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EAN : 9782246760016
440 pages
Grasset (13/01/2010)
  Existe en édition audio
4.01/5   2211 notes
Résumé :
Prague, 1942, opération « Anthropoïde » : deux parachutistes tchèques sont chargés par Londres d'assassiner Reinhard Heydrich, le chef de la Gestapo et des services secrets nazis, le planificateur de la Solution finale, le « bourreau de Prague ». Heydrich, le bras droit d'Himmler. Chez les SS, on dit de lui : « HHhH ». Himmlers Hirn heisst Heydrich le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich. Dans ce livre, les faits relatés comme les personnages sont authentiques. Pour... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (293) Voir plus Ajouter une critique
4,01

sur 2211 notes
Rien compris au dernier Binet moi 
Aucune image , aucun running gag ! Quid de ces héros des temps modernes que furent Robert et Raymonde , cédant désormais la place à cet obscur Heydrich qui , lui , ne me titilla jamais l'ombre d'un zygomatique ! C'est fort de ce constat amer - Michel - que je refermais ce bouquin , frustré et désappointé , quand la vérité dans toute sa simplicité m'apparut enfin ! Allez mettre ça sur le compte du gars enfin touché par la grâce - nan , pas dit la graisse – voire sur celui de mon exceptionnelle perspicacité toute Holmésienne ! Quoi qu'il en soit , et si tout bonnement je ne faillis pas en faisant bêtement preuve d'homonymite aigüe ? Là , ça changeait forcément la donne !

Pas fou-fou des bouquins historiques à la base , j'y ai ici trouvé largement mon comptant ! Un complot visant à supprimer l'éminence grise d'Hitler , une écriture originale ou l'auteur nous fait régulièrement part de ses doutes quand à la véracité des faits énoncés , de ses angoisses de la page blanche et c'est un lecteur heureux d'avoir découvert le premier écrit de ce tout jeune prof de français auréolé fort justement du Prix Goncourt du premier roman . Même si les prix , hein , bon...
" le bourreau de Prague " , "la bête blonde " , " l'homme le plus dangereux du IIIe Reich " , voici quelques uns des plus doux sobriquets accolés à ce joyeux drille , planificateur de la solution finale , qu'était Heydrich ! Juste retour des choses que l'opération «  Anthropoïde «  visant à éradiquer cette bête sans nom , alors 3e dans le monstrueux organigramme du Reich et possiblement appelée à devenir calife à la place du calife !

Historiquement passionnant , humainement terrifiant . Binet , tout en s'interrogeant continuellement et en invitant implicitement le lecteur à en faire de même , parvient à trouver le juste équilibre entre histoire avec un grand H et l'interaction que cette dernière provoque avec son quotidien . Au-delà de ça , l'écriture interactive ne fait pas dans le cours magistral , dans le rébarbatif factuel mais vous entraine dans les nauséabonds méandres de l'Histoire tout en tentant , en plus de vous instruire  , de vous faire réfléchir ! Objectif osé s'il en est mais pleinement atteint ! Avant d'en arriver au dernier tiers addictif du bouquin majoritairement consacré à la tentative d'assassinat proprement dite , Binet pose les jalons de l'histoire dans L Histoire , en en présentant les tenants et les aboutissants , des prémices d'un Nazisme encore balbutiant jusqu'à son funeste destin apocalyptique !

HHhH ,Hemballant Hexaltant hinstructif Hentousiasmant !
Un grand merci à Robert B. pour les quatre derniers adjectifs qui ne me seraient pas venus à l'esprit , là , tout de suite , dans l'immédiat instantané et imminent...
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L’église orthodoxe Saints-Cyril-et-Méthode à Prague est devenue un lieu de recueillement un peu particulier. C’est dans sa crypte, aujourd’hui transformée en musée, que s’acheva, le 18 juin 1942 à midi, un acte de résistance parmi les plus audacieux de la seconde guerre mondiale.

Trois semaines auparavant, à cinq kilomètres de là, trois parachutistes de l’armée tchécoslovaque en exil à Londres attentèrent à la vie d’un des dignitaires les plus haut placés du Troisième Reich : Reinhard Heydrich. Mais le grain de sable du destin vint, au moment le plus critique, contrecarrer la bonne marche de “l’opération Anthropoïde” si bien qu’il s’en suivi un certain nombre de revirements de situations dignes d’un scénario hollywoodien...

De nombreux écrits relatent ce haut fait d’armes et mettent en avant l'esprit sacrificiel de Gabčík, Kubiš et Valčík, ces trois soldats dont l’héroïsme bouleversa et ragaillardi tout un peuple.

Un jeune auteur français passionné d’Histoire, Laurent Binet, en a tiré en 2009 un livre au titre bien singulier : ''HHhH''.
Un long travail de repérages dans la capitale tchèque, la consultation d’une énorme quantité de documents d’archives et une rigueur d’écriture presque maladive accouchent au final d’un roman composé de 257 chapitres dont la brièveté favorise une fluidité de lecture du plus bel effet.
Outre l’attentat de Prague et les représailles SS, “HHhH” retrace la montée du nazisme depuis les années 20 jusqu’au printemps 1942 où l’hitlérisme était au faîte de sa puissance. Les accords de Munich et la crise des Sudètes, évoqués longuement, permettent au lecteur d’appréhender graduellement l’escalade mortifère au cœur de l’Europe.
Laurent Binet voulait un roman le plus factuel possible. Force est de constater l’authenticité qui s’en dégage !
La participation de l’auteur en tant que personnage à part entière est une belle trouvaille surtout dans un contexte aussi peu évident. Ses attaques à l’encontre de protagonistes ayant un rôle marginal dans cette époque troublée, le diplomate et poète Saint-John Perse notamment, sont par contre étonnamment virulentes pour ne pas dire excessives.

Concernant le personnage central Reinhard Heydrich, il vaut mieux faire court ; rien que d’écrire son nom une seconde fois me hérisse le poil. C’était un criminel de guerre de la pire espèce. Hitler l’appréciait beaucoup car il trouvait que sa férocité n’avait d’égal que son efficacité : c’est tout dire !
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Pince-moi je rêve !
Ai-je bien lu ce que je viens de lire ? Je ne sais même pas par où commencer ...
Laurent Binet veut écrire un roman historique sur l'assassinat de Reinhard Heydrich à Prague le 27 mai 1942 par trois résistants tchèques et slovaques...Jusque là, d'accord. Un roman, pas un essai historique. Donc, dans un roman, il y a une part de fiction, de reconstitution, dialogues, vie privée des personnages etc...Mais cela, Laurent ne l'accepte pas, non non non ...Il se pose des questions, il faut que tout soit juste...Déjà, ça part mal. Dans ce cas, on écrit un article dans Histoire, un essai, une thèse...Pas un roman. Donc, je ne vois pas du tout l'intérêt ni l'enjeu de l'écriture, parfaitement vains...Mais le pire est à venir. Laurent va se mettre en scène avec ses hésitations purement géniales...Je ne dis pas géniales gratuitement, l'auteur vise haut, très haut, comme je vais le montrer.
D'abord, la mise en scène du moi écrivant torturé : "Le Slovaque, le Morave et le Tchèque de Bohème attendent eux-aussi et je donnerais cher pour ressentir ce qu'ils ont ressenti alors. Mais je suis bien trop corrompu par la littérature : "je sens monter en moi quelque chose de dangereux" dit Hamlet, et dans un moment pareil c'est encore une phrase de Shakespeare qui me vient à l'esprit. Qu'on me pardonne, qu'ils me pardonnent, je fais tout cela pour eux. Il a fallu démarrer la Mercedes noire [d'Heydrich], ça n'a pas été facile. Tout mettre en place, s'occuper des préparatifs, d'accord, tisser la toile de cette aventure ..." Oui, vous avez bien lu, l'auteur compare son travail d'écriture avec la préparation et les courage des Résistants, et se plaint à eux des difficultés qu'il a...En passant, il se compare à Hamlet et Shakespeare. Les deux, tant qu'à faire. J'ai envie de lui dire ce que j'ai entendu un élève répondre à un autre qui s'énervait tout seul contre lui : "OK, mec"
Dur est le génie qui pèse sur notre auteur : "Pendant quinze ans, j'ai détesté Flaubert, parce qu'il me semblait responsable d'une certaine littérature française, dénuée de grandeur et de fantaisie...S'abîmant avec délice dans le réalisme le plus emmerdant..." OK, mec.
"...Et puis j'ai lu Salambô, qui est immédiatement rentré dans la liste de mes dix livres préférés." Flaubert te remercie ,mec.
Ensuite, bon, Laurent a aussi ses idées à lui sur la littérature contemporaine. A propos de Littell et de ses Bienveillantes, du narrateur Max Aue : "En revanche, ce détachement qu'il affiche, cet air blasé revenu de tout, ce mal-être permanent, ce goût pour le raisonnement philosophique, ce sadisme maussade...Mais bien sûr, soudain, j'y vois clair : les Bienveillantes, c'est "Houellebecq chez les nazis, "tout simplement." Tout simplement, mec. Laurent s'inquiète que les Bienveillantes puissent faire de l'ombre à sa grande oeuvre. T'inquiète pas, mec, elles ne te feront pas d'ombre. Elles planent dans les hautes sphères, beaucoup trop haut.
Ensuite (oui, je sais, c'est décousu, mais je pense à Shakespeare, à Hamlet, à Rimbaud, et je souffre beaucoup d'écrire mieux que Flaubert, alors pouët pouët) ensuite Laurent veut reconstituer le passé, oui, il recherche le temps perdu, il le veut tel qu'il fut, il veut la couleur exacte de la Mercedes d'Heydrich : noire, vert foncé ? Ca revient tout le temps...Il l'a vue noire, Natacha (Ah ! Natacha ! ...) aussi...Mais on dit aussi qu'elle était vert foncé...Et en même temps, en même temps, voilà notre génie qui se lance dans une reconstitution de la conférence de Münich, terrible, où la France et l'Angleterre lâchèrent la Tchekoslovaquie à Hitler. C'est parfaitement vrai. Néanmoins, visiblement, si Laurent avait été là avec Daladier et Alexis Léger, alias Saint John Perse, ça se serait beaucoup mieux passé. Donc Saint John Perse se fait traiter de "sac à merde". Moi, je veux bien qu'on s'interroge sur la couleur de la Mercedes, mais il me semble qu'il faudrait d'abord se replacer dans le contexte, et que traiter les diplomates de sacs à merde en 2008 est très facile. Je me souviens de ma professeure d'histoire en khâgne qui nous disaient : "n'oubliez jamais qu'entre les deux guerres, il y a vingt ans, et que vingt ans, ce n'est rien". Avec tout ce qu'on sait et peut lire aujourd'hui sur la première guerre mondiale, je pense qu'avant de traiter la diplomatie de sac à merde, il faut bien se rendre compte que ces hommes qui avaient déjà vécu la première guerre ne voulaient pas y retourner, pour rien au monde. Daladier pouvait-il revenir en France et dire : "c'est reparti les gars, prenez vos baluchons, vos pelles et vos masques à gaz, j'ai signé pour une nouvelle guerre avec l'Allemagne." Moi, avec tout ce que j'ai lu, ça me paraît impossible. Je pense donc qu'il est très malvenu de juger, surtout quand on professe une telle rigueur dans la reconstitution. Pour moi, cela enlève toute crédibilité à ce texte.
Voilà, je pourrais continuer des heures tant ce texte m'a excédée par son arrogance et sa vanité. Les femmes, Aurélie, Natacha, si splendides, qui accompagnent notre grand génie dans sa quête arthurienne. Ah oui, ce passage encore. Spéciale dédicace à mes congénères féminines : "je me demande comment les nazis accommodaient leur doctrine à la beauté des Slaves : non seulement on trouve en Europe de l'Est les plus belles femmes du continent, mais en plus elles sont souvent blondes aux yeux bleus." Je crois qu'on explose tout, là :
-Laurent dénonce les nazis et fait la même chose : les Slaves ont des caractéristiques physiques, elles sont plus belles que les autres.
-Et les Juives et les Tsiganes ? Elles sont pas belles ?
-Et tu fais ton marché ?
-Et merci pour les autres.
Bref, je vais m'arrêter là. Au secours !!!!!!!
Ah oui, aussi, le monsieur parle tellement de lui qu'à la fin, j'ai été obligée d'aller me renseigner sur Wikipédia tellement je n'avais rien appris sur les personnages historiques. Par contre, j'en sais beaucoup trop sur le sieur Binet.
Quelques passages bien écrits.
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Comment cet ouvrage a-t-il pu obtenir le Prix Goncourt du premier roman en 2010 ?

Certes, c'est une étude sur Heydrich et la solution finale, la résistance tchécoslovaque et le rôle des services britanniques durant la seconde guerre mondiale, mais, à mon avis, « Sept hommes à l'aube », publié en 1962 par Alan Burgess, est et reste incontournable sur l' attentat du 27 mai 1942.

J'étais à Prague et à LIdice en 1967, année du XXV anniversaire de l'opération Anthropoïde, et les autorités communistes occultaient l'intervention des alliés occidentaux et le rôle des Anglais et du gouvernement tchécoslovaque exilé dans cette action. La population, nombreuse à pratiquer le français à l'époque, n'était pas dupe et déposait symboliquement des roses rouges devant l'église Saints-Cyrille-et-Méthode. Laurent Binet, qui a enseigné en Slovaquie dans les années 90, ne dit pas un mot sur la façon dont le régime communiste a réécrit l'histoire de la résistance.

Par ailleurs, il se permet d'attaquer Alexis Léger (Saint John Perse), qui ne faisait, en temps que fonctionnaire, qu'exécuter la politique du gouvernement résultant des élections législatives des 26 avril et 3 mai 1936. Législature du front populaire, de la guerre, de la déroute de 1940, qui donna tout pouvoir au Maréchal Pétain, et dont les députés continuèrent à toucher leurs indemnités durant tout le conflit.

Il dénigre Flaubert, Houellebecq, qui n'ont évidemment rien à voir avec cette intrigue et part dans des digressions personnelles qui n'ont aucun intérêt et sont aussi lassantes que mièvres. Ces errements font de l'ombre au sujet traité et coulent malheureusement l'ouvrage.

D'où ma déception et mon incompréhension du choix des jurés qui ont distingué ce roman.
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En 1942 à Prague l'opération Anthropoid est destinée à éliminer celui que les Tchèques ont surnommé, au vu de son extrême férocité, « le boucher » ou le bourreau de Prague, Reinhard Heydrich. Un homme d'autant plus dangereux qu'il concentre de nombreux pouvoirs. Bras droit de Heinrich Himmler il est à la fois le chef de l'Office central de la sécurité du Reich (RSHA, qui pilote notamment la Gestapo), le « vice-gouverneur de Bohême-Moravie » et le commandant opérationnel des Einsatzgruppen, les unités mobiles de tuerie de masse en Europe de l'Est. Il a également en charge d'organiser la solution finale de la question juive. L'attentat se déroule le 27 mai et Heydrich meurt huit jours plus tard. Planifié par le Special Operations Executive, une branche du service secret britannique, il est perpétré par deux soldats tchécoslovaques, parachutés sur le territoire du protectorat de Bohême-Moravie.

Un roman passionnant pour lequel Laurent Binet a choisi une forme originale puisque tout son récit, de la montée du nazisme à la mort d'Heydrich et aux représailles violentes contre les populations civiles de la région, notamment dans le village de Lidice, est ponctué de ses réflexions et interrogations sur l'écriture de son livre. Un procédé que j'ai beaucoup aimé mettant en lumière la difficulté de choisir entre vérité historique et fiction romanesque dans le roman historique. Toutefois je mettrais un bémol à ce premier roman très réussi : la violence des attaques à l'encontre de certains diplomates qui m'a semblé très excessive, une erreur de jeunesse peut-être...
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
21 août 2012
Le résultat est passionnant, même s’il n’y a ni scoops, ni analyses politiques fouillées. C’est le récit d’un témoin sur le grand cirque de la politique.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
07 septembre 2011
C'est un récit remarquable mené de main de maitre […] Une grande réussite.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (178) Voir plus Ajouter une citation
Gabcík, c'est son nom, est un personnage qui a vraiment existé. A-t-il entendu, au-dehors, derrière les volets d'un appartement plongé dans l'obscurité, seul, allongé sur un petit lit de fer, a-t-il écouté le grincement tellement reconnaissable des tramways de Prague ? Je veux le croire. Comme je connais bien Prague, je peux imaginer le numéro du tramway (mais peut-être a-t-il changé), son itinéraire, et l'endroit d'où, derrière les volets clos, Gabjík attend, allongé, pense et écoute. Nous sommes à Prague, à l'angle de Vyšehradska et de Trojijka. Le tramway n° 18 (ou 22) s'est arrêté devant le Jardin Botanique. Nous sommes surtout en 1942. Dans Le Livre du rire et de l'oubli, Kundera laisse entendre qu'il a un peu honte d'avoir à baptiser ses personnages, et bien que cette honte ne soit guère perceptible dans ses romans, qui regorgent de Tomas, Tamina et autres Tereza, il y a là l'intuition d'une évidence : quoi de plus vulgaire que d'attribuer arbitrairement, dans un puéril souci d'effet de réel ou, dans le meilleur des cas, simplement de commodité, un nom inventé à un personnage inventé ? Kundera aurait dû, à mon avis, aller plus loin : quoi de plus vulgaire, en effet, qu'un personnage inventé ?
Gabjík, lui, a donc vraiment existé, et c'était bel et bien à ce nom qu'il répondait (quoique pas toujours). Son histoire est tout aussi vraie qu'elle est exceptionnelle. Lui et ses camarades sont, à mes yeux, les auteurs d'un des plus grands actes de résistance de l'histoire humaine, et sans conteste du plus haut fait de résistance de la Seconde Guerre mondiale. Depuis longtemps, je souhaitais lui rendre hommage. Depuis longtemps, je le vois, allongé dans cette petite chambre, les volets clos, fenêtre ouverte, écouter le grincement du tramway qui s'arrête devant le Jardin Botanique (dans quel sens ? Je ne sais pas). Mais si je couche cette image sur le papier, comme je suis sournoisement en train de le faire, je ne suis pas sûr de lui rendre hommage. Je réduis cet homme au rang de vulgaire personnage, et ses actes à de la littérature : alchimie infamante mais qu'y puis-je ? Je ne veux pas traîner cette vision toute ma vie sans avoir, au moins, essayé de la restituer. J'espère simplement que derrière l'épaisse couche réfléchissante d'idéalisation que je vais appliquer à cette histoire fabuleuse, le miroir sans tain de la réalité historique se laissera encore traverser.
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125

J'ai lu un livre génial qui pour arrière-plan l'attentat contre Heydrich. C'est un roman écrit par un Tchèque, Jiri Weil, qui s'intitule "Mendelssohn est sur le toit".
Le roman tire son titre du premier chapitre qui se lit presque comme une histoire drôle: des ouvriers tchèques sont sur le toit de l'Opéra, à Prague, pour déboulonner une stature de Mendelssohn, le compositeur, parce qu'il est juif. C'est Heydrich, épris de musique classique et récemment nommé protecteur de Bohème-Moravie, qui en a donné l'ordre. Mais il y a toute une rangée de statues et Heydrich n'a pas précisé laquelle était Mendelssohn. Or, à part Heydrich, il semble que personne, même parmi les allemands, ne soit capable de le reconnaître. Mais personne n'oserait déranger Heydrich pour ça. Le SS allemand qui supervise l'opération décide donc d'indiquer aux ouvriers tchèques la statue qui a le plus grand nez, puisqu'on cherche un juif. Mais catastrophe: c'est Wagner qu'on commence à déboulonner!
La méprise sera évitée de justesse, et, dix chapitres plus loin, la statue de Mendelssohn finalement abattue. Malgré leurs efforts pour ne pas l'abîmer, les ouvriers tchèques lui casseront une main en la couchant. Cette anecdote cocasse est fondée sur des faits réels: la statue de Mendelssohn a bien été renversée en 1941, et a eu, comme dans le roman, une main cassée. Je me demande si la main a été recollée depuis. En tout cas les pérégrinations du pauvre SS préposé au déboulonnages, imaginées par un homme qui a vécu cette période, sont un sommet de burlesque typique de la littérature tchèque, toujours imprégnée de cet humour si particulier, doucereux et subversif, dont le saint patron est Jaroslav Hasek, l'immortel auteur des aventures du brave soldat Chvéïk.
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(...) dans un souci d'efficacité très allemand , les SS , avant de les abattre , faisaient d'abord descendre leurs victimes au fond de la fosse , où les attendait un " entasseur " . Le travail de l'entasseur ressemblait presque en tout point à celui des hotesses qui vous placent au théatre . Il menait chaque Juif sur un tas de corps et , lorsqu'il lui avait trouvé une place , le faisait étendre sur le ventre , vivant nu allongé sur des cadavres nus . Puis un tireur , marchant sur les morts , abattait les vivants d'une balle dans la nuque . Remarquable taylorisation de la mort de masse . Le 2 Octobre 1941 , l'Einsatzgruppe en charge de Babi Yar pouvait consigner dans son rapport : " Le Sonderkommando 4a , avec la collaboration de l'état-major du groupe et de deux commandos du régiment Sud de police , a exécuté 33771 Juifs à Kiev , les 29 et 30 septembre 1941 . "
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Ceux qui sont morts sont morts, et il leur est bien égal qu'on leur rende hommage. Mais c'est pour nous, les vivants que cela signifie quelque chose. La mémoire n'est d'aucune utilité à ceux qu'elle honore, mais elle sert celui qui s'en sert. Avec elle, je me construis, et avec elle je me console.
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Depuis des années que je porte ce livre en moi, je n'ai jamais pensé à l'intituler autrement que "Opération Anthropoïde" (et si jamais ce n'est pas le titre que vous pourrez lire sur la couverture, vous aurez que j'ai cédé à l'éditeur qui ne l'aimait pas trop : trop SF, trop Robert Ludmum paraît-il....). Or Heidrich est la cible et non l'acteur de l'opération. Tout ce que je raconte sur lui revient à poser le décor, en quelque sorte. Mais il fait bien reconnaître que d'un point de vue littéraire, Heidrich est un beau personnage. C'est comme si un docteur Frankenstein romancier avait accouché d'une créature terrifiante à partir des plus grands monstres de la littérature. Sauf que Heidrich n'est pas un monstre de papier. (P. 138)
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Vidéo de Laurent Binet
Laurent Binet, écrivain et ancien professeur de français revient sur le poids de l'administration et la façon dont on traite les "profs" aujourd'hui qui relève de "la maltraitance". Il évoque les choix politiques qui pèsent sur l'école et altèrent la qualité de l'enseignement. Il déplore le fait que l'école privée bénéficie de "sommes énormes" en comparaison à ce qui est donné à l'enseignement public. Dans le public, il décrit un système de mutation "atroce", des profs "mal payés". Cet enseignement, alors qu'il devrait être une priorité dans un pays républicain, "le vaisseau amiral de notre société" est mis à mal par toutes ces politiques qui se succèdent depuis des années. Une situation qui malheureusement a pour conséquence terrible d'altérer le poids symbolique de l'enseignant et le rend plus vulnérable aux yeux de la société. 
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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