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EAN : 9780841900899
AFRICANA PUB. CORP (30/11/-1)
4.18/5   11 notes
Résumé :
Climbié ("plus tard..., un jour...", en n'zima), c'est le récit autobiographique — même si l'auteur s'en défend — du petit villageois abandonnant case et famille pour l'école coloniale, et faisant l'apprentissage de la vie d'homme. Climbié apparaît ici comme l'observateur privilégié de cette période coloniale qui verra la maturation des idées et des consciences des Africains.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Chaque élève avait son amie. Climbié, lui, ne savait sur laquelle fixer son choix. Il hésita longtemps avant de se décider. Et lorsqu'il porta sa préférence sur Nalba, ce fut un supplice. Jamais il n'arrivait à lui parler, à la regarder dans les yeux. Pour elle, il formulait de belles phrases dans sa tête, mais dès que la jeune fille apparaissait, tous les mots se mêlaient, puis s'enfuyaient, le laissant seul, troublé, l'arrosoir en mains, la tête en feu. L'éclat des yeux de Nalba, son allure, la blancheur de ses dents, son éternel sourire, ses fossettes mignonnes...faisaient fuir la mémoire de Climbié, qui bégayait. Enviant l'audace de ses camarades qui donnaient de petites chiquenaudes sur les seins, comme par inadvertance, il prenait l'eau sans rien dire, et le cœur battant, arrosait, heureux seulement de cette présence, de la présence de Nalba.
Les plaisanteries qu'on se lance et se renvoie telles des balles, les mots qui rompent la glace et établissent des ponts, dans l'étape des conquêtes, Climbié ne savait les dire ; il ne pouvait se décider à les prononcer, parce que chaque fois qu'il prenait cette voie, les jeunes filles lui murmuraient en souriant : « Oh ! toi aussi, toi qui es si gentil, tu veux faire comme les autres ? »
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Sa mère, il ne la connaissait pas très bien, pour l'avoir quittée très jeune. Avait-il connu les caresses d'une mère ? Il se rappelait seulement qu'elle ne le battait jamais parce qu'il était enfant unique.
Lorsque l'océan était démonté, sa mère ne cessait de le surveiller, parce qu'il aimait aller voir la mousse, attraper les crabes étourdis, ramasser les toupies que les flots amenaient de loin. Lui prenant le bras, elle disait : « Reste ici » ; il restait, mais profitant d'une distraction de la maman, il ressortait pour courir après les crabes et les toupies. Elle venait le chercher en disant : « As-tu les oreilles bouchées ? Tu n'entends donc pas ce qu'on te dit ? Tu ne vois pas que l'océan est démonté, et qu'il cherche des hommes à prendre ? Des hommes à manger ? Quand l'océan crie comme cela, c'est qu'il a faim, tu ne le sais pas ? »
Climbié restait donc près de sa mère, la regardait éplucher les bananes, attiser le feu tandis que la volaille tournant autour d'elle se querellait, picorait les épluchures.
Il doit vite sortir de l'école afin de s'occuper de sa mère. Des amies, on peut en avoir des dizaines, mais une mère, on n'en a qu'une.
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C'est la sortie de l'école. Et hors de l'enceinte scolaire chacun peut parler son dialecte. Mais Climbié, pour avoir parlé n'zima dans l'école même, se trouve porteur du symbole. Il ne peut se fâcher, les élèves qui le chahutent sont trop nombreux. Ses amis ne s'en mêlent pas, mais les plus agressifs sont bien ceux à qui il l'a plusieurs fois refilé. Alors il les regarde danser autour de lui, s'éloigner un à un, prendre chacun la route de la maison. Ce petit cube pèse si lourd, si lourd qu'il l'oblige à traîner le pas. Les enfants s'en vont par bandes joyeuses, bruyantes et querelleuses. À leur approche, les cyclistes et les automobilistes sonnent et cornent sans relâche. Climbié rentre seul chez lui, abandonné par ses propres amis effrayés par la présence du symbole qu'il a en poche, parmi les billes et les toupies. Ce midi-là, il ne mange pas, tellement il est pressé de se débarrasser de ce petit cube... S'il n'y réussit pas avant la sortie du soir, il restera à nettoyer la cour, à balayer seul toutes les salles de classe. Et le symbole est au fond de sa poche.
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Rien n'est aussi douloureux que d'entendre mal parler une langue maternelle, une langue qu'on entend, qu'on apprend dès le berceau, une langue supérieure à toutes les autres, une langue qui est un peu soi-même, une langue toute chargée d'histoire et qui, à elle seule, pour un peuple, atteste son existence (...). Partout, l'on entend baragouiner une langue aussi subtile, aérienne, féminine, une langue qui ressemble à du duvet allant au gré de la brise, lorsqu'une amie vous la chuchote à l'oreille, une langue qui semble le suave murmure d'une madone, une langue qui laisse après elle une traînée persistante de notes joyeuses ! (...) Quelle sanction prendre contre des individus qui jouent si légèrement avec une langue aussi riche, coulante et diplomatique que la langue française ? Contre des individus qui s'entêtent à ne jamais conjuguer les verbes au temps voulu et refusent d'employer le genre consacré ?
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La rentrée ! Le matin, de bonne heure, les enfants débouchaient de tous les côtés, de tous les coins, de toutes les ruelles, avec des sacs sous le bras, des cerceaux en mains. L'école bruyante, mouvementée, animée, revivait. Elle faisait penser au retour des tisserins dans les palmiers. Sa volée de moineaux lui était revenue. Partout des chants, des appels, des cris. Les anciens se saluaient joyeusement, tandis que les nouveaux, dépaysés, cherchaient un maintien. Tombés dans le monde des écoliers, désorientés, inquiets, ils s'accrochaient à leurs parents.
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