Séminaires cliniques

Ce mec [Bion] est un fou. Peut-être que ça ne se voit pas dans la vie de tous les jours, mais ce mec fait des supervisions de psychanalyse et quand il s'y tient, la vérité éclate au grand jour.


On l'a invité au Brésil pour ces petites réunions entre psychanalystes –la supervision. Désigné comme chef superviseur, il se tient debout face à un parterre d'autres fous (psychanalystes) et la séance commence. Un des intervenants, happé au hasard dans la foule en contrebas, prend le micro et décrit un cas auquel il a été confronté : patient, âge, durée de l'analyse, et puis au choix genèse psychologique, phrase sortie au cours d'une analyse, comportement au cours de l'analyse, ou autre curiosité banale. Ça peut être très con. Par exemple : aujourd'hui, en entrant dans le cabinet, mon patient m'a fait un sourire en me disant qu'il m'avait croisé dans la rue et que je ne l'avais pas vu. Ou bien : pour sa première séance, la patiente est restée silencieuse pendant 40 minutes, ensuite elle a pleuré pendant 10 minutes, ensuite le contact social s'est établi.


Et à partir de ça, Bion improvise. Vous ne le saviez peut-être pas mais vous allez le découvrir : Bion est un maraîcher et son domaine, ce sont les pensées sauvages. Il les récolte au gré du vent, quelle que soit leur forme, et il en fait un suc qui aura bon goût pour ceux seulement qui auront les papilles adéquates. Mais quelle folie, quelle inventivité. Imaginez la qualité de nos conversations si tous nous savions ainsi aimer nos pensées sauvages, et leur rendre la valeur que notre société leur a retiré.

Les livres de Bion sont difficiles, mais ses séminaires sont des petits bijoux. On y découvre un Bion qui parle simplement, bien qu'ayant des formulations parfois énigmatiques ; on sent qu'il se laisse porter par son intuition et ses réflexions, c'est pourquoi il n'est pas toujours aisé de le suivre. Bion n'était pas là pour donner des réponses ou dire ce que les psychanalystes devaient faire avec leurs patients ; il proposait un chemin de pensée. Et c'est là où l'on voit tout le génie de Bion.