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Critique de afriqueah



Peut on qualifier un livre de pervers ? Un Nègre à Paris, écrit en 1956 séduit (les pervers sont de grands séducteurs/manipulateurs) par son thème : la découverte de Paris vu par un habitant d'Abidjan. Proposé par Mabanckou comme « un exotisme inversé », Bernard Dadié « dissèque la civilisation occidentale ». Effectivement, joints à une vision de Paris décrite avec distance et une certaine exactitude, de longues phrases enrubannées et apparemment naïves s'enchainent dans son livre extrêmement bien écrit, avec les dictons populaires: « mentir comme un arracheur de dents, tout finit en chanson, les hommes posent des lapins, ils n'aiment pas les langues de vipère, et maintes fois répété : sauter a pieds joints, avoir du pain sue la planche, être à point nommé »

A quoi sert cette litanie enchainée des proverbes des Parisiens ? à les critiquer sévèrement, ou à tout le moins à en épingler la différence avec la société africaine: « Avec ces hommes, on ne sait jamais, il peut y avoir du vrai, surtout qu'il n'y a pas de fumée sans feu » -La lecture est agréable, drôle souvent, bien vue aussi parfois « Jésus… avait dit de tendre constamment la joue. On ne savait plus laquelle tendre lorsque les deux avaient reçues leur part de gifles. » ou « on perd si souvent de vue la voie de la paix que le Parisien a posté à chaque carrefour un gardien pour vous la montrer ».
Cependant , outre que Dadié invente son propre monde ( lorsqu'il parle des guerres en Europe, des douanes et autres restrictions individuelles , comme si la Côte d‘Ivoire ou le Sénégal dans les dernières années du colonialisme étaient le parangon de la liberté et même des quartiers différents des villes ), il sabote consciencieusement la société qu'il a pour but de nous présenter.
Un Lévy Strauss se permettant de parler de « ces gens-là » tout en en méconnaissant leur culture.
Citant la patronne de Paris, Dadié dit naïvement « je n'ai pas vu de statue de Sainte Geneviève » Mais il n'avait ou qu'à se renseigner, ou à ouvrir les yeux sur le pont de la Tournelle.
Il parle des statues autour de la place de la Concorde, sans savoir que ce sont les huit villes principales qui sont représentées.
On arrive donc au sujet sous-jacent : si le héros de Dadié a du mal à s'orienter dans le métro, c'est que les Parisiens sont racistes, sans parler des femmes qui ne se laissent pas séduire par une entrée en matière sur le temps qu'il fait. Ça, vraiment, c'est moche. Pire encore, ce sont elles qui portent la culotte, ce sont elles qui jouent dans ce pays un rôle prépondérant ( culotte ou slip, pour nous qui regardons, (ose-t-il) c'est le même nylon premier choix. ). Sans ajouter que, comble, une Parisienne convoite non pas les cadeaux, mais « d ‘être tendrement aimée, comprise, devinée ».
Il est vrai qu'à Abidjan, c'est mieux : « si les hommes sont polygames, c'est pour que leurs femmes les aiment plus en rivalisant d'attention »
Dadié, en cela pervers, n'arrête pas d'affirmer que nous sommes tous les mêmes, que même les Parisiens ont un coeur, que d'ailleurs ils aiment leurs enfants, n'allez pas croire et il ajoute, mine de rien, que les Parisiens s'embrassent sur la bouche, devant tout le monde, avant de divorcer, que les femmes se fardent pour occulter qu'elles sont vieilles, qu'ils aiment tous, ces gens-là, les fleurs, les animaux, et ils courent après le temps , ils se croient les rois du monde alors qu'ils ont coupé la tête de l'un de leurs.… ce que dans les villages africains on ne fait pas.
J'aimerai citer ce qu'en dit Nastasia B : « A longueur de pages, Bernard Dadié nous parle DU Parisien ou de LA Parisienne, comme si Elle ou Il avaient une essence particulière et propre à ce " peuple " de Paris. J'ai le sentiment qu'à chaque fois qu'on essentialise, qu'on regroupe un ensemble humain et qu'on le baptise d'un même nom générique, comme s'il s'agissait d'un ensemble cohérent alors que manifestement la diversité humaine fait que cette cohérence, et donc cet ensemble, n'existe pas, on établit un boulevard à la pensée raciste, celle qui clive, celle qui fait des paquets, celle qui classe les uns par rapport aux autres. »
Voilà.
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