'un étudiant Erasmus, la fille d'Erik le Rouge partage avec les autochtones ses défenses immunitaires et la métallurgie du fer.

La seconde partie présente le carnet de voyage raté de Christophe Colomb dont l'expédition échoue misérablement en 1492, faute de GPS et à cause d'un évangélisme intolérant et d'une avidité sans limite.

En 1531, les Incas envahissent l'Europe. Ils débarquent à Lisbonne juste après un grand tremblement de terre. Comment Atahualpa, empereur d'une armée de quelques centaines d'hommes va parvenir à conquérir l'Europe, défaire Charles Quint, convaincre la population d'abandonner la religion du « Dieu cloué » pour celle du Dieu Soleil en pleine période d'Inquisition ?

Laurent Binet réussit à rendre crédible cette conquête par une bonne dose d'utopie qui accompagne cette réécriture de l'histoire. L'Inca obtient l'adhésion du peuple par la redistribution équitable des récoltes et la substitution de l'impôt par des travaux d'intérêt généraux. Un empereur communiste… mais également capitaliste puisque il inonde l'Europe de l'or qu'il fait venir par bateau depuis les Amériques pour acheter le pouvoir.

J'ai également été convaincu par la description de la diplomatie déployée par cet empereur Inca, qui lit Machiavel et applique à la lettre la devise « Diviser pour mieux régner », jouant des rivalités séculaires des dynasties régnantes.

Dans cette aventure qui donne le tournis au globe terrestre, l'empereur croise les grandes figures intellectuelles et artistiques : Thomas More, Erasme, Luther, Titien…. Autant d'occasions pour évoquer le pouvoir de l'art, l'intolérance religieuse et les inégalités.

J'ai vu que certains billets présentaient des avis plus mitigés. Pour ma part, comme l'Europe, j'ai été conquis par cet Inca et si la Terre tourne autour du soleil, il est heureux de voir que certains romans ne tournent pas seulement autour du nombril de leurs auteurs.

S'agissant de l'exercice uchronique, je pense que « le complot contre l'Amérique » de Philip Roth est plus maîtrisé que « Civilizations », mais ce roman, qui est aussi un conte philosophique, est une belle réussite. Si Fernand Braudel a construit la « grammaire des civilisations », Laurent Binet se permet avec un certain brio de changer les règles de conjugaison en s'inspirant aussi des théories de Jared Mason Diamond sur l' « Effondrement » des civilisations.

Prochain challenge uchronique ambitieux : Et si Adam n'avait pas croqué dans la Pomme ?
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Une idée brillante ! on refait l'Histoire en partant de trois postulats : les Incas ont été vaincus par les envahisseurs venus d'Europe car ils n'étaient pas immunisés contre toutes les infectieuses apportés dans les « cales et les corps » des marins, donc des morts en masse.

Ils ne possédaient pas de chevaux, ni les techniques maîtrisées par les colonisateurs. Donc impossible de lutter…

Première idée de génie : les Vikings ont débarqué quelques siècles auparavant et ont permis une sélection naturelle : une partie les Incas se sont immunisés naturellement contre certaines maladies infectieuses et qui dit anticorps dit résistance à l'arrivée des miasmes des colonisateurs, donc exit l'hécatombe et l'infériorité numérique.

De plus, guerre fratricide entre deux frères descendants du Soleil : Huascar et Atahualpa. Acculé à la défaite, ce dernier s'enfuit avec ses hommes au bord du dernier bateau (et oui, ils étaient tellement en retard sur la science européenne qu'ils ne savaient pas fabriquer et encore moins maitriser les navires!

Atahualpa aépousé une princesse cubaine Higuénamota qui va jouer un rôle important dans sa conquête et lui servir souvent d'ambassadrice, d'égérie… il s'est entouré de conseillers aux noms tous aussi imprononçables tel Chalco Chimac, Quizquiz…

Poussés par des vents favorables (cela tient à si peu de chose une découverte et un effet papillon !) Atahualpa et ses hommes débarquent à Lisbonne puis dans l'Espagne de l'Inquisition, où l'on exécute à tour de bras tout ce qui ne pense pas catholique pur et dur. Il assiste horrifié aux scènes où les gens sont brûlés vifs.

Comment faire pour s'installer et mettre en place le culte du Soleil à ces croyants obtus qui vénèrent un « Dieu cloué » pour reprendre son expression ? S'allier à ceux que l'on persécute : « morisques », juifs, mettre en place sa propre lignée en épousant des reines ou princesses (ils sont tous cousins entre eux, même s'ils se font la guerre…)

Une invention de génie permet à Atahualpa de lire « le prince » de Machiavel et il va s'en inspirer pour mettre en place ce qui ressemble beaucoup au premier régime socialiste : laisser les paysans profiter de la terre qu'ils cultivent au lieu d'être rançonnés par les Seigneurs qui ont besoin de toujours plus taxer les pauvres pour faire des guerres…

Atahualpa comprend aussi très vite qu'il faut produire pour se nourrir, favoriser le commerce (on dirait de nos jours équitable) donc il établira des liens avec toutes les dynasties en place pour les réformer…

On va croiser ainsi Charles Quint, François Ier, Luther qui veut imposer sa religion et à qui on va réserver un sort impressionnant, sans oublier un personnage extraordinaire : Hassan al-Wazzan alias Léon l'Africain qui m'a toujours fascinée et que j'ai découvert grâce au roman magnifique d'Amin Maalouf que j'ai lu au moins deux fois…

Quelle belle revanche sur Pizzaro et Cortes, héros tristement célèbres de la conquête du Nouveau Monde !

On fait beaucoup d'autres rencontres et la dernière partie est excellente mais je n'en dirai rien pour ne pas divulgâcher… (j'adore ce mot, tellement plus beau, mystérieux et savoureux que « spoiler »

Ce livre, une uchronie, est excellent car il repose sur les solides connaissances de Laurent Binet sur Christophe Colomb, les cultures amérindiennes, mais aussi l'histoire de l'Europe. L'imagination marche si les bases sont solides au niveau culturel et historique.

Cela m'a un peu gênée au début de ma lecture, car je me suis peu documentée sur « la découverte des Amériques » parce que pour moi, Christophe Colomb a sur les mains le sang des Amérindiens, premier génocide qui mériterait d'être reconnu par les Ricains mais à l'ère du trumpisme flamboyant, (j'allais écrire triomphant mais flamboyant convient mieux, plus adapté à la chevelure du maître de l'univers), on en est loin.

Cela a failli me coûter cher, m'empêchant de savourer pleinement ce roman. En fait j'exagère un peu, je ne suis pas aussi ignare que je le prétends et ce livre m'a rappelé un ouvrage qui m'avait passionnée à l'époque : « 1492 » de Jacques Attali. Il m'a donné une furieuse envie de m'y replonger.

J'ai fait une pause dans ma lecture pour aller réviser un peu et cela m'a permis de savourer pleinement chaque instant, chaque phrase… C'est une lecture qui se mérite, il faut prendre son temps. J'en suis sortie d'ailleurs avec une envie folle d'aller explorer la civilisation Inca…

L'écriture de Laurent Binet est superbe, on peut s'immerger dans le passé simple, l'imparfait du subjonctif avec délectation. Et dire que « La septième fonction du langage attend toujours dans ma PAL…

Bref, vous avez compris ce roman est un coup de coeur, je pourrais en parler pendant des heures, et bingo, il vient de recevoir le grand prix de l'Académie Française !

Un immense merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de lire cette pépite. Je vais acheter la version papier pour le plaisir de me replonger dans cette belle fresque historique….

#Civilizations #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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critiques presse (4)
SciFiUniverse
12 novembre 2019
Il ressort de Civilizations l'impression d'une idée ambitieuse gâchée par paresse (manque de recherche sur la culture Inca) et facilité (manque de rigueur sur les références européennes et moyen-orientales), gâchée au point d'en être très discutable politiquement.
Lire la critique sur le site : SciFiUniverse
LeJournaldeQuebec
04 novembre 2019
Écrivain brillant, le Français Laurent Binet a réécrit de grands pans de l’Histoire en la revisitant sous une tout autre perspective dans son nouveau roman, Civilizations. Des Vikings à l’Europe de Charles Quint, en passant par l’empereur inca Atahualpa et les conquistadors espagnols, il a imaginé ce que le monde serait devenu si Colomb n’avait pas découvert l’Amérique et si les Incas avaient envahi l’Europe.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeMonde
02 septembre 2019
L’esprit ironique et la virtuosité mimétique de l’écrivain éclatent dans ce renversement de l’histoire que propose « Civilizations », une uchronie dans laquelle les Incas conquièrent l’Europe au XVIe siècle.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeSoir
20 août 2019
« Civilizations » renverse notre vision des grandes conquêtes, le Nouveau Monde n’est pas celui qu’on pensait.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (112) Voir plus Ajouter une citation
De tous les portraits d'Atahualpa faits par le Titien, le plus fameux est sans doute celui peint dans les jardins de l'Alcazar, que l'histoire a retenu sous le titre du Conseil. L'Inca y est représenté en fils du Soleil, ceint de sa couronne écarlate, offrant son meilleur profil (l'artiste ayant pris soin de dissimuler son oreille abîmée pendant la guerre civile avec son frère), un perroquet bleu sur le bras, un bracelet d'or au poignet gauche. Il se tient debout devant une fontaine, sur le rebord de laquelle sont posés des paniers d'oranges et d'avocats. Un chat roux dort à ses pieds. Un serpent est enroulé autour de sa jambe. À l'arrière-plan, des palmiers montent vers le ciel où brillent ensemble le soleil et la lune, cerclés d'or et d'argent. Sur sa tunique d'alpaga, l'empereur a fait broder ses armoiries en fils d'or : on y reconnaît le château de la Castille, les bandes rouge et jaune d'Aragon, un faucon entre deux arbres, ainsi qu'une caravelle mauve découpée dans un soleil couchant, figurant son voyage depuis Cuba. Au centre, cinq têtes de puma sous un arc-en-ciel encadrent un fruit jaune aux pépins rouges, symbole de Grenade et de l'Andalousie.

Pages 203-204, Grasset, 2019.
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Puis, un matin, la silhouette de Baracoa, capitale cubaine et carrefour des deux mondes, se découpa dans l'horizon. C'était une ville de palais, de palmiers et de cases en terre, où les chiens parlaient aux perroquets, où les riches marchands venaient vendre leurs esclaves et faire boire leur vin, où l'odeur de fruits inconnus parfumait les rues, où les nobles Taïnos chevauchaient nus leurs pur-sang du Chili, arborant pour seules parures des colliers de perles rouges à dix-huit rangées et des bracelets en écaille de crocodile, où les mendiants eux-mêmes semblaient d'antiques rois déchus, avec des masques et des miroirs de cuivre et d'or sur la tête, où les magasins regorgeaient tellement de marchandises que, le soir venu, des lézards à crête s'aventuraient dans les rues en quête de caisses à éventrer. On y parlait toutes les langues, on y aimait toutes les femmes, on y priait tous les dieux.

Pages 377-378, Grasset, 2019.
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Comment imaginer l’au-delà des mers ? Atahualpa savait trouver les mots : « Ma sœur, allons voir d'où vient le Soleil. » Et conscient que son peuple avait besoin d'un guide, sans plus s'embarrasser du protocole, il s'adressait à tous en ces termes : « Le temps des Quatre Quartiers est révolu. Nous allons voguer vers un nouveau monde, pas moins riche que le nôtre, gorgé de terres. Avec votre aide, votre empereur sera le Viracocha des temps nouveaux, et l'honneur d'avoir servi Atahualpa rejaillira sur vos familles et sur vos ayllus pendant des générations. Et si jamais nous coulons, eh bien qu'il en soit ainsi. Nous irons retrouver Pachacamac au fond de la mer. Mais si jamais nous passons... Quel voyage ! Allons, en route vers un Cinquième Quartier ! » Alors les Quiténiens, rassérénés et enhardis par ces paroles, reprenaient d'une seule voix : « En route vers le Cinquième Quartier ! »

Pages 94-95, Grasset, 2019.
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« La réponse est devant vous. » L'est, mais comment ? Où étaient ces terres ? À quelle distance ? On dut leur montrer des cartes trouvées sur les bateaux. Atahualpa et ses gens contemplèrent sans comprendre les représentations d'un monde où Cuzco ne figurait pas. Ils étaient incapable de déchiffrer les petits signes inscrits sur le papier. Higuénamota avait appris la langue des envahisseurs quand elle était enfant, mais pas leur système de transcription. Sans doute, s'ils avaient su combien ces cartes étaient fausses, n'auraient-ils jamais consenti à ce saut dans le vide.

Pages 92-93, Grasset, 2019.
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Il y avait au sein de ce palais un lieu sacré orné de plaques translucides, rouges, jaunes, vertes, bleues. Le plafond y était comme une toile d'araignée creusée dans la pierre, d'une hauteur qui surpassait celle du palais de Pachacutec. A l'extrémité de l'édifice, sur une estrade fastueusement décorée, quoique non entièrement tapissée d'or comme pouvait l'être la maison du soleil, trônait la statue d'un homme très maigre cloué sur une croix. Les hommes tondus manifestaient en ce lieu une dévotion fervente. Les Quiténiens ne doutèrent pas qu'il s'agissait d'une sorte de huaca. Qui était ce dieu cloué ?
page 100 -101
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Vidéo de Laurent Binet
Laurent Binet, écrivain et ancien professeur de français revient sur le poids de l'administration et la façon dont on traite les "profs" aujourd'hui qui relève de "la maltraitance". Il évoque les choix politiques qui pèsent sur l'école et altèrent la qualité de l'enseignement. Il déplore le fait que l'école privée bénéficie de "sommes énormes" en comparaison à ce qui est donné à l'enseignement public. Dans le public, il décrit un système de mutation "atroce", des profs "mal payés". Cet enseignement, alors qu'il devrait être une priorité dans un pays républicain, "le vaisseau amiral de notre société" est mis à mal par toutes ces politiques qui se succèdent depuis des années. Une situation qui malheureusement a pour conséquence terrible d'altérer le poids symbolique de l'enseignant et le rend plus vulnérable aux yeux de la société. 
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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