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Sur les cinq romans d'Adolfo Bioy Casares que j'ai lu, le journal de la guerre au cochon est celui que j'ai plus apprécié (ou le moins détesté, c'est selon). Pas un coup de coeur, évidemment, mais tout de même quelque chose digne d'intérêt à mes yeux. Il était moins une, je commençais à me demander pourquoi ou comment je n'arrivais pas à m'intéresser à l'oeuvre du grand auteur argentin. Ici, il délaisse les intrigues nébuleuses, aux considérations métaphysiques. le narrateur Isidro Vidal est un vieil homme, retraité, qui passe ses journées à faire la sieste, à placoter avec ses vieux amis, en buvant un maté et en jouant au truco. (Ça vous rappelle d'autres oeuvres de Bioy Casares ?) Ils ont des préoccupations de vieux, comme le loyer qu'ils tardent à payer, les dentiers, les teintures pour les cheveux, les femmes plus jeunes… Ils dédaignent celles de leur âge, prétendant qu'elles sont laides, mais c'est plus surement parce que ces dernières ne veulent pas plus d'eux. Bref, le lecteur a droit à un portrait peu flatteur mais probablement assez réaliste de cette frange de la population. de quoi donner envie aux plus jeunes de se débarrasser de quelques uns de ces êtres apparemment ridicules et inutiles, bien souvent séniles…

Là, on entre dans le délire fantastique de Bioy Casares et, pour une fois, je le suis. (Évidemment, je ne pense pas sérieusement qu'il faille zigouiller les personnes du troisième âge !) D'abord, monsieur Hubermann : son assassin était irrité par la lenteur des réflexes du vieux. Il a été relâché aussitôt, c'est comme un signal. À partir de ce moment, Buenos Aires devient le lieu d'une guerre ouverte au cours de la quelle les jeunes pourchassent, effraient et souvent même abattent leurs aînés. Vidal raconte ces événements, ça devient le journal de la guerre au cochon. Cette intrigue semble prendre du temps à se mettre en marche mais le lecteur se rappellera plusieurs indices soupoudrés un peu partout à partir du début du roman. Dès les premières, il semble y avoir un mépris, un ressentiment, une colère envers les vieux (par exemple, quand le dentiste abuse de la naïveté de Vidal en lui vendant un dentier onéreux, puis quand le gardien harcèle le pauvre homme pour obtenir son loyer, les remarques mesquines des voisins, même son propre fils qui le cache quand il reçoit ses amis et collaborateurs).

La plupart des autres personnes âgées subissent le même sort. Puis, quand commence la chasse, ils doivent sauver leur peau, se cacher. Certains sont aidés par leurs jeunes maitresses, comme Vidal qui est épaulé par la jolie Nélida. Ironiquement, à mesure que le roman avance, il se sent plus jeune, revigoré… Justement, le journal de la guerre au cochon est un roman qui porte à la réflexion. Sur la vieillesse, bien sur, et le sort qu'on réserve aux ainés. Toutefois, c'est beaucoup plus alors il ne faut pas lire et comprendre cette oeuvre au premier degré. Au-delà d'une lutte entre jeunes contre vieux, c'est une histoire de rejet de l'autre, basé exclusivement sur un trait de caractéristique. Qui sera la prochaine victime ? Les sans-abri ? Les chômeurs ? Les gens de couleur ? Ceux d'une religion en particulier ? Les femmes ? Est-ce une référence au nazisme ? À en donner des frissons.
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JOURNAL DE LA GUERRE AU COCHON d'ADOLFO BIOY CASARES
Isidro Vidal, petit retraité ne sort plus de chez lui, une dent le fait affreusement souffrir. Il habite dans un groupe d'immeubles avec deux cours qu'il doit traverser pour accéder aux toilettes et c'est là qu'il va rencontrer un ami qui lui donnera les coordonnées d'un dentiste. Quelques jours plus tard il hérite d'un dentier qui le met à la torture. Néanmoins il décide de se socialiser de nouveau et va retrouver ses copains au café pour une partie de « truco ». En rentrant chez eux, ils voient Manuel le marchand de journaux se faire massacrer par une bande de jeunes, aucun d'eux n'esquisse le moindre geste. Isidro vit avec son fils mais quand il reçoit des amis, il pousse Isidro dans le grenier, il a honte de lui, il est trop vieux et de toute façon c'est lui qui paye le loyer. Après Manuel, c'est Hubermann qui se fait tuer par des jeunes en voiture, il n'avait pas démarré assez vite quand le feu était passé au vert. La tension monte chez les vieux qui hésitent à sortir, il n'y a que chez Nestor qu'ils sont bien reçus, son fils leur laisse volontiers la place pour leur partie de cartes. le journal parle d'un grand-père assassiné par deux petites filles de dix et huit ans en allant aux toilettes. Ils ont même peur d'aller désormais aux matchs de football sauf Nestor qui refuse de se laisser intimider…c'est la guerre au cochon, les enfants ne défendent pas leurs parents, les rumeurs font état de quatre ou cinq vieux jetés dans un brasier et brûlés vif…heureusement quelques femmes trouvent encore du charme à ces petits vieux…
C'est un roman qui interroge la vieillesse et la mort, les vieux ont peur et sont égoïstes, les jeunes ont la phobie des vieux qui sont l'image de leur futur. Grave et dérangeant.
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Ce titre est quand même mystérieux au premier abord ! Mais une fois qu'on comprend ce que désigne le cochon, on est surpris. de plus, celui qui tient ce journal, Vidal, est une des proies chassées par les jeunes hommes. Il a soixante mais se sent encore jeune. Difficile de savoir comment tout a commencé…
Entre « jeunes » et « vieux », une guerre éclate, les vieux se cachent, les jeunes provoquent. Où est la limite entre les deux camps ? C'est la peur de la mort qui effraie les jeunes mais est-il possible de la combattre ? La narration d'Adolfo Bioy Casares oscille entre humour noir et réalisme inquiétant. Je ne suis pas sûre d'avoir compris la conclusion de cette fable mais ce roman restera longtemps dans ma mémoire.
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Avec Adolfo Bioy Casares, la fiction et la tragédie ne sont jamais loin de la réalité. Il lui suffit de faire bouger les curseurs pour faire basculer notre quotidien dans l'incertitude. Et, quoi de plus horrible que l'incertitude.
Le journal de la guerre au cochon se passe en Argentine, plus précisément à Buenos-Aires.
Vidal, le narrateur, est un sexagénaire, Isidro de son prénom. Don Isidro, comme on l'appelle dans son immeuble, vit avec Isidrito son fils dans un « vaste immeuble populaire » qui abrite « les filles de l'atelier de couture installé dans la grand pièce donnant sur la rue » ; « pour aller aux cabinets, il fallait traverser deux cours. »
Sa vie de retraité est consacrée à un objectif illusoire : vouloir paraitre toujours jeune. Dentiers, teintures de cheveux, séduction de femmes plus jeunes, rejet des femmes de son âge jugées « laides ».
« Cette femme est devenue une virago répugnante. La vieillesse vous joue de ces tours ! », dit-il de Madame Dalmacia qui n'est guère plus âgée que lui.
Une préoccupation partagée par ses amis qu'il retrouve chaque après-midi, « pour son habituelle partie de truco (…) dans ce café Canning de la place Las Heras.»
Entre eux, ils s'appellent « les garçons », ce qui pour Isidrito répond à « un désir obscur et inavoué de passer pour des jeunes, (…) »
A cette époque Farell « le chef secret des Jeunes Turcs » occupe les ondes nationales et y répand sa diatribe antivieux.
Les garçons, Dante Révora, Nestor Labarthe, Isidro Vidal, Jaime Newman, Lucio Arevalo, Leandro Rey, ne portent pas Farell dans le coeur. Très vitre le sujet occupe l'essentiel de leurs discussions. Jusqu'où pourrait aller cette guerre déclarée aux vieux ?
Pour l'essentiel, les fondements de l'intrigue reposent sur ces données. La force et l'intérêt du roman réside dans l'analyse des réactions des différents personnages.
Dans un premier temps, les « vieux » - appelons-les ainsi par commodité - nient la réalité. La façon dont Adolfo Bioy Casares décrit ce déni n'est pas sans rappeler la façon dont l'opinion des pays européens, et celle de l'Allemagne, ont réagi à la montée du fascisme et du nazisme.
Quand ils assistent au premier assassinat d'un vieux par un groupe de jeunes :
« Se sentant plein de courage pour autant que ses amis le retenaient. Vidal insista :
- Allons-y. Ils vont le tuer.
Arévalo observa flegmatiquement :
- Il est déjà mort.
- Mais pourquoi ? demanda Vidal, un peu égaré.
Jimmy lui murmura amicalement à l'oreille :
- Tais-toi donc. »
Lorsque le cercle de la violence se resserre autour « des garçons », Vidal comprend qu'il n'obtiendra lui aussi, qu'indifférence de la part de ses concitoyens, mais c'est un peu tard pour le regretter. Les Taxis, conduits par des jeunes refusent de s'arrêter pour le prendre, et obligé de marcher, il se déplace en rasant les murs, la peur au ventre, mais l'envie de continuer à vivre collé au corps.
La solidarité entre les « garçons » en prend un coup et les soupçons sur l'intégrité de certains d'entre eux fissurent leur belle amitié :
« - Il parait que Jimmy, pour qu'on le relâche, a dit à ses détenteurs qu'Arévalo fréquentait une mineure, et il a indiqué le lieu et l'heure où on pouvait les surprendre. »
Isolé, plus seul que jamais, Vidal ne rencontrera que la maigre compassion d'un barman qui, au lieu de le dénoncer, lui dira :
« - Vous ferez comme bon vous semble, mais je ne vous conseille pas de rester. le climat est malsain.
- La raison, la fatalité, (se dit Vidal) c'est d'accepter les humiliations. Quand on est vieux, s'entend. »
En utilisant le vecteur de la guerre entre les jeunes et les vieux, Adolfo Bioy Casares, décrit non sans humour, le dilemme de l'être humain condamné à perdre son utilité sociale et à mourir, quoiqu'il fasse.
- « Et on vit dans l'insécurité. le pire, c'est de toujours craindre une surprise.
- C'est ce que je dis, reprit le chauffeur. Supposons qu'effectivement il y ait trop de vieillards inutiles. Pourquoi ne les mène-t-on pas dans un endroit décent où on les exterminerait par des moyens modernes ?
- le remède ne serait-il pas pire que le mal ? Demanda Vidal. Il y aurait des abus.
- Là, je ne dis pas le contraire, reconnut l'homme. le gouvernement a tendance à abuser. On le voit bien avec le téléphone.
Dans la guerre entre les jeunes et les vieux, Vidal est le seul personnage capable d'aborder sans préjugé les points de vue des deux parties qu'il renvoie dos à dos :
« Pour la deuxième fois de la soirée, Vidal se dit qu'on prend l'habitude de vivre sans se rendre compte de rien. Tandis qu'il était accaparé par ses petits problèmes personnels (avant otu la stricte observance de ses habitudes : son maté à heures fixes, sa sieste, sa hâte à se rendre place de Las Heras pour profiter du soleil de l'après-midi, ses parties de truco au café) il s'était opéré de grands changements dans le pays. Cette jeunesse – le garçon boutonneux et le plus petit, qui paraissait intelligent – parlait de ces changements comme quelque chose de connu et de familier. Sans doute faute d'avoir suivi cette évolution, il n'y comprenait rien aujourd'hui. « Je ne suis plus dans la course, se dit-il. Je suis devenu vieux où je vais bientôt l'être. »
Dans ce roman-parabole, Adolfo Bioy Casares nous met en garde contre les conformismes conduisant à l'aveuglement et au rejet de l'autre. Jeune contre vieux, actifs contre chômeurs, malades contre bien portants, la parabole s'applique à de nombreuses situations.
Vidal, le sage, nous montre qu'il est un chemin pragmatique, à défaut d'être vertueux, conduisant à comprendre l'autre, à le respecter. Ainsi, il conquiert l'amour de la jeune Nelida, qui voit en lui un homme nouveau, en dépit de son âge.
A lire.

Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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Adolfo Bioy Casares, auteur argentin et ami de Jorge Luis Borges, publie en 1969 Journal de la guerre au cochon, roman retraçant sur quelques jours la vie de Vidal, retraité de Buenos Aires alors que la ville s'embrase dans un conflit entre jeunes et « vieux ».


Isidoro Vidal, la petite soixantaine mène une vie paisible et monotone : des parties de cartes avec sa bande d'amis, un petit appartement qu'il partage avec son fils et des femmes dont il n'espère plus rien mais qui habitent ses souvenirs et ses rêves. Le voilà pourtant devenu en l'espace de quelques jours une proie parmi tant d'autres d'une guerre générationnelle mené par des jeunes enflammés qui brutalisent et tuent les personnes âgées dans les rues de la capitale argentine, sous les yeux indifférents sinon complices de la population et des autorités. Les « vieux » comme Vidal ne pourront compter que sur la solidarité de leurs amis et la fragile loyauté de leurs fils pour survivre.


Comme à son habitude Adolfo Bioy Casares fait montre d'un talent exceptionnel pour installer une atmosphère bien particulière à son roman. C'est d'ailleurs, le principal point fort du livre : on y mêle habilement le banal et le tragique et l'auteur nous immerge dans le climat de plus en plus délétère et oppressant qui s'installe dans la ville.


On peut regretter que Bioy Casares ne développe pas davantage les raisons de la haine de la jeune génération envers celle qui la précède, ce n'est pas vers ces réflexions que l’auteur veut nous amener. Le roman utilise cette guerre comme une parabole de la vieillesse et nous en fait magistralement ressentir tous les aspects : perte graduelle de nos proches, difficulté à se projeter dans l'avenir, peur de la mort, laisser aller et sentiment d'être rejeté.


Le livre est écrit en 1969 alors qu'Adolfo Bioy Casares est âgé de 55 ans, 30 années après la publication de l'invention de Morel son principal chef d'oeuvre et alors que l'Argentine est en proie à une forte agitation politique dans un contexte de violences entre la dictature d'alors et les mouvements de jeunesse péronistes. L'histoire est fictive mais les craintes face à la situation politique et au temps qui passe sont sans doute bien réelles.


Un roman tout à fait réussi et plus profond qu'il n'y parait, je vous le recommande.
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Ce petit roman d'Adolfo Bioy, est une interrogation sur la vie, la vieillesse et la mort, mais ce livre grave et cruel est en même temps un récit plein de vie et d'humour. (Couverture du livre).
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Dans un style totalement différent, j'ai découvert la littérature argentine à travers un roman d'Adolfo Bioy Casares, auteur reconnu décédé en 1999. le Journal de la guerre au cochon date de 1969. On y découvre une ville sous haute tension qui, pendant plusieurs jours, va connaître des heures terribles …

Vidal est presque vieux, il fréquente des vieux, mais il est attachant. C'est lui qui va tenir une sorte de journal en décrivant quelques jours de sa vie où le monde a semblé devenir fou. En effet, les jeunes de la ville commencent à persécuter les personnes âgées, par des exécutions violentes et injustes. Vidal va parvenir à survivre grâce à son fils mais ce ne sera pas sans mal …

Toute la force du récit tient dans la tension qui le sous-tend : on ne voit que par les yeux de Vidal qui ne voit pas tout, qui ne comprend pas toujours ce qui se passe, qui n'appréhende pas les tenants et les aboutissants de cette révolte étrange, celle d'une partie de la société contre une autre.

"Les premiers responsables sont les médecins. Ils nous fabriquent des vieillards [...]. On s'est borné à peupler la planète de vieux qui ne servent pratiquement à rien."

Au-delà de cette fiction politique intéressante, c'est toute une réflexion sur la vieillesse, sur ce que le temps fait de nous, et que les jeunes refusent. "Ils ont douloureusement compris, dans leur for intérieur, à la lumière de ce conflit, que tout vieillard préfigure l'avenir d'un jeune homme. Leur propre avenir peut-être !"

Un roman intéressant mais sans plus, qui m'a semblé manqué de force d'écriture (mais j'ai trouvé que la traduction était parfois bizarre). Cependant, il s'inscrit bien dans la tradition latino-américaine qui dénonce souvent les exactions commises par les dictateurs : ici, c'est pratiquement une littérature prémonitoire !
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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